Le Devoir

L’indemnité de l’ex-patron de Bombardier mal reçue |

La somme pourrait atteindre 17,5 millions de dollars canadiens

- JULIEN ARSENAULT

L’indemnité de départ octroyée à l’expatron de Bombardier Alain Bellemare, qui pourrait atteindre 17,5 millions $CA, passe mal chez l’une des principale­s agences de conseil aux actionnair­es, qui recommande à ceux-ci de voter contre l’approche de l’entreprise en matière de rémunérati­on.

Dans le rapport qu’elle vient de publier, Glass Lewis estime que les pratiques du constructe­ur d’avions et de trains en la matière soulèvent de « sérieuses questions » lorsque l’on tient compte de sa performanc­e financière sous la gouverne de celui qui a été écarté en mars dernier au profit d’Éric Martel, l’ex-président-directeur général d’Hydro-Québec.

Une première version du document était pour la politique de rémunérati­on, mais une mise à jour a été effectuée à la suite des décisions ayant été prises par l’entreprise au terme de son exercice financier terminé le 31 décembre.

Si Glass Lewis appuie les 13 candidats qui solliciten­t un siège au conseil d’administra­tion lors de l’assemblée annuelle du 18 juin, il en va autrement à l’endroit de la résolution consultati­ve non contraigna­nte de la compagnie en matière de rémunérati­on de ses hauts dirigeants.

« Nous remettons en question les indemnités substantie­lles octroyées à l’ancien président, peut-on lire. M. Bellemare demeure admissible à un paiement [de 4,9 millions] ayant été établi dans les semaines précédant [la fin de son mandat]. »

Mercredi, Bombardier n’avait pas commenté le contenu du rapport.

En vertu de son arrangemen­t conclu avec la société, M. Bellemare aura droit à une indemnité de départ d’environ 10 millions, alors que la valeur de ses attributio­ns sur des actions est de près de 2,7 millions. Il aura également droit à un paiement spécial de 4,9 millions si la vente de Bombardier Transport à Alstom se concrétise.

« Néanmoins, la juxtaposit­ion des faibles rendements sous la gouverne de M. Bellemare avec cette prime de séparation provoque un inconfort », peut-on lire dans le document.

L’an dernier, Bombardier a affiché une perte nette de 1,61 milliard $US sur des revenus de 15,8 milliards $US, en recul de 3 %, dans le cadre d’un exercice marqué entre autres par des problèmes persistant­s d’exécution au sein de sa division ferroviair­e, qui doit en principe passer dans le giron d’Alstom l’an prochain.

Afin d’alléger la lourde dette — supérieure à 9 milliards $US — que traîne Bombardier depuis maintenant plusieurs années, M. Bellemare a procédé à de multiples ventes d’actifs pour recentrer les activités vers les avions d’affaires.

Dans sa circulaire envoyée à ses actionnair­es en vue de son rendez-vous, la société révélait que le conseil d’administra­tion avait donné le feu vert à un paiement spécial en argent à « un large éventail d’employés clés à divers échelons » si la vente de Bombardier Transport à Alstom se concrétise — une décision que remet en question Glass Lewis.

« Nous sommes très sceptiques à l’endroit des avantages payables uniquement lors d’une transactio­n, fait valoir la firme en soulignant que ces paiements non récurrents dépassent souvent le seuil du million de dollars. Les actionnair­es devraient examiner attentivem­ent ces primes et leur justificat­ion. »

En dépit des nombreuses préoccupat­ions de Glass Lewis, les recommanda­tions figurant dans son rapport se butent à un important obstacle, puisque la famille Beaudoin-Bombardier contrôle 50,9 % des droits de vote alors qu’elle ne détient qu’une fraction du total des actions en circulatio­n.

Glass Lewis n’a toutefois pas critiqué la paye globale — qui tient compte du salaire de base, des primes et autres avantages, comme les options sur les actions — octroyée à Éric Martel, qui s’établit à environ à 7,2 millions cette année.

Son traitement prévoit un salaire de base d’environ 1,2 million, qui sera toutefois réduit étant donné que ce dernier a renoncé à sa rémunérati­on pendant que les activités de Bombardier étaient au neutre en raison de la pandémie de COVID-19.

Dans un courriel, la société a dit être en « désaccord » avec l’évaluation de Glass Lewis, en soulignant que l’indemnité de départ de son ancien patron était «conforme à la pratique de plusieurs autres sociétés publiques canadienne­s et américaine­s».

« En ce qui concerne le paiement lié à la transactio­n avec Alstom, il faut rappeler qu’il est conditionn­el à la clôture de la transactio­n, a écrit le porte-parole Olivier Marcil. Il n’est donc ni versé ni garanti. L’ancien président a été au coeur des négociatio­ns et cette somme représente ce à quoi il aurait eu droit si son contrat n’avait pas été résilié. »

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR L’ex-patron de Bombardier, Alain Bellemare. L’une des principale­s agences de conseil aux actionnair­es recommande à ceux-ci de voter contre l’approche de l’entreprise en matière de rémunérati­on.

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