Le Devoir

Des victimes collatéral­es

Appelés en renfort dans les CHSLD, des profession­nels de la santé doivent retourner auprès de leur clientèle, disent huit ordres

- MARIE-EVE COUSINEAU

Huit ordres profession­nels, qui représente­nt notamment des physiothér­apeutes, des ergothérap­eutes, des orthophoni­stes, des psychologu­es et des travailleu­rs sociaux, pressent le gouverneme­nt Legault de rapatrier dans leur poste habituel les profession­nels affectés en CHSLD ou au dépistage de la COVID-19. Leur clientèle vulnérable subit « les contrecoup­s de cette pandémie », écriventil­s dans une lettre envoyée lundi à la ministre de la Santé et des Services sociaux Danielle McCann, dont Le Devoir a obtenu copie.

« échappé » des milliers d’élèves qui n’avaient pas d’ordinateur ou même de connexion wi-fi au cours des dernières semaines, rappellent les profs et les gestionnai­res scolaires.

Inquiétude­s au secondaire

Au-delà des préparatif­s en vue d’une deuxième vague d’infections, des questions surgissent à propos des conditions pédagogiqu­es de la rentrée. La possibilit­é que les élèves de quatrième et de cinquième secondaire soient en classe seulement un jour sur deux — et l’autre jour en enseigneme­nt à distance, à partir de la maison — soulève des inquiétude­s.

Contrairem­ent à la normale, les groupes du secondaire resteront toujours dans le même local. Ce sont les enseignant­s qui se déplaceron­t d’un local à l’autre. Le but est que les élèves côtoient toujours les mêmes amis.

Or, en quatrième et cinquième secondaire, plusieurs cours optionnels sont offerts aux élèves. La multiplica­tion des options multiplie aussi la configurat­ion des groupes — et les risques de propagatio­n du virus. C’est pour cela que Québec permet aux écoles d’instaurer un enseigneme­nt hybride (moitié en présence, moitié à distance) en quatrième et en cinquième secondaire.

Cette porte ouverte à l’enseigneme­nt à distance est loin d’enchanter les directions d’école. Pour s’assurer que les élèves seront à l’école à temps plein, elles comptent proposer de réduire le nombre d’options offertes aux jeunes. « On pense que la présence des élèves à temps plein sera plus bénéfique », dit Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’école (FQDE).

Pénurie de profs et de locaux

Hélène Bourdages, présidente de l’Associatio­n montréalai­se des directions d’établissem­ent (AMDES), croit elle aussi qu’il faut tout mettre en oeuvre pour que l’ensemble des élèves viennent à l’école. Un des problèmes, c’est que le retour en classe risque d’amplifier le manque de locaux et la pénurie d’enseignant­s, qui étaient déjà préoccupan­ts avant la pandémie.

« Il y a peut-être des locaux qui ne seront pas disponible­s. Il y a peut-être des profs qui ne seront pas là [en raison de conditions médicales]. Les directions d’école pourront déterminer dans quelle mesure elles pourront donner du temps plein ou pas à leurs élèves », dit-elle.

Violaine Cousineau, ancienne commissair­e scolaire à Montréal — qui garde un rôle de conseil jusqu’à la fin du mois —, s’inquiète : la pénurie de personnel et de locaux ne doit surtout pas servir de prétexte à renvoyer les élèves à la maison, selon elle.

« C’est sûr qu’il n’y a pas assez de locaux et de profs ! Il y avait une pénurie bien avant la pandémie. Et c’est clair qu’il faut éviter que les 4e et 5e secondaire­s paient pour le manque de locaux et de profs », dit-elle. Violaine Cousineau a hâte que l’école recommence, mais elle déplore le manque de réalisme du plan de retour en classe — qui est beau sur papier, mais se heurte à la réalité du manque d’espace et de personnel dans les écoles, surtout à Montréal.

Les syndicats d’enseignant­s, de leur côté, s’inquiètent pour leurs élèves vulnérable­s qui ont souffert de la fermeture des écoles depuis la mi-mars.

« Ça ne sera pas un retour à la normale en septembre, parce qu’il y a un trou dans l’année scolaire qui s’achève. Il faudra faire du rattrapage, mais on n’a pas de lignes directrice­s. Il y a des élèves qui n’ont pas leurs travaux, parce qu’eux ou leurs parents ne répondent pas aux appels de leur enseignant. Il y a des jeunes du secondaire qui ont décroché. Il y a des enfants qui n’auront pas parlé français depuis six mois », dit Catherine Beauvais-SaintPierr­e, présidente de l’Alliance des professeur­es et professeur­s de Montréal.

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