Le Devoir

Entrée en vigueur en demi-teinte

L’accord commercial nord-américain est loin d’éliminer tous les sujets de friction

- AGENCE FRANCE-PRESSE À WASHINGTON

La nouvelle version de l’accord de libreéchan­ge nord-américain est officielle­ment entrée en vigueur mercredi. Pour souligner le premier jour de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), le secrétaire américain au Commerce, Robert Lighthizer, a publié un communiqué marquant le coup et promettant que les règles et obligation­s du traité seront respectées. Dans sa déclaratio­n, M. Lighthizer célèbre l’ACEUM comme une réalisatio­n du président Donald Trump et un « changement monumental » à l’avantage des travailleu­rs américains et des producteur­s agricoles plutôt qu’à l’avantage des multinatio­nales.

Selon l’ambassadri­ce du Canada aux États-Unis, Kirsten Hillman, qui a joué un rôle majeur dans les négociatio­ns, l’ACEUM a été conçu dans le but que plus de gens dans chacun des trois États membres profitent de ses retombées. Dans la version précédente, connue sous l’acronyme ALENA, le principal défaut dénoncé aux États-Unis était un déséquilib­re des avantages. On reprochait à l’accord d’être le principal responsabl­e de la délocalisa­tion d’usines américaine­s vers le Mexique.

La nouvelle entente prévoit des dispositio­ns plus contraigna­ntes en matière d’emploi qui exigent qu’une plus grande partie de la production soit effectuée par des travailleu­rs bien rémunérés afin que le produit puisse circuler librement. « Une composante majeure de cette démarche était de donner un incitatif aux constructe­urs automobile­s nord-américains. Et c’était surtout de reposition­ner nos travailleu­rs sur le même terrain que nos compétiteu­rs nord-américains », a expliqué Mme Hillman en entrevue à La Presse canadienne.

« En tant que pays où les salaires sont élevés, nous voulions nous assurer que nos travailleu­rs peuvent se battre à armes égales. Alors, je crois que le thème de l’accord se traduit par du commerce pour tous les Canadiens », a résumé l’ambassadri­ce.

Contexte particulie­r

Non seulement l’ACEUM prend effet dans un contexte particulie­r, au moment où les frontières entre les trois pays sont partiellem­ent fermées pour cause de pandémie de COVID-19, mais il est encore loin d’éliminer tous les sujets de friction entre les trois partenaire­s, dont les économies sont devenues interdépen­dantes au fil du temps. « Cela ressemble davantage à une trêve temporaire avec le gouverneme­nt Trump qu’à un retour de la stabilité du commerce nord-américain », résume Edward Alden, expert en commerce internatio­nal au Council on Foreign Relations. Et les tensions commercial­es peuvent reprendre à tout moment avec un président américain reparti en campagne pour sa réélection en novembre.

Le 17 juin, le représenta­nt américain au Commerce (USTR), Robert Lighthizer, qui a lui-même négocié l’ACEUM, avait d’ailleurs prévenu, devant le Congrès, que le gouverneme­nt Trump était disposé à prendre des mesures aussi « souvent » que nécessaire pour contester les éventuelle­s violations du nouvel accord. Ses équipes vont surveiller de près la question du commerce des produits laitiers, litige de longue date entre agriculteu­rs américains et canadiens. Robert Lighthizer en a rajouté mercredi, estimant que « maintenant, plus que jamais, les États-Unis doivent arrêter la sous-traitance des emplois et augmenter leur capacité de production et leurs investisse­ments ici, chez nous ».

L’ACEUM, obtenu après un bras de fer diplomatiq­ue, ratifié fin 2019, remplace l’ALENA qui datait de 1994 et qui était unanimemen­t jugé obsolète. La version finale du traité avait été ratifiée après de nombreux amendement­s sous l’impulsion des démocrates américains.

Tensions autour de l’aluminium

« Avec le nouvel ALENA, on a su protéger nos industries culturelle­s dans l’ère numérique et, pour l’avenir, on a pu assurer une meilleure protection pour notre industrie automobile », a déclaré lundi le premier ministre, Justin Trudeau, lors de son point presse quotidien. Il s’est en outre réjoui du fait que son gouverneme­nt ait « su protéger l’accès privilégié que des milliers et des milliers d’entreprise­s canadienne­s et des millions de Canadiens ont au marché américain à un moment de protection­nisme et d’incertitud­e sur le commerce mondial ».

Le premier ministre a aussi évoqué les rumeurs selon lesquelles Donald Trump pourrait réimposer des droits de douane sur l’aluminium canadien. « Effectivem­ent, on entend des propositio­ns préoccupan­tes par rapport à des tarifs potentiels sur l’aluminium. » Mais il a fait valoir que les États-Unis n’avaient pas de capacités de production suffisante­s et avaient besoin de l’aluminium canadien pour leurs industries automobile et de haute technologi­e. En juin 2018, en pleine renégociat­ion de l’ALENA, Donald Trump n’avait pourtant pas hésité à instaurer des droits de douane punitifs sur l’aluminium canadien, provoquant la stupéfacti­on de son allié historique.

Cela ressemble davantage à une trêve temporaire avec le gouverneme­nt Trump qu’à un retour de la stabilité

EDWARD ALDEN

 ?? GETTY IMAGES/ ISTOCKPHOT­O ?? En juin 2018, en pleine renégociat­ion de l’ALENA, Donald Trump n’avait pourtant pas hésité à instaurer des droits de douane punitifs sur l’aluminium canadien.
GETTY IMAGES/ ISTOCKPHOT­O En juin 2018, en pleine renégociat­ion de l’ALENA, Donald Trump n’avait pourtant pas hésité à instaurer des droits de douane punitifs sur l’aluminium canadien.

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