La cinéaste Catherine Fol emportée par le cancer
Ingénieure de formation, elle avait fait de la science son sujet filmique de prédilection
Comme bien des scientifiques, elle avait un don pour les arts. Et elle a fait de la science son plus grand sujet de cinéma. La cinéaste et ingénieure Catherine Fol est morte cette semaine d’un cancer du cerveau qu’elle combattait depuis deux ans.
Ironiquement, le cerveau était aussi l’un de ses thèmes de prédilection, elle qui lui avait consacré un scénario de film et une exposition. Formée en physique à l’école Polytechnique, Catherine Fol est tombée dans le cinéma par le biais de la Course des Amériques, qui lui a valu de faire un stage à l’Office national du film (ONF).
« Elle a apporté à l’ONF un vent de fraîcheur incroyable, un vent de contestation aussi », se souvient la cinéaste Iolande Cadrin-Rossignol, qui l’a connue à cette époque. Son premier film, Au-delà du 6 décembre, sorti en 1991, portait sur l’après-tuerie de Polytechnique. Sur le site web qu’elle a conçu, Catherine Fol disait avoir expliqué la démarche qui y était liée dans le livre Dans la tête des filles. Chroniques de l’après-féminisme, publié en 1999.
« Ce film a été très controversé, parce qu’elle refusait de se poser en victime », ajoute Mme Cadrin-Rossignol.
C’est dans les années suivantes que la cinéaste a poursuivi sa grande passion de scientifique et y a consacré toute une série de films. Toutatis et les astres, Le lien cosmique, et aussi Ceci n’est pas Einstein, dans laquelle sa démarche personnelle était incarnée par la comédienne Pascale Montpetit, et qui lui a valu plusieurs prix internationaux.
« Elle avait toujours de grandes interrogations sur le sens de la vie », poursuit Mme Cadrin-Rossignol.
Einstein pour mentor
Rigoureuse et passionnée, Catherine Fol avait une culture générale et scientifique très étendue, témoigne le producteur Éric Michel, qui a travaillé sur plusieurs de ses films. Au point qu’il était parfois un défi de trouver des collaborateurs à sa hauteur, raconte-t-il.
« Elle s’est approchée des plus grands scientifiques de l’humanité », dit Mme Cadrin-Rossignol. Et elle innovait également sur le plan de la forme, explique Henri Michel, qui se souvient avoir tourné avec elle des plans à 360
La Science, celle qui est publiée dans les grandes revues scientifiques, celle qui est transmise de génération en génération, n’est-elle pas l’oeuvre culturelle la plus précieuse que nous développons ? CATHERINE FOL
degrés instantanés en plaçant plusieurs caméras en arc de cercle.
Fascinée par Einstein, Catherine en avait fait son mentor, dans la distance et le temps, dit M. Michel.
Sur son site Internet, qu’elle mettait à jour régulièrement, elle a mis en exergue cette phrase qu’Albert Einstein a écrite à sa belle-fille Margot Einstein : « Étudie attentivement, très attentivement la nature, et tu comprendras tout beaucoup mieux. »
« Catherine, son dada, c’était de dire que les grands scientifiques sont de grands artistes », dit Mme CadrinRossignol.
Son site Web, intitulé L’art de la science, beauté et rigueur, témoigne d’ailleurs de son approche.
« La Science, celle qui est publiée dans les grandes revues scientifiques, celle qui est transmise de génération en génération, n’est-elle pas l’oeuvre culturelle la plus précieuse que nous développons ? », y écrit-elle.
« C’était une vraie curieuse, elle arrivait le matin et elle me demandait : “Qu’est-ce que tu penses de ça ?”. C’était toujours des sujets très complexes », dit Éric Michel.
Catherine Fol a aussi piloté des expositions, dont le volet Du Big Bang à la lumière, de l’exposition L’Odyssée de la lumière, présentée en 2004 au Musée de la civilisation. Depuis quelques années, elle avait cependant abandonné le cinéma pour l’enseignement, et enseignait la science et l’éducation sexuelle à la Villa Sainte-Marcelline.
« J’ai trouvé triste qu’elle abandonne le cinéma, parce qu’elle avait un talent indéniable, et qu’elle n’hésitait pas à innover », dit Éric Michel.