Les enfants du Québec sont-ils vraiment épargnés ?
Imposer le port du masque et de la visière aux éducatrices en CPE nuit au développement des jeunes enfants
À l’heure du déconfinement généralisé, il est temps de nous pencher sur les nombreux dommages collatéraux, silencieux mais insidieux, de cette pandémie.
Les enfants symbolisent la seule bonne nouvelle des derniers mois. Ils sont peu touchés par la COVID-19 : ils la contractent moins, ils développent rarement des symptômes et ils ne propagent que très peu le virus. Ils sont en quelque sorte protégés.
Récemment, les mesures de distanciation ont été ajustées, leur permettant d’aspirer à une vie saine, voire presque normale. Les CPE sont maintenant majoritairement ouverts au maximum de leur capacité, les bambins peuvent interagir normalement entre eux et ils ont de nouveau — enfin ! — droit à leur doudou et à du matériel éducatif varié et stimulant.
Malgré les allègements accordés aux milieux de garde, le port du masque et de la visière continue d’être imposé aux éducatrices. L’usage optionnel n’est même pas envisagé, en dépit du fait que le port de ces équipements est incompatible avec l’essence même du travail auprès des enfants.
Avant le 1er juin, les CPE d’urgence, que fréquentaient les enfants des travailleurs essentiels (pourtant à risque !), ne disposaient d’aucun équipement de protection individuelle pour les éducatrices. Il n’y a eu aucune éclosion importante, et ce, même au sommet de la vague. Pourtant, on en fait maintenant une condition incontournable, au mépris du développement socioaffectif et langagier des jeunes enfants qui, rappelons-le, passent souvent la majorité des heures où ils sont éveillés en milieu de garde.
Développement affectif
Le développement affectif du jeune enfant est grandement influencé par la réciprocité du regard, mais aussi du sourire partagé avec ses figures d’attachement. Les premiers échanges sont constitués de sourires, de gazouillis réciproques, que les parents et l’enfant échangent dans une conversation dont le sujet demeure mystérieux. Cette même relation permet au jeune enfant de construire un lien de confiance avec son éducatrice, qui lui offre par ce sourire une approbation, un encouragement, un accompagnement. Avant l’âge de 18-24 mois, l’enfant n’a pas atteint la pensée symbolique ; il lui est donc impossible d’imaginer le sourire derrière le visage masqué.
De plus, l’interprétation des émotions est plus ardue, et parfois impossible, lorsque le bas du visage est invisible. Comment distinguer la colère du dégoût lorsque seuls nous apparaissent les sourcils froncés ?
Par ailleurs, les enfants présentant un trouble du spectre de l’autisme sont, en général, moins attentifs au regard de l’autre, qui peut leur sembler intrusif. Ils se concentrent davantage sur ce qui est mobile dans le visage de l’interlocuteur afin de mieux saisir l’émotion. Le port du masque obligatoire les prive de tous leurs repères, compliquant d’autant plus leurs relations sociales déjà difficiles.
Le langage
Dès les premiers mois de vie, le bébé porte attention aux mouvements de la bouche afin d’acquérir la capacité de reproduire tous les sons essentiels au langage. De plus, il est démontré que les nourrissons les plus attentifs aux mouvements de la bouche auront un langage plus développé que les autres. Manifestement, le port du masque freine l’apprentissage du langage.
En outre, le masque agit comme un filtre acoustique, ce qui, combiné au bruit ambiant, nuit grandement à la compréhension. Si on considère les troubles auditifs temporaires (tels que les otites) ou permanents rencontrés chez les tout-petits, et ce, sans appui visuel pour comprendre les mots prononcés par l’adulte, il est facile d’imaginer que l’on nuit grandement à l’apprentissage de leur langage en voulant bien faire. Tous les enfants ayant des troubles du langage, des troubles adaptatifs et des troubles neurodéveloppementaux seront d’autant plus pénalisés si ces conditions perdurent.
Le gouvernement Legault a souvent affirmé son intention d’accompagner les enfants vulnérables sur le plan développemental, que ce soit avec les maternelles 4 ans ou avec le fameux programme Agir tôt proposé par le ministre Carmant. Il est inacceptable que ce même gouvernement entrave volontairement le développement de toute une génération en imposant, pour des raisons davantage politiques que sanitaires, le port du masque et de la visière aux éducatrices. En petite enfance, le port du masque et de la visière devrait se faire sur une base volontaire.
Alors que la population se déhanche dans certains bars, sur les terrasses et dans d’autres lieux de loisir, l’heure est à choisir des priorités… À l’évidence, les enfants ne semblent pas en faire partie. Les aimer ne suffit pas, ils ont besoin qu’on s’engage pour eux.