La vie généreuse du cinéaste Werner Volkmer
La vie généreuse du cinéaste Werner Volkmer s’est arrêtée brutalement le vendredi 12 juin, alors qu’il courait sur une piste derrière McGill. Il venait d’avoir 76 ans, en pleine COVID, c’està-dire sans pouvoir laisser ses amis le prendre dans leurs bras. Sa femme Sylvia l’a trouvé au sol. Mes pensées sont avec celle qui l’a soutenu toute sa vie et tous ses proches qui l’ont tant aimé. C’était mon ami depuis plus de 20 ans. J’ai été aussi un temps sa collaboratrice.
Ce Montréalais d’adoption depuis 50 ans avait notamment raconté la vie des sculpteurs Louis Archambault (1914-2003) et Robert Roussil (1925-2013), des films récompensés à plusieurs reprises en 2001 et 2003. À travers le parcours atypique de ces deux artistes non conformistes, Werner a surtout mis en lumière l’originalité de leur trajectoire, leur obstination et leur mise à l’écart après un moment de gloire, leur vie intérieure, l’incroyable manque de mémoire de la métropole.
Il était le plus turc des Allemands de son temps, la Turquie qu’il a tant aimée, dont sa femme était originaire, un pays qui l’inquiétait au plus haut point ces dernières années.
Werner Volkmer avait d’ailleurs documenté l’immigration des dizaines de paysans turcs venus trouver refuge au Canada (et à Montréal) à la fin des années 80, bernés par des profiteurs. Il avait parlé de leur combat et de leur quête de dignité dans L’appel de l’Ouest / Batiya bak (Prix Gemini 1990). Werner était la discrétion et la modestie incarnées. Il a su parler du Québec avec acuité et intelligence. Je ne m’habitue pas à ce qu’il soit disparu à jamais.
Ariane Émond, journaliste et animatrice Le 19 juin 2020