Le Devoir

Le monde du spectacle devra s’adapter aux mesures sanitaires

Dans ce milieu, ce ne sont pas des rapports de patron à employés et les frontières sont mouvantes

- CAROLINE MONTPETIT

Lavage systématiq­ue de tous les équipement­s et costumes. Respect de la règle du mètre et demi de distance entre les gens, à moins, si c’est impossible, de porter un masque et une visière. Restrictio­n de 50 personnes dans une salle, en incluant les artistes et les technicien­s. Les nouvelles mesures sanitaires annoncées par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) imposent, sans surprise, des restrictio­ns très contraigna­ntes à l’industrie du spectacle. Plus encore que la gestion des déplacemen­ts du public, c’est le processus de création qui sera difficile à adapter aux nouvelles normes, selon plusieurs intervenan­ts.

« Vraiment, pour les personnes, dans les espaces de travail, ça va être complexe : tout le travail de répétition, le travail sur scène, en coulisse, en respectant les règles de distanciat­ion physique », dit Sylvie Meste, directrice générale du Conseil québécois du théâtre.

Au-delà de la gestion de la distance, « tout le procédé de nettoyage des équipement­s demande énormément de temps », poursuit-elle.

Dans ses discussion­s avec le ministère de la Culture et des Communicat­ions, le Conseil québécois du théâtre suggérait d’abord et avant tout d’entamer une première phase de travail, qui permettrai­t aux artistes de reprendre leur processus de création.

« Il y a minimaleme­nt deux ou trois mois de travail scénique pour qu’un spectacle puisse être présenté devant public », explique Sylvie Meste.

D’ailleurs, il est improbable, dans l’état actuel des choses, que les spectacles qui étaient déjà prêts ou même à l’affiche au moment du déclenchem­ent de la crise puissent être présentés tels quels. « Même si c’est un spectacle existant ou une reprise, il faut le repenser avec des contrainte­s », poursuit Sylvie Meste.

Dans ce contexte, il est bien possible que les metteurs en scène fassent des choix dramaturgi­ques de circonstan­ce et qu’on assiste à une recrudesce­nce des spectacles en solo cet automne.

Du côté d’En piste, le regroupeme­nt national des arts du cirque, la directrice, Christine Bouchard, se dit très heureuse de la subvention de 10 millions qui a été accordée par Québec pour le soutien de son milieu.

Reste que, là aussi, les créations circassien­nes devront tenir compte de la distanciat­ion physique, ce qui pose de sérieux problèmes dans tous les numéros de main à main, par exemple, et autres duos de trapèze.

« Le port du masque et de la visière comporte trop de risques pour un duo d’artistes de cirque », dit Christine Bouchard. Les metteurs en scène seraient donc contraints de ne présenter que des duos ou des numéros de groupe de personnes vivant ensemble dans la vie, pour éviter la contagion.

Juliane Bouchard, directrice générale de Rideau, trouve de son côté « à la fois très vague et très carré » le guide des mesures sanitaires qui s’applique à l’industrie du spectacle. « Je ne sais pas comment nos membres vont se débrouille­r, dit-elle. Cela va demander beaucoup d’adaptation et complexifi­er le travail des équipes des technicien­s de scène. On nous demande de réduire au minimum les équipes de travail. »

Elle précise que les directives de la CNESST ne sont pas particuliè­rement adaptées au milieu du spectacle, où les relations ne sont pas des rapports « de patron à employés » et où les

Tout le procédé de nettoyage des équipement­s demande énormément » de temps SYLVIE MESTE

frontières sont mouvantes. Il faudra donc établir, dans chaque cas, qui est responsabl­e des mesures sanitaires. Mme Bouchard ne prévoit pas elle non plus une reprise importante des spectacles en salle avant l’automne prochain. « On se croise très fort les doigts pour l’automne prochain », ditelle, en espérant « un plan de relance qui s’adressera aux diffuseurs. »

Du côté du Réseau des organisate­urs de spectacle de l’est du Québec (ROSEQ), on est plus optimiste. Le directeur, Frédéric Lagacé, espère même lancer une programmat­ion estivale dans les prochains jours. Il faut cependant se pencher sur la question des pertes de revenus, dit-il, pour ne pas que cette facture soit refilée aux agences, aux diffuseurs, « ou même au public ».

 ?? VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR ?? Une répétition pour le spectacle La Renarde en hommage à Pauline Julien, dans le cadre des Francofoli­es en 2018
VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR Une répétition pour le spectacle La Renarde en hommage à Pauline Julien, dans le cadre des Francofoli­es en 2018

Newspapers in French

Newspapers from Canada