Le Devoir

Les uns et les unes et les autres

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Je suis né à un endroit donné, à un moment donné, avec une couleur de peau donnée. Ma langue maternelle est la langue parlée dans cet endroit et je m’exprime avec une tonalité (un accent) donnée. J’ai eu des parents qui sont nés ailleurs à un autre endroit que moi et dont la langue maternelle était différente de la mienne. Tout cela, jusqu’à preuve du contraire, est le fait du hasard.

Question iconoclast­e ou hérétique : pourquoi tant de gens (tout le monde ?) sont-ils fiers d’être nés dans un endroit donné alors qu’ils n’y sont pour rien ?

Question subsidiair­e : pourquoi les êtres humains sont-ils automatiqu­ement étiquetés d’après ces faits du hasard : lieu de naissance, couleur de peau, langue natale, accent ?

Puis l’être humain grandit, reçoit (ou pas) une certaine éducation et baigne (ou pas) dans une certaine religion et s’inscrit (ou pas) à un parti politique. Voilà donc d’autres motifs de différence entre les êtres humains. Origines, lieu de naissance, couleur de la peau, langue natale, accent, éducation, religion, classe sociale, choix politique, etc., des phénomènes qui font tous que les êtres humains sont différents les uns des autres.

Qui sont les autres ? Tous ceux qui ne possèdent pas au moins l’une de nos caractéris­tiques. La couleur de la peau, la nationalit­é, la langue parlée, la religion, l’éducation, les croyances politiques ou philosophi­ques, la classe sociale, la sexualité, etc. On peut les aimer ou les haïr, les accepter ou les rejeter, les considérer comme inférieurs ou arrogants.

Guerres entre les nations, guerres religieuse­s, colonisati­on, luttes sociales, conflits politiques, guerre des sexes, patriarcat, etc. L’autre, toujours l’autre, qu’on veut assimiler ou asservir.

L’identité, c’était le prénom et le nom de famille, le lieu et la date de naissance, l’adresse du domicile. Se sont ajoutés les empreintes digitales, l’ADN et la reconnaiss­ance faciale. Tous les êtres humains sont donc uniques.

Le patriotism­e, le chauvinism­e, la religiosit­é, etc., ont des produits dérivés, la xénophobie, le racisme, la ségrégatio­n, etc.

Les autres, ce sont les étrangers (les étranges ?), les hérétiques, les païens, les mécréants, les ultras et tous les autres en général. La généralisa­tion ou la majorité, voilà le mal qui ronge. Tous les Québécois ne sont pas ci ou ça. Tous les Français, tous les Américains, etc., ne sont pas semblables en tout point.

Aimer son semblable, c’est facile… aimer l’autre, c’est différent. Comme disait Paul Géraldy : « On aime d’abord par hasard, par jeu, par curiosité, puis, quand quelqu’un vous aime, on l’aime, par conformité de goût. » Thomas Déri

Saint-Lambert, le 11 juin 2020

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