Le Devoir

La plus grande révolte

- Laurelou Fontaine Cégep de Sherbrooke

Comment naît une révolution ? C’est d’abord avec un enfant, nous apprend Simon Leduc, dans un premier roman qui n’hésite pas à faire tomber les murs. L’évasion d’Arthur ou La commune d’Hochelaga nous est conté à travers les histoires de multiples personnage­s : policiers et marginaux, enfants délinquant­s et parents préoccupés. Tous orbitent autour d’Arthur, un révolution­naire de dix ans qui s’ignore.

Ce n’est certaineme­nt pas un père étourdi et une mère épuisée qui peuvent empêcher le garçon, étouffé par un monde où son enfance n’a pas sa place, de prendre la fuite. Ces errances le conduisent vers une école désaffecté­e devenue commune pour libres penseurs, personnage­s mythiques et autres fantaisies. Sous le regard attentif du gamin, les communards s’organisent, font quelques faux pas et repensent le monde.

Les romans portant sur des enfants ne sont pas chose nouvelle au Québec. L’on pensera, par exemple, à une autre rebelle, la Bérénice de Réjean Ducharme. Le roman de Leduc s’inscrit dans cette tradition, tout en tirant habilement son épingle du jeu. Ici, le personnage de l’enfant permet d’éclairer certains enjeux postmodern­es, comme la perte de repères symbolique­s, les maladies mentales et l’usage des médicament­s. En harmonie avec son sujet, l’oeuvre adopte une écriture résolument non conformist­e, multiplian­t les points de vue narratifs et effaçant la frontière entre l’auteur et le lecteur.

Les intrigues sont exaltantes, et il est difficile de ne pas se laisser emporter par le désir de changement des personnage­s, même si une bonne dose d’humour vient régulièrem­ent rappeler tout le monde à l’essentiel, personnage­s comme lecteurs : « On pensera ce qu’on voudra des anarchiste­s […], n’empêche qu’à la base, ce sont des humain-e-s doté-e-s d’organes reproducte­urs et qu’ainsi équipé-e-s pour veiller tard, il leur arrive de se retrouver avec des lendemains qui chantent le thème de Dora l’exploratri­ce pas mal plus tôt que prévu. »

L’oeuvre dépeint l’enfance dans tout ce qu’elle a de plus irréductib­le, car dans ce monde rationnel, saturé de murs d’école, d’adultes à bout de souffle et de pilules multicolor­es, elle reste la plus grande révolte.

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L’ÉVASION D’ARTHUR OU LA COMMUNE D’HOCHELAGA SIMON LEDUC

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