Ottawa dit travailler en coulisses pour faire bouger Pékin
Le Canada a critiqué la Chine après les accusations d’espionnage contre deux Canadiens en détention « arbitraire »
Les Canadiens Michael Spavor et Michael Kovrig, détenus en Chine depuis 18 mois, ont été formellement accusés d’espionnage par Pékin vendredi. Une décision qui a été sévèrement critiquée par Ottawa, qui assure mener des actions « directes et fermes » en coulisses afin d’obtenir leur libération.
« C’est une chose qui nous préoccupe et on est très déçus de l’étape franchie par la Chine ce matin », a réagi en point de presse le premier ministre Justin Trudeau, alors que les relations diplomatiques entre le Canada et la Chine sont au plus bas. Il a promis de « mettre la pression » sur le gouvernement chinois, avec l’appui des alliés du pays, pour mettre fin à la détention « arbitraire » des deux Canadiens.
En dehors des déclarations publiques, il y a « des actions en coulisses de manière très directe et ferme » pour obtenir leur libération, a-t-il fait valoir. « Nous avons développé une certaine expertise dans ce qui a fonctionné pour ramener des Canadiens chez eux dans des circonstances très difficiles au cours des dernières années. »
De son côté, la vice-première ministre Chrystia Freeland — qui a été cheffe de la diplomatie canadienne — a confié avoir eu « le coeur brisé » en apprenant la nouvelle, qui l’a mise « très en colère ». « Nous continuons, et continuerons de travailler pour eux. C’est une priorité pour notre gouvernement », a-t-elle insisté.
Des propos repris en substance par le
Michael Kovrig et Michael Spavor ont été arrêtés neuf jours après l’arrestation à Vancouver de Meng Wanzhou, la directrice financière du géant chinois Huawei
ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne. Il s’est aussi dit « profondément préoccupé » par l’interruption des visites consulaires pour les deux détenus depuis la mi-janvier. Et depuis le mois de mai, MM. Kovrig et Spavor ne peuvent plus discuter avec leurs avocats et leurs proches — à l’exception d’un appel qui aurait été accordé à M. Kovrig à la mi-mars afin qu’il puisse discuter avec son père malade, a précisé l’ambassade de Chine.
Preuves « solides et étoffées »
L’ancien diplomate Michael Kovrig a été mis en accusation à Pékin puisqu’il est soupçonné d’espionnage dans le but de dérober des secrets d’État et des renseignements. L’homme d’affaires Michael Spavor a, lui, été mis en accusation à Dandong, près de la frontière avec la Corée du Nord. La Chine lui reproche d’avoir commis des actes d’espionnage pour un pays étranger et de transmission illégale de secrets d’État.
Ces accusations ont été dévoilées dans deux communiqués distincts par le bureau du procureur général de la Chine. Interrogé sur la nature des preuves dont le pays disposait contre ces deux Canadiens, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Zhao Lijian, s’est limité à dire que chacun d’entre eux est accusé « d’avoir recueilli secrètement des secrets d’État pour les forces étrangères avec des conséquences particulièrement graves ».
« Les faits sont clairs et les preuves sont solides et étoffées », a mentionné M. Zhao aux journalistes lors d’un point de presse quotidien, sans offrir plus de détails.
MM. Kovrig et Spavor ont été arrêtés en décembre 2018, neuf jours après l’arrestation à Vancouver, à la demande de la justice américaine, de la directrice financière du géant chinois des télécommunications Huawei, Meng Wanzhou.
La Chine a toujours nié l’existence d’un lien entre son arrestation et la détention des deux Canadiens, mais des experts étrangers considèrent ces deux événements comme étant liés. Des diplomates chinois ont également admis implicitement l’existence d’un lien.
Depuis, Mme Meng a obtenu sa libération conditionnelle. Or, les audiences se poursuivent à la Cour suprême de la Colombie-Britannique, après qu’un juge a refusé la première série d’arguments présentés par ses avocats à la fin du mois dernier dans l’espoir de la faire libérer.
La juge en chef associée Heather Holmes avait déterminé que les faits reprochés à Mme Meng constituent un crime au Canada, et qu’en conséquence le processus judiciaire doit se poursuivre.
La prochaine étape dans cette bataille juridique doit servir à déterminer si l’arrestation de Mme Meng était légale, et si le dossier des États-Unis contre elle contient des informations erronées ou des omissions.