Dualité mexicaine
Victor Hugo écrivait : « Lire, c’est voyager. » C’est justement cet exquis sentiment de voyage qui habite le lecteur du dernier roman de Louis Carmain, Les offrandes, publié chez VLB éditeur. Il se sent plongé au coeur d’un Mexique où règne, par-delà la beauté des plages de sable blanc et de la mer azur, une étouffante misère sociale. Ce Mexique, qui prend forme au fil du roman, se transforme rapidement en microcosme de tout ce qui va mal dans le monde : sexisme, violence, corruption, dysfonctionnement de l’État.
À travers les yeux de Maude, une Québécoise expatriée depuis peu, on découvre un pays à la culture richissime mais miné par des conflits continuels. Cette expédition, à laquelle l’auteur nous convie, prend forme grâce aux riches expressions mexicaines qui colorent les dialogues et aux nombreuses références culturelles qui ponctuent l’histoire.
Le plus surprenant dans Les offrandes, c’est que, malgré l’horreur omniprésente et la souffrance ambiante, on s’attache aux personnages et aux lieux que Maude nous fait découvrir. Si l’intrigue, qui s’articule autour de l’enquête que la narratrice mène à la suite de la mort de deux jeunes femmes de ménage, peut sembler parfois terne et sans rebondissements, les tribulations de Maude, ses rencontres et ses mésaventures nous tiennent, quant à elles, bien en haleine. L’aventure policière ne devient finalement qu’une excuse pour s’immiscer au coeur de la culture mexicaine et pour faire vivre au lecteur une véritable aventure sociologique dans laquelle Maude incarne un Mexique traumatisé où la violence et l’insoutenable sont devenus pain quotidien.
Ce Mexique, qui semble au début si lointain, se transforme, au fil des réflexions de Maude, et plonge finalement le lecteur dans un étrange sentiment de proximité. Avec des yeux parfois médusés, parfois habitués, le lecteur partage cette communion entre Maude et le désenchantement mexicain.
Ainsi, solidement ancré dans l’univers du roman, le lecteur navigue des plages de Cancún aux ruelles de Mexico. Carmain réussit un véritable tour de force avec Les offrandes, celui d’illustrer avec justesse cette dualité si fascinante de la société mexicaine : jongler entre l’extrême beauté et la désillusion sociale.