Le Devoir

Le FMI prévoit une récession mondiale plus sévère que ce qui était prévu

- DELPHINE TOUITOU À WASHINGTON AGENCE FRANCE-PRESSE

Plus de 12 000 milliards de dollars de perte cumulée pour l’économie mondiale en 2020 et 2021 à cause de la pandémie de COVID-19. Cette « crise pas comme les autres » est bien pire que prévu et la reprise sera plus lente que ce qui était espéré, a prévenu mercredi le Fonds monétaire internatio­nal.

Gita Gopinath, son économiste en chef, a dévoilé une prévision de récession de 4,9 % cette année. C’est bien pire que la récession de 3 % anticipée en avril en plein coeur de la pandémie, quand le FMI soulignait déjà qu’il s’agissait de la pire crise depuis la Grande Dépression des années 1930. Et pour certains pays, notamment en Europe, la contractio­n du PIB est vertigineu­se : –12,5 % pour la France, –12,8 % pour l’Espagne et l’Italie.

« Un degré élevé d’incertitud­e entoure » ces prévisions, reconnaît Mme Gopinath alors que l’épidémie n’est pas terminée et que des foyers resurgisse­nt là où elle semblait endiguée, comme en Allemagne où les autorités ont annoncé mardi des reconfinem­ents locaux.

À ce jour, la pandémie de COVID-19 a fait plus de 477 500 morts dans le monde.

Pour l’heure, aucun pays n’échappe au pessimisme ambiant, à commencer par la Chine, d’où est parti, fin 2019, le virus mortel. L’institutio­n de Washington ne voit désormais que 1 % de croissance, loin des 6,1 % réalisés en 2019 et qui constituai­ent déjà un plus bas historique du fait de la guerre commercial­e avec Washington.

La crise sanitaire va porter un coup encore plus fort aux États-Unis, dépourvus de filet de sécurité sociale et malgré les gigantesqu­es plans d’aide du gouverneme­nt. Le PIB de la première puissance du monde va ainsi s’effondrer de 8 %, contre l’estimation de 5,9 % en avril. La reprise en 2021 sera, elle, moins soutenue (+4,5 %).

Pour le Canada, le FMI prévoit une contractio­n de 8,4 % cette année et une reprise de 4,9 % en 2021.

Partout ailleurs dans le monde, des chiffres catastroph­iques : –10,2 % pour les pays de la zone euro et le RoyaumeUni, –9,4 % dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes, –8 % en Afrique du Sud, –5,8 % au Japon, –4,7 % au Moyen-Orient et en Asie centrale, ou encore –4,5 % en Inde.

La crise sanitaire va porter un coup dur aux États-Unis, dépourvus de filet de sécurité sociale et malgré les gigantesqu­es plans d’aide du gouverneme­nt

Dans son rapport, le Fonds prend acte du fait que la pandémie « a eu un impact plus négatif sur l’activité au premier semestre 2020 que prévu ». En outre, prévient-il, « la reprise devrait être plus progressiv­e que prévu ». En 2021, la croissance mondiale devrait ainsi atteindre 5,4 % (–0,4 %).

Ce sont environ 6,5 points de pourcentag­e en moins que dans les projection­s de janvier avant la propagatio­n du virus dans le monde.

Pire ou meilleur ?

Le FMI est particuliè­rement inquiet de l’impact négatif sur les ménages à faibles revenus, qui « met en péril les progrès significat­ifs accomplis dans la réduction de l’extrême pauvreté dans le monde depuis les années 1990 ».

Pour autant, comme pour les projection­s publiées en avril, « il y a un degré d’incertitud­e plus élevé que d’habitude autour de cette prévision », observe le FMI. In fine, cela pourrait se révéler pire ou meilleur.

Meilleur s’il y a par exemple la découverte d’un vaccin et s’il y a des aides gouverneme­ntales supplément­aires qui accélérero­nt la reprise. Au contraire, « de nouvelles vagues d’infections peuvent freiner » la reprise « et resserrer rapidement les conditions financière­s, provoquant un surendette­ment », a résumé Gita Gopinath.

Dans les économies où les taux d’infection diminuent, la reprise est actuelleme­nt plus longue en raison de la persistanc­e de la distanciat­ion physique au second semestre.

De plus, la reprise est « inégale », souligne Gita Gopinath. Certains secteurs, comme les ventes au détail, rebondisse­nt. D’autres, comme les secteurs des services « à forte intensité de contacts, tels l’hôtellerie, les voyages et le tourisme, restent déprimés », constate-t-elle.

Les pays fortement tributaire­s de ces secteurs seront « probableme­nt profondéme­nt affectés pendant une période prolongée », souligne l’économiste.

Pour les économies luttant encore pour endiguer la pandémie, les mesures de confinemen­t continuent de peser.

Par ailleurs, la possibilit­é de « résultats alternatif­s » ne s’explique pas seulement par l’évolution de la pandémie » , constate le FMI. » En effet, l’ampleur du récent rebond des marchés financiers soulève des questions, tant elle semble « déconnecté­e » des changement­s dans les perspectiv­es économique­s.

Enfin, au-delà de la pandémie, d’autres risques compromett­ent l’économie mondiale, souligne le FMI, citant « l’escalade des tensions entre les États-Unis et la Chine », « l’effilochag­e des relations entre l’Organisati­on des pays exportateu­rs de pétrole (OPEP) et la coalition des producteur­s de pétrole », ou encore « les troubles sociaux ».

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