Le Devoir

Retour en classe généralisé

Les écoles doivent toutefois se tenir prêtes à dispenser l’enseigneme­nt à distance

- MARCO FORTIER

Critiqué pour sa gestion de la pandémie, le ministre Jean-François Roberge a admis que le réseau d’éducation « n’était pas prêt » et a ordonné aux écoles de se préparer à dispenser l’enseigneme­nt à distance en cas de deuxième vague d’infections au coronaviru­s.

La rentrée scolaire de l’automne se fera en classe pour tous les élèves du primaire et du secondaire, a annoncé mardi le ministre de l’Éducation et de l’Enseigneme­nt supérieur. D’ici là, toutes les écoles doivent se doter d’un plan d’urgence « pour être capables de basculer rapidement vers une fréquentat­ion à temps partiel ou même vers une fermeture d’établissem­ent sans jamais arrêter la scolarisat­ion », a dit le ministre Roberge lors d’un point de presse.

« J’ai confiance que le réseau va être prêt, a-t-il expliqué. Il ne faut pas se mentir, le réseau n’était pas prêt en mars dernier. La formation à distance, ce n’est pas habituel. Les outils pédagogiqu­es, on n’en avait peut-être pas suffisamme­nt. Ça a pris un certain temps avant de les prêter, de les distribuer. On a appris. J’ai appris. On a fait un pas de géant vers l’avant ensemble. »

Le ministre Roberge a défendu sa gestion de la pandémie, qui a créé de la grogne dans le réseau scolaire. « Les partenaire­s de l’éducation et de l’enseigneme­nt supérieur ont eu l’impression d’être pris pour des yo-yo depuis quelques mois et la confiance à l’endroit du ministre est à un fil d’être rompue. On attend un plan sérieux », a indiqué Sonia Éthier, présidente de la CSQ.

Le premier ministre François Legault a défendu son ministre de l’Éducation, un proche de la première heure, membre fondateur de la Coalition avenir Québec (CAQ), en qui il dit avoir « totalement confiance». « JeanFranço­is Roberge a fait un travail admirable au cours des derniers mois. Ça n’a pas été simple, entre autres de rouvrir les écoles dans toutes les régions du Québec sauf le Grand Montréal. Beaucoup de gens pensaient que ça ne fonctionne­rait pas. Ça a fonctionné », a dit le premier ministre lors d’une tournée en Beauce.

Un nouveau départ

La rentrée scolaire de l’automne sera un nouveau départ pour le réseau de l’éducation, fait valoir le ministre Roberge. Personne n’aurait pu croire en ce scénario optimiste il y a tout juste un mois et demi. Mais avec la bénédictio­n de la Santé publique, le ministre a confirmé que tous les élèves du préscolair­e, du primaire et du secondaire reviendron­t en classe à la rentrée de l’automne.

Au cégep et à l’université, le ministre a dit souhaiter « une fréquentat­ion la plus grande possible » en présence sur les campus. Il a demandé

« Nous nous inquiétons de l’impact causé par la diminution, voire par l’absence de services, depuis plusieurs mois, dans un contexte où la fragilité même de ces services était déjà bien présente et dénoncée avant l’arrivée de la COVID-19 », écrivent les cosignatai­res.

En entrevue, le président de l’Ordre des orthophoni­stes et audiologis­tes du Québec, Paul-André Gallant, souligne qu’il a encouragé ses membres à « aller aider là où il y avait des feux » durant la crise. Ses membres ont répondu à l’appel. « Mais ça fait quelques mois maintenant, dit-il. Des profession­nels sont allés en CHSLD et ne sont pas de retour. Des clientèles ont été laissées à elles-mêmes. »

Des enfants d’âge préscolair­e, ayant des troubles de langage, n’ont certaineme­nt pas eu les services de réadaptati­on auxquels ils auraient dû avoir droit, estime Paul-André Gallant. « Pour les petits bouts de choux, s’ils n’ont pas de service pendant plusieurs mois, ça peut avoir un impact, particuliè­rement pour ceux qui rentrent à l’école en septembre », souligne-t-il.

Denis Pelletier, président de l’Ordre profession­nel de la physiothér­apie du Québec, rappelle que les cas prioritair­es et urgents ont été traités. « Mais certaines clientèles aux prises avec des AVC [accidents vasculaire­s cérébraux] ont reçu un minimum de services de réadaptati­on disponible­s dans les circonstan­ces, signale-t-il. On ne peut plus se permettre de continuer comme ça bien longtemps. »

Le cabinet de la ministre Danielle McCann a réagi rapidement après la réception de la lettre. Une invitation pour un entretien a été envoyée dès lundi aux ordres profession­nels, indique l’attaché de presse de la ministre Alexandre Lahaie.

Des syndiqués s’impatiente­nt

L’Alliance du personnel profession­nel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) dit faire régulièrem­ent des représenta­tions auprès du cabinet de la ministre Danielle McCann au sujet du délestage de certains services.

« On a cessé des activités, mais les besoins de la population, eux, n’ont pas cessé, rappelle la présidente de l’APTS Andrée Poirier. Le ressac nous inquiète au plus haut point. » Les listes d’attente s’allongent. « En santé mentale, ça a explosé dans certaines régions », soutient Andrée Poirier.

D’autres clientèles pâtissent de la réaffectat­ion de nutritionn­istes. « À certains endroits, un enfant qui a un problème de dysphagie [difficulté à avaler] pouvait attendre un mois avant d’être évalué et recevoir de l’aide avant la pandémie, précise Andrée Poirier. Là, c’est huit mois d’attente. »

Léonie Blanchette, présidente de l’exécutif syndical de l’APTS CentreOues­t-de-l’Île-de-Montréal, cite pour sa part en exemple le cas d’un patient en attente d’un service d’aide pour la gestion de ses douleurs chroniques. « Il a été référé en février 2018, dit-elle. On vient tout juste de l’appeler pour évaluer sa vulnérabil­ité, pour savoir comment il s’en sort durant la pandémie. On n’est pas encore rendus à lui offrir de services. »

Bien des familles souffrent du redéploiem­ent des éducateurs spécialisé­s en CHSLD, selon la Société québécoise de la déficience intellectu­elle. « Les services ont cessé, dit la directrice générale Anik Larose. L’éducatrice de ma fille de 25 ans [trisomique] a ellemême été déployée en CHSLD et nous n’avons pas eu de nouvelle depuis. » Selon elle, la perte de stimulatio­ns aura une incidence chez les enfants ayant une déficience intellectu­elle et en plein développem­ent.

Les ordres profession­nels jugent qu’il faut mettre en place rapidement un plan afin de redéployer les profession­nels de la santé dans leur secteur respectif.

« Le timing est excellent pour corriger le tir », estime Denis Pelletier. Les stages terminaux des finissants en maîtrise en physiothér­apie, explique-til, ont été suspendus ou sont devenus « très difficiles à obtenir » durant la pandémie. S’ils redémarrai­ent, les étudiants pourraient contribuer à traiter davantage de patients. « Ce n’est pas la panacée, mais un physiothér­apeute pourrait superviser 3 ou 4 finissants », avance Denis Pelletier.

À certains endroits, un enfant qui a un problème de dysphagie [difficulté à avaler] pouvait attendre un mois avant d’être évalué et recevoir de l’aide avant la pandémie. Là, c’est huit mois »

d’attente. ANDRÉE POIRIER

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