Le Devoir

L’indépendan­ce du directeur mise en doute

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L’enthousias­me initial à son endroit a toutefois été tempéré par plusieurs dossiers apparus à mesure que la crise s’est aggravée. Hésitation­s à recommande­r le port du masque ; succès relatif du dépistage ; ton de certaines interventi­ons jugé en décalage avec la gravité de la situation ; transparen­ce remise en doute ; etc.

Pour Dominique Anglade, c’est surtout la gestion faite par Horacio Arruda en amont de la crise qui soulève des questions. « Je n’ai pas l’impression qu’on a [bien] anticipé et préparé » le combat contre la COVID-19, disait-elle mercredi en entretien.

« Il a fallu deux mois après [la confirmati­on des premiers cas en dehors de la Chine] pour qu’on mette en place une cellule de crise. Pourquoi ? Je n’ai pas eu de réponse à ça », dit celle qui a questionné le gouverneme­nt làdessus à l’Assemblée nationale.

« Avant de se prononcer sur la reconducti­on du mandat de M. Arruda, on aurait souhaité savoir comment on arrive au résultat d’aujourd’hui, avoir des réponses à des questions de base qui sont fondamenta­les. »

Transparen­ce

La cheffe de l’opposition officielle estime qu’il « y aurait eu lieu d’assurer plus de transparen­ce dans le processus » de renouvelle­ment du mandat du directeur national de santé publique. Et le Parti québécois est d’accord sur ce point — tout en soulignant n’avoir rien contre le choix d’Horacio Arruda.

« Le gouverneme­nt a décidé de le reconduire en pleine pandémie : ça s’imposait, à moins d’avoir des motifs sérieux » d’agir autrement, affirme le chef parlementa­ire, Pascal Bérubé. Malgré différente­s critiques formulées au fil de la crise, M. Bérubé ne voyait pas de « raisons majeures de changer de directeur national de santé publique » à ce stade.

Sauf qu’il soumet le fait que cette nomination ne devrait pas relever du Conseil des ministres, mais plutôt d’un vote aux deux tiers des voix de l’Assemblée nationale — une idée qu’approuve Mme Anglade. Le commissair­e de l’UPAC (Unité permanente antipollut­ion), le Directeur général des élections ou le vérificate­ur général du Québec sont notamment nommés de cette façon.

Pascal Bérubé se questionne aussi sur « l’indépendan­ce [d’Horacio Arruda] par rapport au politique ». Il y a lieu de « réfléchir tout de suite sur [le bien-fondé] que le directeur national de santé publique soit aussi sous-ministre adjoint », pense-t-il.

Dans l’immédiat, il souhaite aussi que M. Arruda « corrige l’impression qu’il a laissée » lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle, où on lui a demandé s’il avait des ambitions politiques.

« Absolument aucune, avait-il répondu. Mais dans ma vie, j’ai dit que je ne ferais pas certaines choses, et j’ai fini par les faire. Donc, si on me pose la question, je n’ai pas d’ambitions politiques, mais je ne dis pas que je ne le ferai pas, parce que si je dis “je ne le ferai pas”, je vais finir par le fa re… » Pascal Bérubé juge que « des questionne­ments vont surgir s’il ne ferme pas la porte » plus clairement.

Au-delà d’Arruda

Pour Québec solidaire (QS), le gouverneme­nt a pris une « décision justifiée » en renouvelan­t le mandat de M. Arruda. « Ce qui apparaît important à ce moment, c’est la stabilité », indiquait mercredi le député Sol Zanetti.

Les changement­s récents à la tête du ministère de la Santé et des Services sociaux — où Christian Dubé a remplacé Danielle McCann, et où on a aussi changé de sous-ministre — étaient déjà bien suffisants, dit-il. Ajouter M. Arruda à la liste « n’aurait pas été rassurant ». « Ç’aurait créé une instabilit­é malvenue », surtout dans le contexte où une deuxième vague de contaminat­ion pourrait frapper.

Plus largement, QS estime que « peu importe le point de vue qu’on peut avoir sur le travail de M. Arruda, il ne faut pas que ça vienne occulter les vrais problèmes qu’on a eus dans cette crise, et qui datent d’avant la pandémie », soutient Sol Zanetti.

Il évoque ainsi « l’austérité libérale » et différente­s « politiques adoptées au fil des ans par les gouverneme­nts, et non par la Santé publique ». Les milliers de morts enregistré­es au Québec résultent « moins de la gestion de la Santé publique que de l’état dans lequel le système a dû affronter cette crise, soutient Sol Zanetti. Notre tendon Achille a été révélé : la faiblesse du système public et tout le système d’hébergemen­t pour les aînés. »

Il a fallu deux mois après [la confirmati­on des premiers cas en dehors de la Chine] pour qu’on mette en place une cellule de crise. Pourquoi ? Je n’ai pas eu de réponse à ça. DOMINIQUE ANGLADE

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