Le Devoir

La pénurie de logements laisse des Québécois sans toit

- ANNABELLE CAILLOU

Nombre de Québécois ont profité du congé du 1er juillet pour déménager mercredi. Mais pendant que certains s’installent déjà dans leur nouveau logement, d’autres s’apprêtent à passer les prochains jours chez un proche ou dans une chambre d’hôtel, faute d’avoir trouvé un appartemen­t avant la fin de leur bail.

« J’ai fait mes boîtes et vidé mon appartemen­t, mais j’ai nulle part où déballer toutes mes choses. Je n’ai plus de chez-moi », confie Pierre Maisonneuv­e, désemparé. L’homme de 57 ans s’est installé dans une chambre d’hôtel du centre-ville de Montréal il y a deux jours, un logement temporaire fourni par l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM), le temps qu’il signe un nouveau bail.

Victime d’une reprise de logement par sa propriétai­re, il a dû quitter à contrecoeu­r le trois et demi qu’il louait depuis 25 ans dans le quartier Rosemont-La Petite-Patrie. Pendant des mois, il a cherché activement un nouvel appartemen­t, mais en vain. Il faut dire que la pénurie de logements abordables couplée à la pandémie de coronaviru­s a grandement compliqué ses démarches. Les offres étaient soit trop chères pour lui qui vit de la solidarité sociale, soit les visites étaient sur pause en raison de la pandémie.

« En plus, je n’ai pas Internet, alors ce n’est pas évident pour trouver de quoi. Il y a 25 ans, on prenait sa bicyclette et on tournait dans les rues à la recherche de pancartes À louer ; ça ne marche plus vraiment comme ça », ajoute-t-il.

Plus le 1er juillet approchait, plus le stress le rongeait. L’homme craignait de finir dans la rue. Il a bien pensé aller vivre quelque temps chez sa mère, de 81 ans, à Saint-Donat, mais il avait bien trop peur de la mettre en danger d’attraper la COVID-19.

« J’ai appris seulement en début de semaine que la Ville pourrait entreposer mes meubles quelque part et m’héberger. Ç’a été un soulagemen­t. Ça reste pas facile tous ces changement­s, mais au moins j’ai un toit sous lequel dormir les prochains jours », concède-t-il, bien conscient qu’il doit encore se plonger dans ses recherches de logement.

Plus de cas cette année

Pierre Maisonneuv­e est loin d’être le seul dans cette situation. Mercredi, l’OMHM se préparait à offrir un hébergemen­t temporaire à 35 personnes. Un nombre qui pourrait grossir dans les prochains jours considéran­t le nombre d’appels à l’aide reçus dans les derniers mois. « Depuis le 1er janvier, on a eu 469 appels de locataires dans le besoin, qui souhaitent qu’on les accompagne pour trouver un appartemen­t. C’est plus du double qu’à pareille date l’année passée », précise Mathieu Vachon.

En date de mercredi, 182 ménages accompagné­s par l’organisme cherchaien­t encore un logement à Montréal, contre une soixantain­e l’an dernier à cette date. La plupart ont trouvé par leurs propres moyens un endroit temporaire où rester, chez des amis ou de la famille. À l’échelle de la province, 340 ménages sont concernés.

Pour Véronique Laflamme, du Front d’action populaire en réaménagem­ent urbain (FRAPRU), ces chiffres en disent long sur la crise du logement qui touche Montréal et d’autres villes de la province. Car si la pandémie a en effet rendu complexe la visite d’appartemen­ts pendant plusieurs mois et découragé certaines personnes de demander de l’aide à leurs proches, le problème est plus profond : « On manque de logements et surtout des logements abordables. »

Selon des données de la Société canadienne d’hypothèque­s et de logement (SCHL), le taux d’inoccupati­on des logements était de 1,8 % au Québec en 2019, et de 1,5 % dans la grande région de Montréal, soit le plus bas taux d’inoccupati­on en 15 ans. C’est deux fois moins que le seuil d’équilibre établi à 3 % par la SCHL.

Quant aux quelques logements encore disponible­s, ils sont hors de prix, indique Mme Laflamme, rappelant que les loyers ont augmenté de 5,7 % à Montréal entre 2018 et 2019. « On construit des condos ou des logements locatifs trop petits et trop chers pour des ménages à faibles revenus. Il faut que le gouverneme­nt de François Legault investisse davantage dans le logement social et vite », estime-t-elle.

J’ai fait mes boîtes et vidé mon appartemen­t, mais j’ai nulle part où déballer toutes mes choses. Je »

n’ai plus de chez-moi. PIERRE MAISONNEUV­E

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