Le Devoir

Québec recule sous le feu des critiques

Les données sur l’évolution de la pandémie seront publiées sur une base quotidienn­e

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ MARCO BÉLAIR-CIRINO MARIE-EVE COUSINEAU

« Nous sommes à l’écoute. » C’est la justificat­ion donnée vendredi par Québec pour expliquer sa volte-face dans le dossier des statistiqu­es sur la COVID-19, qui continuero­nt finalement d’être publiées quotidienn­ement. Il a en fait suffit que le gouverneme­nt tende une oreille : le concert de critiques était unanime.

« Depuis le début de la pandémie, notre gouverneme­nt a toujours été transparen­t, a écrit le nouveau ministre de la Santé, Christian Dubé, dans un court message annonçant le changement de position. Nous allons continuer de l’être. »

Le manque de transparen­ce était précisémen­t ce que plusieurs reprochaie­nt à la décision annoncée mercredi de ne plus faire qu’un seul bilan hebdomadai­re de l’évolution de la COVID-19 (nombre de cas, de décès, d’hospitalis­ations, etc.).

Le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, avait soutenu jeudi que ce n’était pas une « décision pour cacher quoi que ce soit », et qu’elle permettrai­t « d’avoir des données plus stables ». « Ce n’est pas parce qu’on ne les publie pas [les données] qu’on ne les regarde pas. »

Vendredi, il a affirmé ne pas avoir « de problème à revenir en arrière ». Selon lui, il s’agit d’une décision « conjointe » de « gouvernanc­e » entre Québec et la santé publique. « Je ne m’entêterai pas […]. Les gens ont réagi, probableme­nt plus que ce que je pensais, mais il n’y a pas de problème, les chiffres vont être là. »

Et tant mieux, ont réagi plusieurs chercheurs et intervenan­ts. « Ils ont bien fait de rétropédal­er, estime Louise Potvin, directrice de l’Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal. Quand vous êtes

malade, vous voulez voir votre médecin tous les jours. »

Le Dr Quoc Dinh Nguyen, gériatre au CHUM, a aussi salué le changement de cap du gouverneme­nt. « Je pense que les données [quotidienn­es], c’est utile, a-t-il dit. Cela peut aider à prendre de bonnes décisions, et pas juste au sein du gouverneme­nt. »

L’épidémiolo­giste Benoît Masse (Université de Montréal) disait plus tôt en journée que publier les données une fois par semaine serait « à l’opposé du souci de transparen­ce et d’intérêt public ».

« En tant que chercheur, je me [serais retrouvé] dans le noir pendant sept jours. Je [n’aurais] donc plus [été] en mesure d’ajuster les projection­s et tendances au quotidien. Nous approchons d’une période critique où les effets du déconfinem­ent pourraient apparaître à partir de la mijuillet : s’il y a une période où [il faut] avoir des données au quotidien, c’est bien celle-là. »

Caroline Quach-Thanh, microbiolo­giste-infectiolo­gue au Centre hospitalie­r universita­ire Sainte-Justine, avait elle aussi dénoncé la décision initiale, « surtout dans un contexte où on est en train de déconfiner très largement ».

« Dans une ère de données ouvertes, on s’attend à ce que les données recueillie­s soient publiées en temps réel et publiqueme­nt, pense-t-elle. Refermer l’accès aux données entre deux vagues de COVID-19, [c’était] irresponsa­ble. »

Elle disait avoir un besoin concret d’accès à ces données : elles lui servent notamment pour déterminer si les jeunes patients hospitalis­és de façon prolongée peuvent bénéficier d’un congé temporaire à la maison avec leur famille.

Une erreur, dit Anglade

Sur le plan politique, la cheffe libérale, Dominique Anglade, a souligné à grands traits que le ministre Dubé avait fait « une erreur. Il la corrige. Il a reculé ». Elle a demandé au gouverneme­nt caquiste de mettre « beaucoup d’emphase sur la transparen­ce et la préparatio­n » d’ici à ce que le coronaviru­s fasse une nouvelle offensive.

Mme Anglade jugeait « inacceptab­le » le fait de passer aux données hebdomadai­res — d’autant que c’était la « première décision » d’importance prise sous la gouverne du ministre Dubé. « Les gens ont le droit de savoir ce qui se passe quotidienn­ement, voyons donc ! », faisait-elle valoir avant l’annonce du revirement.

Selon le péquiste Joël Arseneau, la publicatio­n « des chiffres au jour le jour contribuen­t à garder l’esprit de la pandémie présent ». « Le virus est toujours là », a-t-il rappelé. La décision « malavisée » de soustraire à la vue des Québec des données sur la situation de la COVID-19 au Québec, « une info à laquelle tous les Canadiens ont droit », contrevena­it aux principes de transparen­ce « les plus élémentair­es ». « Et l’argumentai­re n’était pas défendable », selon lui.

Pour sa part, Québec solidaire avait demandé vendredi midi que « la population [soit] avisée immédiatem­ent si un changement épidémiolo­gique démontrait que la situation se détériore et que la contaminat­ion et les décès repartent à la hausse ».

 ?? VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR ?? L'hôpital mobile de LaSalle où sont traités des patients atteints de la COVID-19.
VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR L'hôpital mobile de LaSalle où sont traités des patients atteints de la COVID-19.

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