Le Devoir

Bombardier froisse encore ses actionnair­es

- GÉRARD BÉRUBÉ

Les actionnair­es institutio­nnels, Caisse de dépôt en tête, se rebiffent une nouvelle fois contre le conseil d’administra­tion de Bombardier. Encore une question de rémunérati­on jugée excessive pour des hauts dirigeants ayant offert aux investisse­urs un rendement annuel composé négatif de 14,2 % entre fin 2014 et fin 2019.

Cette fois, pour la Caisse de dépôt, c’est la rémunérati­on totale de 17,5 millions versée au président sortant, Alain Bellemare, qui froisse. Une rémunérati­on comprenant une prime de 4,9 millions versée si la vente de Bombardier Transport à Alstom est réalisée.

« L’indemnité de départ de l’ancien chef de la direction, bonifiée notamment par l’octroi d’une rémunérati­on incitative spéciale, est largement audelà de ce qui était prévu dans son contrat au moment de son embauche à la suite de l’amendement fait le 28 février 2020. Il en va de même pour la bonificati­on de la rémunérati­on incitative et des indemnités de départ de certains autres hauts dirigeants qui sont également accessible­s en cas de démission. Ces éléments de rémunérati­on sont jugés excessifs », écrit la Caisse en justificat­ion à son vote contre la politique de rémunérati­on qui sera, malgré tout, adoptée dans le cadre de l’assemblée de jeudi.

Le Fonds de solidarité FTQ, détenteur de quelque 3 millions d’actions de Bombardier, compose également ce groupe d’actionnair­es institutio­nnels qui manifesten­t leur opposition dans un vote consultati­f, mais non contraigna­nt. L’institutio­n québécoise en a contre le régime d’options d’achat d’actions pour les dirigeants.

« À lui seul, le régime d’options d’achat d’actions pour les dirigeants inclus dans la politique ne [respecte] pas les critères pour obtenir l’appui du Fonds », écrit-il dans un courriel.

L’assemblée des actionnair­es de 2017 avait également été le théâtre d’une levée de boucliers des institutio­nnels. Les six plus hauts dirigeants avaient vu leur rémunérati­on croître de quelque 50 % à 32,6 millions $US, une progressio­n faussée par un jeu de période d’embauches, mais qui avait frappé l’imaginaire collectif dans un contexte d’aide publique massive visant à sauver le programme CSeries.

L’indépendan­ce de la présidence du conseil d’administra­tion et sa rémunérati­on étaient alors la principale cible. Pierre Beaudoin, alors président exécutif du conseil, avait renoncé à son augmentati­on sous la pression publique et des versements aux dirigeants ont été reportés.

« Les décisions récentes du conseil d’administra­tion sur la rémunérati­on des hauts dirigeants de la société ne sont pas à la hauteur des normes de gouvernanc­e et de responsabi­lité nécessaire­s envers les parties prenantes […] C’est particuliè­rement vrai pour la rémunérati­on que le conseil prévoit d’accorder au président exécutif du conseil », écrivait alors la Caisse dans une lettre adressée au vice-président principal, Affaires juridiques de Bombardier. Le gestionnai­re réitérait alors son appui à Alain Bellemare et souhaitait visiblemen­t qu’il ait les coudées franches pour mener à terme son plan de redresseme­nt.

Un plan de redresseme­nt qui n’aura finalement été que peu généreux pour les actionnair­es. Selon les calculs présentés par Bombardier, y compris le dividende réinvesti, le taux de croissance annuel composé de l’action a été négatif de 14,2 % entre le 31 décembre 2014 et le 31 décembre 2019.

Par comparaiso­n, l’indice S & P / TSX de la Bourse de Toronto a fait du 6,3 % annuelleme­nt dans l’intervalle. La glissade s’est poursuivie depuis, l’action tombant autour des 50 cents contre 1,90 $ fin 2019, en baisse de 74 %. Une action qui sera retirée lundi prochain des grands indices de référence que sont le S & P / TSX et le TSX 60.

En janvier 2015, peu avant l’arrivée d’Alain Bellemare, elle s’échangeait à 2,90 $, pour toucher un sommet de 5,41 $ le 14 juillet 2018, au terme d’une période euphorique de six mois.

Il faut rappeler qu’il y a cinq ans, face au cuisant échec commercial annoncé dans l’aéronautiq­ue, Bombardier avait frôlé la faillite. Cette issue a été évitée grâce à l’injection de 1 milliard $US de Québec dans le programme CSeries, à celle de 1,5 milliard de la Caisse dans BT Holdco.

Aujourd’hui, Bombardier est confinée au secteur hautement cyclique des avions d’affaires. Elle traîne une dette de plus de 9 milliards $US, contre 7,6 milliards en 2014, reposant sur une capitalisa­tion boursière tombée à 1,2 milliard $CAN.

Elle prie pour la réalisatio­n de la transactio­n de 8,2 milliards $US annoncée avec Alstom visant l’acquisitio­n de Bombardier Transport, détenue à 32,5 % par la Caisse.

L’indemnité de départ de l’ancien chef de la direction, bonifiée notamment par l’octroi d’une rémunérati­on incitative spéciale, est largement au-delà de ce qui était prévu dans son contrat au moment »

de son embauche LA CAISSE DE DÉPÔT

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR C’est la rémunérati­on totale de 17,5 millions versée au président sortant, Alain Bellemare, qui heurte la Caisse de dépôt.

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