Les mots pour le dire
Plus qu’un portrait, Toni Morrison : The Pieces I Am est une vraie leçon de littérature
Pulitzer, Nobel et bénédiction d’Oprah Winfrey : la biographie de la regrettée écrivaine Toni Morrison pourrait se résumer ainsi, une histoire à succès dont son pays est si friand. Or, ces prestigieuses distinctions et ces accolades lucratives ne constituent que les épiphénomènes d’une trajectoire exceptionnelle, de par la richesse de son oeuvre et de son parcours de vie. Celle d’une Afro-Américaine ayant vite compris que les mots, et la connaissance, pouvaient briser les chaînes de l’oppression.
Les yeux rivés à la caméra de Timothy Greenfield-Sanders, Toni Morrison affiche une aisance remarquable, décrivant dans le menu détail certains moments marquants de sa vie de femme et d’écrivaine. Elle y réitère sa
démarche — « I didn’t want to speak for Black people, I wanted to speak to
them » — traduisant un point de vue féminin, et surtout pas celui du Blanc tout-puissant, dont elle a vite décidé de s’affranchir, une posture qui contribuera à sa célébrité tout en nourrissant la hargne de ses détracteurs.
Ces notes discordantes sont peu présentes dans Toni Morrison : The
Pieces I Am, réalisé peu avant sa mort, en août 2019. Pour brosser ce magnifique portrait, le documentariste a convié surtout des admirateurs inconditionnels, universitaires, écrivains, et la plus dévouée de tous, Oprah Winfrey. Ce concert d’éloges s’accompagne d’extraits d’entrevues de la grande dame de lettre à d’autres époques (elle n’était jamais mise en boîte, jamais prise au dépourvu), et de multiples illustrations évoquant les pages sombres d’un peuple écrasé. Au final, c’est aussi, et peut-être surtout, une grande leçon de littérature.
Toni Morrison : The Pieces I Am PBS (American Masters), le mardi 23 juin, 20 h