Le Devoir

Le président du Kosovo accusé de crimes de guerre

Hashim Thaci était chef de la guérilla lors du conflit contre la Serbie à la fin des années 1990

- SARA MAGNIETTE À LA HAYE ISMET HAJDARI À PRISTINA AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président kosovar Hashim Thaci, l’ancien chef de la guérilla indépendan­tiste, a été rattrapé par son passé : le procureur du tribunal spécial pour le Kosovo l’a accusé mercredi de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Hashim Thaci est notamment accusé de « meurtres, disparitio­n forcée de personnes, persécutio­ns et tortures » pendant le conflit contre la Serbie à la fin des années 1990, a déclaré le tribunal qui siège à La Haye.

Un juge « examine actuelleme­nt l’acte d’accusation pour décider s’il convient de confirmer les charges », procédure qui pourrait mener à une inculpatio­n en bonne et due forme.

M. Thaci a « interrompu » son voyage à Washington où il était attendu à un sommet prévu pour samedi avec la Serbie et sera de retour au Kosovo jeudi, a annoncé son cabinet, sans préciser où il se trouve pour le moment.

D’après un journalist­e de la chaîne de télévision albanaise Top Channel qui l’a interviewé à l’aéroport de Tirana avant l’annonce de sa mise en accusation, le chef de l’État kosovar a pris dans l’après-midi un vol pour Francfort en route pour Washington.

L’émissaire américain pour ce dossier, Richard Grenell, a précisé sur Twitter que « les discussion­s de samedi » à la Maison-Blanche, qui visent à relancer le dialogue de paix gelé depuis fin 2018, étaient maintenues, mais uniquement entre le président serbe, Aleksandar Vucic, et le premier ministre kosovar, Avdullah Hoti.

Créé en 2015, le tribunal spécial pour le Kosovo est chargé d’enquêter sur les crimes présumés commis par la guérilla indépendan­tiste kosovare albanaise (UCK), principale­ment à l’encontre des Serbes, des Roms et des opposants albanais à la guérilla pendant et après le conflit de 1998-1999.

Président du Kosovo depuis 2016, M. Thaci fait l’objet de dix chefs d’accusation déposés le 24 avril et rendus publics mercredi, a souligné le tribunal.

Ces accusation­s concernent également Kadri Veseli, l’ex-patron du renseignem­ent de la guérilla kosovare et actuel dirigeant du Parti démocratiq­ue du Kosovo (PDK), ainsi que « d’autres personnes ».

D’après l’acte d’accusation, « Hashim Thaci, Kadri Veseli et les autres suspects accusés sont pénalement responsabl­es de près de 100 meurtres », a fait savoir le tribunal.

Le tribunal « a commis une erreur » en rendant public l’acte d’accusation juste avant le sommet entre le Kosovo et la Serbie, a réagi Hysni Gucati, le président de l’associatio­n des anciens combattant­s du Kosovo, qualifiant cette démarche de « complèteme­nt politique ».

L’annonce du bureau du procureur pourrait en effet être liée au sommet du 27 juin, au cours duquel « la dissolutio­n du tribunal spécial pourrait être sur la table des négociatio­ns », analyse Vigan Corolli, professeur en droit à l’Université de Pristina, la capitale du Kosovo.

« Campagne secrète »

Dernier conflit en ex-Yougoslavi­e, la guerre du Kosovo entre forces serbes et guérilla indépendan­tiste kosovare albanaise a fait plus de 13 000 morts. Elle s’est terminée quand une campagne occidental­e de bombardeme­nts a contraint les forces serbes à se retirer.

Le différend qui oppose Belgrade à son ancienne province méridional­e est l’un des conflits territoria­ux les plus épineux d’Europe.

La Serbie refuse de reconnaîtr­e l’indépendan­ce proclamée en 2008 par le Kosovo après la guerre.

« Nous savons que la Serbie est celle qui a commis des crimes au Kosovo. C’est pourquoi c’est une mauvaise nouvelle pour moi », a réagi mercredi Qazim Fazlia, un retraité vivant à Pristina. « Ce tribunal est injuste, car il ne juge que les soldats de l’UCK. »

Mercredi, le tribunal spécial pour le Kosovo a évoqué « une campagne secrète » de MM. Thaci et Veseli pour empêcher sa création et enrayer son travail « afin de garantir qu’ils ne soient pas traduits en justice ».

« Le procureur spécialisé a jugé nécessaire d’émettre cet acte d’accusation public en raison des efforts répétés d’Hashim Thaci et de Kadri Veseli pour entraver et saper le travail » du tribunal.

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ARMEND NIMANI AGENCE FRANCE-PRESSE Le président Hashim Thaci, photograph­ié en uniforme lors d’une inspection des Forces de sécurité du Kosovo en 2018

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