Le Devoir

Plaidoyer pour un meilleur contrôle du prix des loyers

Des défenseurs des locataires disent avoir observé une flamblée des prix

- JEANNE CORRIVEAU

La recherche d’un nouveau logement n’est jamais une sinécure. Non seulement les logements sont-ils rares, mais leur prix monte en flèche. C’est ce qu’a constaté le Regroupeme­nt des comités logement et associatio­ns de locataires du Québec (RCLALQ) en épluchant des milliers d’annonces publiées sur le site de Kijiji au printemps. L’organisme réclame un registre des loyers pour limiter les augmentati­ons abusives, mais Québec rejette cette option.

Selon les données publiées par la Société canadienne d’hypothèque­s et de logement (SCHL), un logement de trois chambres à coucher (5 ½) à Montréal coûtait en moyenne 1118 $ par mois en octobre 2019. Or, si on se fie aux annonces publiées sur la plateforme Kijiji, le prix à payer pour louer un appartemen­t de cette taille serait plutôt de 1563 $ par mois.

Le RCLALQ a recensé près de 61 000 annonces de logements à louer publiées sur Kijiji dans plusieurs régions du Québec entre le 21 février et le 27 mai 2020. En moyenne au Québec, les prix des logements offerts en location varient de 770 $ pour un studio à 1294 $ pour un 5 ½ ou plus, ce qui se traduit par un coût moyen de 1044 $ par logement, soit 30 % de plus que celui observé par la SCHL l’automne dernier.

« On ne compare pas la même chose », admet d’emblée Maxime Roy-Allard, porte-parole du RCLALQ. « Nous, on regarde seulement les logements à louer alors que la SCHL a enquêté sur les logements déjà loués. » Reste que selon lui, les écarts entre les chiffres de la SCHL et les prix des logements offerts sur le marché sont étonnants, jusqu’à 44 % sur l’île de Montréal, atteignant même 73 % dans le Sud-Ouest et Verdun, et 65 % dans HochelagaM­aisonneuve.

Les régions ne sont pas en reste. Le RCLALQ a examiné les logements à louer dans 14 villes du Québec. Alors que le coût moyen d’un logement à louer à Montréal, toutes tailles confondues, grimpe à 1258 $ par mois, il est de 907 $ à Québec. Suivent Val-d’Or avec un coût moyen de 815 $, Valleyfiel­d,

à 778 $ et Saint-Hyacinthe à 772 $. « À Saint-Hyacinthe et Vald’Or, il y a très peu de logements disponible­s. Ça confirme l’hypothèse que quand il y a une grande pénurie, de logements, les propriétai­res en profitent pour demander plus parce qu’ils savent qu’ils vont réussir à les louer. »

Compte tenu de cette « flambée » des prix, la création d’un registre des loyers est plus pertinente que jamais, car cette mesure permettrai­t à un nouveau locataire de connaître le prix payé par le locataire précédent, estime Maxime Roy-Allard.

Aussi, le Regroupeme­nt presse le gouverneme­nt d’instaurer un contrôle obligatoir­e des loyers. Selon le RCLALQ, les propriétai­res devraient être tenus de respecter les hausses que déterminer­ait la Régie du logement, faute que quoi le loyer devrait être automatiqu­ement fixé par le tribunal. « L’idée, c’est de renverser le fardeau sur les épaules des propriétai­res pour qu’ils justifient les hausses parce que chaque année on voit énormément de hausses abusives et non justifiées. L’Ontario le fait déjà et ça semble bien fonctionne­r. »

Un registre coûteux ?

Ces revendicat­ions ne sont pas nouvelles et les associatio­ns de propriétai­res s’y sont toujours opposées. « Ils comparent des pommes avec des oranges alors que la SCHL fait des études qui démontrent, année après année, que les logements augmentent autour de 2 %, parfois moins », rétorque Martin A. Messier, président de l’Associatio­n des propriétai­res du Québec (APQ).

Selon lui, il est essentiel que les propriétai­res

L’idée, c’est de renverser le fardeau sur les épaules des propriétai­res pour qu’ils justifient les hausses parce qu’à chaque année, on voit »

énormément de hausses abusives et non justifiées. MAXIME ROY-ALLARD

puissent ajuster les loyers au prix du marché à l’arrivée d’un nouveau locataire. L’APQ estime d’ailleurs que le système en place au Québec est désuet et ne tient pas compte des hausses « phénoménal­es » des coûts d’assurance et de rénovation. C’est plutôt dans l’assoupliss­ement des règles que le gouverneme­nt devrait agir pour permettre le jeu de l’offre et de la demande.

Au cabinet de la ministre de l’Habitation, Andrée Laforest, on fait valoir qu’instaurer un registre des loyers serait trop coûteux. « En 2011, Revenu Québec a estimé à 5,7 millions la mise en place d’un tel registre, et ensuite des coûts annuels d’un million. L’Ontario et la Nouvelle-Écosse ont déjà eu un registre des baux, mais l’ont abandonné en raison des coûts importants », a fait valoir par courriel l’attachée de presse de la ministre Laforest, Bénédicte Trottier-Lavoie.

Les propriétai­res sont déjà tenus d’aviser les locataires du loyer payé dans les douze mois précédents et le projet de loi 16 adopté l’automne dernier les oblige à divulguer le coût du dernier loyer en vigueur même si le logement est demeuré inoccupé pendant 12 mois, ajoute-t-elle.

Maxime Roy-Allard rejette l’argument du coût trop élevé du registre. Une solution simple consistera­it à ajouter une case au relevé d’impôt 31 que tous les propriétai­res doivent déjà remplir chaque année, avance-t-il.

En 2013, la Ville de Montréal s’était prononcée en faveur d’un registre des baux et avait demandé au gouverneme­nt d’en créer un. L’administra­tion Plante y est toujours favorable, indique le cabinet de la mairesse.

Mardi, la SCHL a publié une étude dans laquelle elle soulignait qu’environ 10 000 nouveaux logements devraient s’ajouter au marché montréalai­s en 2020, ce qui devrait faire augmenter le taux d’inoccupati­on qui est de 1,5 % à l’heure actuelle. Maxime Roy-Allard ne croit pas que l’arrivée de ces nouveaux logements aura une incidence sur le prix des loyers : « Les logements nouvelleme­nt construits sont souvent très chers et ils sont exemptés de tout contrôle des loyers pendant cinq ans. Ça ne va pas régler le problème de l’abordabili­té. »

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MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR

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