S’accepter, s’aimer, se réaliser
House of Hummingbird offre le portrait délicat d’une adolescente qui se cherche et se découvre
On hurle beaucoup dans l’appartement qu’Eun-hee partage avec ses parents, son grand frère et sa grande soeur. Sa mère et son père qui se querellent violemment, invectivent leur fille aînée et ferment les yeux sur les violences que leur fils chéri inflige à leur cadette, Eun-hee… Eun-hee qui, dans le logis trop exigu autant qu’à l’école, paraît évoluer en marge du monde, comme perpétuellement déconnectée des autres, d’elle-même. À sa meilleure et seule amie, elle confie songer parfois à se suicider afin de revenir hanter les siens. Une fois absente pour de bon, peut-être alors la verraient-ils enfin ? Avec House of
Hummingbird, présenté à Berlin et à Fantasia, Kim Bora offre le portrait délicat d’une adolescente qui se cherche et se trouve.
Campé à Séoul en 1994, au faîte d’un boom immobilier dérégulé jusqu’au tragique, comme le rappellera le film en sous-intrigue, House of Hummingbird est en bonne partie autobiographique. D’où, sans doute, le sentiment d’absolue justesse qui se dégage de l’ensemble, de son mélange organique de précision et d’évocation, entre réalisme et impressionnisme.
En effet, le contexte et l’action ont beau être on ne peut plus concrets, la nature observatrice et silencieuse de la protagoniste imprime une qualité quasi éthérée au film. Qualité rehaussée par une palette délavée et une prédilection pour le plan long.
Le rythme s’accorde d’ailleurs à cette attitude mesurée, voire circonspecte, qu’affiche Eun-hee, tellement habituée à ne pas faire de vague qu’elle n’ose même pas s’avouer l’ampleur de sa passion pour le dessin. Un rythme lent, donc (et parfois limite languissant), qui aide le cinéphile à se placer dans le même espace mental que la jeune fille.
Une jeune fille particulièrement résiliente au vu des épreuves qu’elle traverse en cours de récit, des abus familiaux à la maladie en passant par les heurts d’amour et d’amitié. Extraordinaire d’intériorité, la nouvelle venue Park Ji-hoo parvient à communiquer avec un naturel déconcertant toute la profondeur d’Eun-hee pardelà l’inhibition du personnage.
En une nouvelle enseignante qui, on le devine au jeu plein de finesse de Kim Sae-byuk, se reconnaît en elle, Eun-hee trouvera une alliée compréhensive et avisée. « Le plus difficile dans la vie est d’apprendre à s’accepter, puis à s’aimer », lui dira celle qui, plus tard, lui offrira un carnet à croquis.
Pas ce genre de film là
Quelque part au troisième acte survient cette confrontation que l’on attend presque depuis le commencement. Ce moment où Eun-hee explose et force sa famille à l’entendre, à défaut de l’écouter. Or, si électrisante soit-elle, et elle l’est, la séquence ne se solde pas par un soupir cathartique satisfait. House of Hummingbird n’est pas ce genre de film là.
Non, les dysfonctionnements familiaux ne se règlent pas ainsi, d’un simple cri. On continue par conséquent de suivre l’héroïne un moment, notamment vers l’un des passages les plus poignants du film (une visite chez l’enseignante). À la fin, c’est le nez, le coeur et l’esprit plongés dans son carnet à croquis qu’on laisse Eun-hee.
Qu’adviendra-t-il de ses parents, de son frère ? À Hollywood, ils auraient été punis, « narrativement » parlant, mais pas ici : ce serait leur accorder une attention indue.
Car à ce stade, Eun-hee, tout affairée à s’épanouir par le dessin, a finalement appris à s’accepter et à s’aimer. Aussi peut-elle se réaliser. Le reste n’a plus d’importance.
House of Hummingbird est disponible en VSD à cinemamoderne.com