Une Saint-Jean sans tambour ni trompette
Sans concert ou spectacle pour souligner la Saint-Jean-Baptiste, pandémie oblige, de nombreux Québécois en ont tout de même profité mercredi pour se retrouver entre amis ou en famille. Pour beaucoup, la Fête nationale n’a jamais été un événement dûment célébré.
« Le truc compliqué, c’est de trouver du bon fromage en grain pour que la poutine soit une poutine digne de ce nom », lance Anne-Marie Provost, une étudiante originaire de la Rive-Sud, présentement installée à Londres. Dans la résidence étudiante où elle vit, il y a trois autres Québécois.
La semaine dernière, le petit groupe s’est donné le mandat de concocter des poutines pour marquer le coup de la Saint-Jean. « On voulait célébrer notre héritage parce qu’on se sent loin de nos proches et on voulait se rappeler d’où on vient », explique Anne-Marie, qui n’est pas sans éprouver un léger malaise à fêter le Québec au coeur de la métropole britannique. « Quand on connaît toute l’histoire… »
Après avoir commandé en ligne du fromage en grains — une adresse proposée par la délégation du Québec à Londres sur son site Web — et un rapide tour à l’épicerie pour y acheter des frites et de la sauce brune, le tour était joué. « On a cuisiné tout ça en écoutant Jean Leloup, Daniel Bélanger, Céline Dion et Les Colocs. Et sans blague, le fromage était excellent ! Ça bat certains fromages en grains qu’on a mangés au Québec », se réjouit-elle.
De l’autre côté de l’Atlantique, la
Saint-Jean-Baptiste avait elle aussi des allures bien différentes cette année. Puisque le coronavirus circule toujours, les grands rassemblements à Montréal et à Québec, les fêtes de quartiers et les feux de joie ont été tour à tour annulés. Ne restait plus que se retrouver entre amis ou en famille.
« On pense rester au parc pas mal toute la journée et profiter du beau temps », résume Marina Acero, confortablement assis sur une couverture avec des amis au parc Lalancette, dans HochelagaMaisonneuve. Coupes de champagne à la main, grignotant des croustilles accompagnées de guacamole, ils discutaient au son des Cowboys Fringants lorsqu’ils ont été rencontrés par Le Devoir.
Fêtez-vous la Saint-Jean normalement ? « Quand il y a des événements prévus, on en profite », répond Geneviève Durocher, suscitant des hochements de tête approbateurs du reste du groupe. « Je me réunis habituellement avec des amis dans des festivals », renchérit de son côté Marina. Cette année, l’absence de rendez-vous à grand déploiement ne la dérange pas outre mesure. « Je ne suis pas déçue, on fait juste autre chose », dit-elle.
Non loin de là, Anaïs Dupuis et Tommy Girard profitaient du soleil pour pique-niquer, n’ayant pas d’autre plan pour le 24 juin. « On n’a rien fait hier, ni ce soir », indique le jeune homme, qui en temps normal profite surtout de l’occasion pour voir des amis loin des gros rassemblements. « C’est jamais quelque chose d’établi. Cette année, ça n’a pas vraiment adonné. »
Pour Anaïs Dupuis, le 24 juin se passe toujours en famille, lors d’une fête familiale chez sa tante. Mais la pandémie a eu raison de l’événement, ses proches préférant éviter le risque de contracter le virus. « Ma famille est assez âgée de ce côté-là », raconte celle qui aurait tout de même aimé s’y rendre.
Valérie L’Heureux n’avait, elle non plus, rien de prévu pour célébrer la Fête nationale. N’ayant pas la traditionnelle fête de quartier où elle conduit habituellement ses jumelles, la maman faisait une marche avec elles dans le parc Lafontaine mercredi après-midi.
« On avait fait des t-shirts et mangé beaucoup de maïs », lance la petite Maeva, 7 ans, se remémorant les moments forts de la fête l’an dernier. Et contrairement à sa soeur Zoé, le fait qu’elle ne puisse y retourner ne la dérangeait pas le moins du monde. « On peut faire ce qu’on veut, et c’est surtout la fin de l’école ! » s’exclamet-elle, le sourire aux lèvres.
Toujours au parc Lafontaine, le groupe Les filles du Roy comptaient offrir aux curieux un concert improvisé de musique traditionnelle. Mais ils ont dû plier bagage au bout d’une heure et demie, à la demande des policiers. Ceux-ci craignaient qu’un attroupement se forme autour du groupe, dépassant les 50 personnes autorisées par la Santé publique. Sans compter que la musique — quoique souvent tolérée — est interdite dans les parcs de la métropole en vertu d’un règlement municipal.
Les grands rassemblements, les fêtes de quartier et les feux de joie ont été tour à tour annulés