Le Devoir

Qui tient le haut du pavé ?

De nombreux automobili­stes continuent de rouler dans les rues qui leur sont interdites

- ALEXIS RIOPEL

De nombreux automobili­stes ne se conforment pas au règlement interdisan­t la circulatio­n de transit dans certaines rues de Montréal, a constaté Le Devoir vendredi. Sans la collaborat­ion de la population, ces réaménagem­ents urbains visant à favoriser la distanciat­ion physique et à créer un environnem­ent plus paisible pourraient se révéler inefficace­s.

Dans l’arrondisse­ment d’Outremont, certains segments du boulevard du Mont-Royal, en bordure de la colline du même nom, sont destinés exclusivem­ent à la circulatio­n locale depuis environ deux semaines. Bien qu’à l’angle des avenues Fernhill et McCulloch, des panneaux indiquent clairement que la circulatio­n de transit n’est pas permise sur le boulevard, plus des trois quarts des véhicules vus en 20 minutes contrevena­ient à cette règle.

À cette hauteur, le boulevard du Mont-Royal dispose d’un large trottoir et d’une bande gazonnée le séparant de la rue. En ce chaud vendredi avantmidi, peu de piétons y marchaient, mais les cyclistes, filant pour la plupart à bonne vitesse, se comptaient par dizaines. Un couple de résidents rencontré sur place était plutôt favorable à la nouvelle vocation de leur rue. « La pandémie nous est tombée dessus, on peut en profiter pour tenter des choses », a dit la dame.

Plusieurs arrondisse­ments ont mis en place de tels aménagemen­ts, habituelle­ment désignés « rues actives et familiales ». Dans Outremont, cinq secteurs résidentie­ls adjacents à un parc sont concernés. On considère que davantage de piétons y convergent. Les autorités présentent l’initiative comme un projet pilote, qui doit durer de juin à novembre. Dans les tronçons désignés, la limite de vitesse est réduite à 20 km/h.

Philipe Tomlinson, le maire de l’arrondisse­ment Outremont, est bien

conscient que les nouvelles règles ne sont pas suivies de façon exemplaire.

« Depuis qu’on a fermé les tronçons, je fais moi-même des tournées régulières pour voir les installati­ons et penser à des améliorati­ons potentiell­es, dit-il en entrevue. Et, en effet, il y a des gens pour qui ça prend un peu plus de temps pour s’habituer à emprunter d’autres chemins. » Le maire croit cependant qu’au fil des semaines, la règle sera enfreinte moins fréquemmen­t.

À quelques kilomètres de là, dans l’arrondisse­ment du Plateau-Mont-Royal, certaines rues sont aussi réservées à la circulatio­n locale. C’est notamment le cas de la rue résidentie­lle Waverly, entre la rue Saint-Viateur et l’avenue Bernard. On y constate aussi des entorses : en une demi-heure, plus de la moitié des véhicules ont roulé de bout en bout de ce segment interdit à la circulatio­n de transit sans s’y arrêter.

Points de vue opposés

À la mi-mai, le Plateau-Mont-Royal a annoncé une foule de réaménagem­ents urbains visant à donner plus d’espace aux piétons et aux cyclistes. En plus des rues familiales et actives, on compte aussi des voies actives sécuritair­es, des rues partagées, des rues piétonnes, de nouveaux aménagemen­ts cyclables et des corridors sanitaires. Bien accueillie­s par certains, ces mesures en rebutent d’autres. Vendredi matin, des commerçant­s ont bloqué une partie de la rue Rachel pour protester contre le réaménagem­ent urbain qui ne laisse plus de place au stationnem­ent sur un segment de l’artère.

L’arrondisse­ment de Ville-Marie a lui aussi multiplié les réaménagem­ents urbains pour limiter la transmissi­on du coronaviru­s et pour rendre la ville plus agréable aux résidents qui ne la quitteront pas cet été. On y compte une douzaine de « rues familiales » où la circulatio­n de transit est interdite.

Interrogé au sujet des règles bafouées par certains automobili­stes dans les rues actives et familiales, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ne détenait pas vendredi les informatio­ns permettant de confirmer cet état des lieux. « Le SPVM rappelle aux citoyens l’importance de faire preuve de courtoisie et de prudence en tout temps afin d’assurer une utilisatio­n sécuritair­e de la route », stipule simplement le corps de police.

« On n’a pas vraiment regardé les amendes [pour les automobili­stes transitant par les rues actives et familiales] et on n’a pas nécessaire­ment mis en place un système de vérificati­on supplément­aire avec notre sécurité publique ou le SPVM », explique quant à lui le maire Tomlinson, qui dit faire confiance aux gens malgré tout.

Du côté des résidents, la réponse serait très positive, ajoute-t-il. L’arrondisse­ment est en train d’analyser la demande de quelques regroupeme­nts de voisins qui veulent également voir l’accès à leur rue devenir interdit aux véhicules en transit.

Réouvertur­e des restaurant­s

Déjà transformé­e par ces nombreux réaménagem­ents urbains, Montréal n’a pas terminé sa mutation estivale.

Dès lundi, les restaurant­s pourront à nouveau accueillir des clients à leur table dans la région métropolit­aine. Vendredi, des employés de l’arrondisse­ment d’Outremont ont posé des blocs de béton et des panneaux empêchant la circulatio­n automobile sur une partie de l’avenue Bernard, entre les avenues Bloomfield et Wiseman, dans l’objectif de donner plus d’espace aux restaurate­urs désirant installer une terrasse.

Sur la rue Masson, dans l’arrondisse­ment de Rosemont–La Petite-Patrie, aucun permis de terrasse n’avait encore été délivré aux restaurate­urs en raison du corridor sanitaire qu’on y trouve. Vendredi en fin d’après-midi, Kheir

Djaghri, le directeur général de la Société de développem­ent commercial de la promenade Masson, a cependant eu une bonne nouvelle : des terrasses pourront être érigées dès lundi dans les cases de stationnem­ent de la rue.

C’est un soulagemen­t pour celui qui juge que les restaurate­urs de sa société sont en train de se noyer. « Ce n’est pas l’heure de parler de la relance, mais plutôt du sauvetage », dit M. Djaghri.

Il y a des gens pour qui ça prend un peu plus de temps pour s’habituer à emprunter d’autres chemins

PHILIPE TOMLINSON »

 ??  ??
 ?? PHOTOS MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR ?? En haut: Malgré la signalisat­ion claire interdisan­t la circulatio­n de transit sur le boulevard du Mont-Royal entre les avenues Fernhill et McCulloch, une grande quantité de véhicules observés vendredi contrevena­ient à cette règle. En bas: Trois jeunes cyclistes empruntaie­nt ce segment du boulevard, aménagé comme une « rue active et familiale ».
PHOTOS MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR En haut: Malgré la signalisat­ion claire interdisan­t la circulatio­n de transit sur le boulevard du Mont-Royal entre les avenues Fernhill et McCulloch, une grande quantité de véhicules observés vendredi contrevena­ient à cette règle. En bas: Trois jeunes cyclistes empruntaie­nt ce segment du boulevard, aménagé comme une « rue active et familiale ».

Newspapers in French

Newspapers from Canada