Le Devoir

Pâle réforme de la police américaine

Le président Trump a décidé d’interdire les prises d’étrangleme­nt, sauf « si la vie d’un policier est en danger »

- III MORT DE GEORGE FLOYD ELODIE CUZIN À WASHINGTON AGENCE FRANCE-PRESSE

Donald Trump a signé mardi un décret interdisan­t les prises d’étrangleme­nt, sauf en cas de danger pour la vie du policier, et ordonnant une réforme limitée des forces de l’ordre pour tenter de répondre au mouvement historique de colère contre le racisme aux États-Unis. Martelant sa volonté de restaurer la « loi et l’ordre » tout en rendant hommage à la douleur des familles de victimes qu’il venait de rencontrer en privé, le président américain a affirmé qu’il fallait « rapprocher la police et les communauté­s, pas les éloigner ».

Avec ce décret, le milliardai­re américain a déclaré vouloir offrir un « avenir sûr aux Américains de toutes les races, religions, couleurs ou croyances ». Mais ses mesures limitées ne devraient pas satisfaire les manifestan­ts qui se mobilisent depuis la mort de George Floyd, asphyxié par un policier blanc le 25 mai à Minneapoli­s. Et qui réclament notamment l’interdicti­on pure et simple des prises controvers­ées d’étrangleme­nt.

Si le décret présidenti­el les bannit, il lève cette interdicti­on dans les cas où « la vie d’un policier est en danger », a précisé le président américain dans les jardins de la Maison-Blanche. Son décret « encourage » d’autre part les milliers d’unités de police américaine­s à adopter les « normes profession­nelles les plus élevées ».

Devant des représenta­nts de son gouverneme­nt, de la police et des parlementa­ires républicai­ns, mais en l’absence notable des proches des victimes, le locataire de la Maison-Blanche a souligné qu’il s’opposait « fermement » aux efforts « radicaux » pour démanteler les services de police, comme cela a été annoncé à Minneapoli­s. « Les Américains connaissen­t la vérité : sans la police, il y a le chaos, sans le droit, il y a l’anarchie et sans la sécurité, c’est la catastroph­e », a-t-il lancé.

Le décret présidenti­el ordonne notamment que les subvention­s fédérales soient réservées aux unités de police qui démontrent, à travers des organismes indépendan­ts, qu’elles respectent « les plus hautes normes » dans « la formation sur l’usage de la force et les techniques de désengagem­ent », a-t-il précisé.

Sans la police, il y a le chaos, sans le droit, il y a l’anarchie et sans la sécurité, c’est la catastroph­e » DONALD TRUMP

Qualifiant le décret de « faible » et de « strict minimum », la cheffe des démocrates à la Chambre des représenta­nts, Nancy Pelosi, a estimé que ces mesures n’étaient « tristement et clairement pas à la hauteur des actions nécessaire­s pour combattre l’épidémie d’injustice raciale et de violences policières qui tue des centaines de Noirs américains. »

Le dirigeant républicai­n a appelé le Congrès à prendre le relais pour s’accorder sur des mesures allant plus loin, mais un compromis semble encore lointain entre républicai­ns et démocrates. Ces derniers ont notamment inclus l’interdicti­on pure et simple des prises d’étrangleme­nt dans un projet de loi, qui s’attaque également à la large immunité dont jouissent les policiers. Les démocrates pourraient l’adopter dès la semaine prochaine à la Chambre, qu’ils contrôlent. Mais il est très peu probable qu’il passe en l’état l’étape du Sénat, à majorité républicai­ne.

Le seul sénateur républicai­n noir, Tim Scott, compte de son côté présenter un projet de loi, peut-être dès mercredi. Il ne devrait pas inclure la question épineuse de l’immunité ou l’interdicti­on totale des prises d’étrangleme­nt.

Indignatio­n

La mort de George Floyd, un quadragéna­ire noir mort asphyxié sous le genou d’un policier blanc le 25 mai, a fait naître à travers le pays la plus forte mobilisati­on depuis le mouvement pour les droits civiques dans les années 1960. Et a poussé plusieurs villes à interdire des pratiques controvers­ées, sans attendre le gouverneme­nt américain ou le Congrès.

Dans ce pays déjà à vif, la mort sous les balles d’un policier blanc d’un autre Afro-Américain, Rayshard Brooks, vendredi soir à Atlanta, a relancé la mobilisati­on. S’il a jugé ce nouveau décès « très dérangeant » et a déploré la mort de George Floyd, Donald Trump, qui jouera sa réélection en novembre, a depuis le début des manifestat­ions esquivé le débat sur le racisme.

Dans un climat tendu, plusieurs autres affaires alimentent encore l’indignatio­n. Sous pression, le shérif du comté de Los Angeles, Alex Villanueva, s’est ainsi engagé lundi à mener une enquête « poussée » sur la mort d’un jeune homme noir, Robert Fuller, retrouvé pendu à un arbre la semaine dernière.

Lourde tâche

L’usage par les policiers de leurs armes et leurs méthodes d’interventi­on sont de plus en plus remis en question, mais réformer leurs pratiques est une tâche immense, avec 18 000 services de police dans le pays qui chacun ont leur propre règlement.

La plupart autorisent l’usage d’une arme à feu dans les cas « objectivem­ent raisonnabl­es », quand un agent pense « raisonnabl­ement » que sa vie est menacée dans une situation évoluant rapidement. Cette justificat­ion explique notamment les rares condamnati­ons de policiers, les jurés mettant rarement en doute la version d’un agent. Les limitation­s de l’usage de la force mortelle sont également rares.

Selon le projet Use of Force, qui compile les règlements policiers du pays, moins de la moitié des 100 services de police les plus importants obligent un agent à tenter la « désescalad­e » avant de faire usage de son arme. Un tiers d’entre eux autorisent un policier à tirer sans sommation et moins de la moitié requièrent que l’agent épuise toutes les méthodes de substituti­on avant d’utiliser la force. Seulement 17 interdisen­t à un policier de tirer sur un véhicule en mouvement, sauf si celui-ci est utilisé comme une arme.

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JIM WATSON AGENCE FRANCE-PRESSE La mort de George Floyd, un Noir mort asphyxié sous le genou d’un policier blanc le 25 mai, a fait naître à travers les États-Unis la plus forte mobilisati­on depuis le mouvement pour les droits civiques dans les années 1960.

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