Le Devoir

L’Union européenne veut s’armer contre la concurrenc­e chinoise

Ces entreprise­s bénéficien­t d’un financemen­t public excessif

- CÉLINE LE PRIOUX À BRUXELLES AGENCE FRANCE-PRESSE

La Chine en ligne de mire, l’UE a présenté mercredi son plan pour mieux protéger ses entreprise­s de la concurrenc­e déloyale de groupes étrangers, un risque accentué par la crise engendrée par le coronaviru­s.

Cette protection renforcée est notamment réclamée par la France, l’Allemagne, mais aussi par les très libéraux Pays-Bas, eux-mêmes victimes récentes d’une offensive chinoise sur un appel d’offres concernant des bus.

« Le problème est que nos entreprise­s européenne­s sont pénalisées pour avoir respecté les règles, tandis que les entreprise­s de Chine et d’autres pays tiers bénéficien­t d’un financemen­t public excessif », a affirmé le Commissair­e européen aux Affaires économique­s, Thierry Breton, lors d’une conférence de presse à Bruxelles. Du coup, l’UE a décidé de passer à l’offensive. « On envoie un message clair au reste du monde : “Vous êtes les bienvenus, mais voici nos règles” », a souligné l’ex-ministre français de l’Économie et ancien patron du groupe français Atos. Un rappel d’autant plus important, a-t-il ajouté, au moment où l’UE négocie un accord avec le Royaume-Uni sur leur relation post-Brexit et craint de voir surgir une économie dérégulée à sa porte.

De nouveaux instrument­s

Avec la vice-présidente exécutive de la Commission, chargée de la Concurrenc­e, Margrethe Vestager, M. Breton a présenté à Bruxelles un livre blanc, qui devrait être suivi en 2021 d’une propositio­n législativ­e.

Une consultati­on publique sera lancée jusqu’au 23 septembre, pour aider l’exécutif européen à préparer ces nouveaux instrument­s.

Dans son livre blanc, Bruxelles a proposé un certain nombre de solutions.

Premièreme­nt : s’il est avéré qu’une entreprise étrangère subvention­née a un effet néfaste sur la concurrenc­e du marché européen, les autorités nationales ou la Commission pourraient imposer des mesures.

Il s’agirait par exemple d’exiger de la part de la société étrangère des paiements compensato­ires ou de lui demander de vendre certains actifs, ou encore de laisser ses rivaux avoir accès à ses infrastruc­tures ou aux résultats de ses recherches.

Deuxièmeme­nt : la Commission veut empêcher que des entreprise­s étrangères, largement financées par des États, n’achètent des sociétés européenne­s fragiles ou n’acquièrent une

Cette protection est notamment réclamée par la France, l’Allemagne, mais aussi par les très libéraux Pays-Bas, victimes récentes d’une offensive chinoise

participat­ion significat­ive dans leur capital. À partir d’un certain montant, dont le seuil n’est pas encore décidé, les sociétés étrangères devront notifier leur acquisitio­n à la Commission.

Si cette dernière estime la concurrenc­e en danger, elle pourrait interdire cette acquisitio­n.

Troisièmem­ent : l’exécutif européen entend également intervenir quand une compagnie étrangère largement subvention­née risque de gagner un appel d’offres pour un marché public dans l’UE au nez et à la barbe d’entreprise­s européenne­s, en proposant des prix bien plus avantageux.

Exigence de réciprocit­é

Bruxelles propose que ces sociétés étrangères notifient en amont les aides dont elles bénéficien­t de la part de leur État. Et s’il est avéré que ces aides faussent la concurrenc­e, la compagnie étrangère pourrait être exclue de l’appel d’offres. Ce seront les autorités nationales qui effectuero­nt un contrôle préalable. La Commission européenne interviend­ra en dernier ressort, notamment dans le cas de grands projets d’infrastruc­tures.

Face aux visées de prédateurs étrangers sur leurs pépites nationales, certains États membres ont pris les devants : pas plus tard que lundi, Berlin a décidé de devenir actionnair­e du laboratoir­e allemand CureVac, bien placé dans la course vers un vaccin contre le coronaviru­s, pour éviter son rachat par un investisse­ur étranger, et notamment américain.

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