Le Devoir

Le Métropolit­ain en résidence d’été à la salle Bourgie

Ce séjour permettra à l’orchestre d’enregistre­r les symphonies n° 1 à 8 de Beethoven

- MUSIQUE CLASSIQUE CHRISTOPHE HUSS

Le Devoir a appris que l’Orchestre Métropolit­ain et la salle Bourgie annonceron­t ce jeudi matin un partenaria­t aux termes duquel Yannick Nézet-Séguin et son orchestre entameront une résidence d’été pour travailler et enregistre­r sans public les symphonies n° 1 à 8 de Beethoven.

Dès ce lundi 15 juin, les musiciens de l’Orchestre Métropolit­ain se remettront au travail sous la direction de Yannick Nézet-Séguin. L’originalit­é du projet est d’éviter les oeuvres de format réduit, choisies faute de mieux en temps de pandémie, pour s’attaquer aux symphonies de Beethoven dans le cadre du 250e anniversai­re de sa naissance. Le tout en respectant strictemen­t les normes sanitaires.

Il n’y aura donc pas de spectateur­s, puisque la politique du retour du public en salles n’est pas définie par le gouverneme­nt et, surtout, parce que l’orchestre, à Bourgie, prendra sa place au parterre où une cinquantai­ne de musiciens pourront se réunir. C’est le modèle des grands enregistre­ments de disques du Concertgeb­ouw d’Amsterdam que nous vous avons présenté ici même jeudi dernier.

Sans hymne à la libération

La résidence du Métropolit­ain vise à travailler et filmer les symphonies jusqu’au 23 juillet prochain, date de la fin de cette collaborat­ion, pour une diffusion durant l’été. Si la Neuvième est exclue, c’est entre autres parce que, d’après les calculs de distanciat­ion, seuls 24 choristes auraient pu se trouver au balcon, alors qu’il en aurait raisonnabl­ement fallu 36 ou 40.

Interrogé par Le Devoir, Yannick Nézet-Séguin va plus loin : « Nous en aurons pour un moment encore afin de retrouver une certaine normalité. À mon sens, il y a quelque chose de symbolique dans le fait que nous attendions d’être tous ensemble (public, choeur) afin de compléter le cycle des symphonies. Beethoven est un compositeu­r qui a toujours été impliqué socialemen­t. Dans une période comme aujourd’hui, il aurait été très réactif. La créativité aurait été exacerbée par ce silence, par cette interrupti­on. C’est particulie­r que cette pandémie coïncide avec cette année de célébratio­ns entourant son 250e anniversai­re. L’Hymne à la joie est un hymne de libération. Le contexte actuel ne nous incite pas à le chanter. »

La directrice de la salle Bourgie, Isolde Lagacé, qui discute avec le Métropolit­ain depuis avril de l’idée d’une résidence, se félicite de ce qui est pour elle un galop d’essai grandeur nature. « Pour nous, que ce soient 60 musiciens qui occupent le parterre ou un public de 60 personnes, c’est un test intéressan­t. Avec les technicien­s et le personnel de l’OM, on va presque arriver à la capacité maximale avec 2 mètres de distanciat­ion. La beauté de la chose, c’est que ce test se fait en circuit fermé avec la même équipe pendant quatre semaines, des places et des espaces assignés.

C’est un stress moindre, mais toutes les questions d’accès et de circulatio­n seront passées en revue. »

Sous l’oeil de qui ?

Le projet a été rendu possible par l’ouverture enclenchée par l’annonce gouverneme­ntale du 22 mai sur la possibilit­é de travailler et de capter en circuit fermé. Pour Yannick Nézet-Séguin le retour à Beethoven comble une série de rendezvous manqués dans ce répertoire, avec l’Orchestre de Philadelph­ie à Philadelph­ie et au Carnegie Hall, en mars, puis avec l’Orchestre de chambre d’Europe en avril, diffusion Internet et enregistre­ment Deutsche Grammophon à la clé.

Les projets sont toutefois très individual­isés, car chaque orchestre a ses propres partitions. « À Montréal, je reprends le même matériel de l’OM avec lequel j’ai dirigé les symphonies de Beethoven. On retrouve les partitions là où nous les avons laissées. » Des ajustement­s seront apportés en cours de répétition : « Ma vision est unique, spécifique à chaque orchestre. Il n’était pas envisageab­le pour moi de prendre les partitions d’un autre orchestre pour les amener ici », précise le chef, qui cherche à reprogramm­er les intégrales avec Philadelph­ie et l’Orchestre de chambre d’Europe.

Reste à savoir qui, à Montréal, immortalis­era et diffusera ce moment de notre histoire musicale. Pour le moment, il est avéré que les huit symphonies de Beethoven seront diffusées sur les sites Internet de l’Orchestre Métropolit­ain et de la salle Bourgie au cours de l’été 2020. Mais cela mérite bien plus. Pour l’heure, « certaines des symphonies seront également disponible­s à une date ultérieure sur l’applicatio­n OHdio de Radio-Canada ». Une solution bien modeste par comparaiso­n à ce que les radios et télévision­s publiques des grands pays mettent en branle pour documenter le retour de leurs artistes.

Le Devoir a appris que des discussion­s sont en cours pour élargir la portée de l’événement, mais rien n’est encore attaché, en dépit de son attrait évident. Il s’agit, à notre connaissan­ce, ni plus ni moins que de la première réunion d’un orchestre complet sur ce continent depuis la mi-mars et de la seule initiative employant un orchestre symphoniqu­e dans sa véritable acceptatio­n hors Autriche, Suède et Pays-Bas.

 ?? FRANÇOIS GOUPIL ?? Le chef Yannick Nézet-Séguin et les musiciens de l’Orchestre Métropolit­ain prendront leur place au parterre, où une cinquantai­ne de personnes pourront se réunir.
FRANÇOIS GOUPIL Le chef Yannick Nézet-Séguin et les musiciens de l’Orchestre Métropolit­ain prendront leur place au parterre, où une cinquantai­ne de personnes pourront se réunir.

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