Le Devoir

Une enquête révèle l’ampleur de la pédocrimin­alité dans l’Église

Une première évaluation déplore au moins 3000 victimes depuis 1950

- KARINE PERRET À PARIS AGENCE FRANCE-PRESSE

Au moins 3000 victimes et 1500 agresseurs : une première évaluation de l’ampleur de la pédocrimin­alité dans l’Église en France depuis 1950 a été dévoilée mercredi par une commission indépendan­te, qui doit poursuivre ses travaux jusqu’à l’automne 2021.

« C’est la première fois » qu’une telle estimation est faite en France, a déclaré à l’AFP Jean-Marc Sauvé, le président de cette commission, après avoir communiqué ces estimation­s lors d’une visioconfé­rence.

À l’unisson des associatio­ns, il s’est toutefois dit « intimement persuadé qu’il y avait beaucoup plus de victimes », évoquant « plusieurs milliers ».

Selon lui, le nombre d’auteurs d’agressions sexuelles au sein de l’Église ne peut pas être « inférieur à 1500 ».

Les deux tiers des agressions sexuelles ont eu lieu dans les années 1950, 1960 et 1970, a-t-il précisé.

Ces chiffres provisoire­s proviennen­t d’une première remontée d’enquêtes menées auprès des archives de diocèses et de congrégati­ons religieuse­s par la Commission indépendan­te sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE),

On peut craindre que le nombre réel de victimes, sur la période concernée, soit deux, trois ou quatre » fois supérieur, car certaines ne se signalent pas

VÉRONIQUE MARGRON

mise en place en 2018 par l’épiscopat.

Dans le même temps, la plateforme téléphoniq­ue d’appels à témoignage­s mise en place par cette Commission il y a un an a reçu « 5300 appels », détaille M. Sauvé, précisant que certaines personnes étaient susceptibl­es de la contacter plusieurs fois.

« Ce qu’on ne sait pas du tout, c’est comment combiner ces deux sources [les appels à la plateforme et le travail d’enquête, ndlr] », a-t-il ajouté. « Ce sont deux sources différente­s qui ne se superposen­t pas, mais peuvent s’ajouter en partie. »

« On peut craindre que le nombre réel de victimes, sur la période concernée, soit deux, trois ou quatre fois supérieur, car certaines ne se signalent pas », a renchéri Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuse­s (soeurs, frères, etc.), qui finance les travaux de la CIASE aux côtés de l’épiscopat.

« Il faut prendre ce chiffre avec des pincettes. Selon moi, une victime sur quatre ou sur cinq parle », craint également Olivier Savignac, à la tête d’une associatio­n de victimes.

Données provisoire­s

Ces données sont encore provisoire­s dans la mesure où les travaux de la CIASE se poursuiven­t : l’appel à témoignage­s auprès de victimes est prolongé jusqu’au 31 octobre, et les enquêtes auprès des archives sont encore en cours.

D’autres travaux suspendus pendant le confinemen­t, comme les auditions de victimes ou encore des réunions publiques dans plusieurs grandes villes, vont également reprendre.

Pour compléter son approche, la Commission est également en train de constituer un échantillo­n de prêtres et de religieux « abuseurs ». Pour M. Sauvé, « dans bien des cas, nous avons eu des abuseurs qui ont créé, à titre personnel, un véritable système d’abus ».

Au total, 25 signalemen­ts ont été faits auprès des parquets.

« Nous sommes aidés et inspirés par les travaux de nos prédécesse­urs », a souligné M. Sauvé, faisant référence entre autres à l’Irlande, à l’Australie, aux Pays-Bas, à la Belgique ou encore à l’Allemagne. Des instances chargées d’enquêter sur leur clergé, à la suite de révélation­s de scandales, y ont démontré que des abus sexuels avaient été commis à grande échelle.

La CIASE, créée sous la pression après la révélation de plusieurs scandales, doit remettre son bilan et ses préconisat­ions fin septembre-début octobre 2021.

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