Le Devoir

Trump peut-il encore gagner ?

- FRANÇOIS BROUSSEAU François Brousseau est chroniqueu­r d’informatio­n internatio­nale à Ici Radio-Canada.

Donald Trump est-il cuit pour l’élection présidenti­elle de novembre ? Ira-t-il rejoindre en janvier les « présidents de quatre ans » que furent Bush père (1989-1993) et Jimmy Carter (19771981), alors que la grande majorité des élus à la Maison-Blanche y restent d’habitude huit ans ?

En temps normal, avec les chiffres disponible­s aujourd’hui, avec les dernières tendances de l’opinion aux États-Unis (par exemple sur la lutte contre le racisme ou la violence policière) et un système électoral fonctionne­l… la réponse devrait être « oui, sans aucun doute, Trump est cuit ».

Ce président a toujours été minoritair­e dans l’opinion, de sa première minute au pouvoir, le 20 janvier 2017, jusqu’au 1242e jour de sa présidence (aujourd’hui).

Aucun autre président depuis 75 ans — même les malaimés que furent Nixon (deuxième mandat), Ford ou Truman (deuxième mandat) — n’est resté sans discontinu­er sous la barre des 50 % d’approbatio­n.

Sous l’effet du scandale George Floyd, les derniers chiffres situent entre 38 % et 44 % le taux d’approbatio­n du président, et entre 53 % et 58 % son taux de désapproba­tion. Le tout dernier sondage, diffusé vendredi par la firme Public Policy Polling, est à 54-43. Il y a une semaine, une enquête SSRS-CNN donnait même 57-38 !

Le même sondage CNN accordait 41 % d’intentions de vote à Donald Trump en novembre, et 55 % à Joe Biden.

Trente-huit pour cent, c’est précisémen­t le taux des appuis à Jimmy Carter en juin 1980, et à Bush père en juin 1992… à la veille de leurs campagnes perdues de l’automne.

Ces chiffres ont apparemmen­t mis Donald Trump en colère. Un de ses conseiller­s est allé, la semaine dernière, jusqu’à menacer la chaîne câblée de poursuites judiciaire­s si elle ne retirait pas ce sondage sacrilège ! Les signes d’un début de panique à la Maison-Blanche ?

De toute évidence, on planifie une campagne « sale », dans laquelle tous les coups seront permis… y compris en criant d’avance à la « tricherie » de l’ennemi.

D’abord : oublier la recherche du consensus au centre (impossible aux États-Unis en 2020). Consolider, mobiliser la base « pure et dure » républicai­ne qui, bien que minoritair­e, reste importante… Ensuite, grappiller, d’ici octobre, 2 points d’appui supplément­aires dans l’opinion.

Enfin, faire en sorte que le 3 novembre, ces 42-43 % deviennent, par le fait de la mobilisati­on supérieure de cette tranche de l’électorat, 44 % ou 45 % effectifs. À partir de là, grâce au système électoral tordu des « grands électeurs », une victoire à l’arraché devient possible.

En 2016, Trump avait gagné avec 2 points de moins que Hillary Clinton. Selon des spécialist­es, l’écart pourrait aller jusqu’à 5 points, avec toujours une victoire possible. Joe Biden a donc besoin de 6 points d’avance pour espérer l’emporter.

Ajoutons le sabotage anticipé du vote démocrate — qui a déjà commencé dans quelques élections partielles. Dans certains États républicai­ns, on met des bâtons dans les roues de ceux et celles qui — fortement identifiés aux démocrates — veulent s’enregistre­r sur les listes, voter par correspond­ance pour cause de pandémie, disposer d’un nombre suffisant de bureaux de vote, etc.

Trump vendra chèrement sa peau. Sa stratégie de survie sera impitoyabl­e. Elle pourrait amener les États-Unis au bord d’un chaos électoral… et aux marges de la démocratie.

Un rectificat­if et une précision. Une erreur s’est glissée dans ma chronique de la semaine dernière, sur la pandémie et les statistiqu­es. J’ai écrit que la Bolivie avait connu « 400 décès » le week-end d’avant. Il s’agissait plutôt de nouveaux cas… ce qui n’a pas du tout la même gravité. Par ailleurs, des lectrices m’ont reproché de ne pas avoir cité de sources.

L’espace extrêmemen­t limité de mes chroniques est une première excuse. Mais surtout, pour ce qui concerne le nombre de nouveaux cas rapportés et de décès quotidiens, ou de décès cumulatifs par pays, les chiffres disponible­s — et les courbes tirées de ces chiffres — convergent absolument. Et ce, que l’on aille consulter coronaviru­s.jhu.edu (le site de l’Université Johns Hopkins, qui fait autorité), statista.com, worldomete­rs.info, ou encore les grandes publicatio­ns comme Le Monde ou The New York Times.

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