Les entreprises frileuses à l’idée d’embaucher à nouveau
Nombre d’entre-elles n’entrevoient pas de retour au niveau d’emploi d’avant la pandémie
Si les perspectives post-COVID-19 demeurent sombres, le degré de pessimisme n’atteint pas le niveau de 2007-2009. Il ressort tout de même que nombre d’entreprises n’entrevoient pas de retour au niveau d’emploi d’avant la pandémie, tandis que l’inquiétude des travailleurs face à leur emploi demeure élevée.
La Banque du Canada a publié lundi les résultats de l’édition été 2020 de l’Enquête sur les perspectives des entreprises. Les entrevues ont été réalisées de la mi-mai au début juin, alors que commençaient le déconfinement progressif et la levée graduelle des restrictions. On y observe que l’incertitude demeure élevée et les craintes, palpables, mais que l’action gouvernementale a permis d’atténuer le degré de pessimisme, comparativement au niveau observé dans la foulée de la crise de 2008.
« La confiance des entreprises est passée en territoire négatif sous l’effet des répercussions de la pandémie », peut-on lire. L’indicateur de l’enquête a enregistré une « chute brutale » « qui a presque atteint le creux de la crise financière mondiale de 2007-2009 ». De plus, « les indicateurs des intentions d’embauche, de la croissance du prix des intrants et des conditions du crédit ne se sont pas détériorés autant qu’en 2007-2009, en partie grâce à l’aide gouvernementale offerte pour atténuer les impacts de la COVID-19. Cela tient aussi au fait que de nombreuses entreprises prévoient un rebond assez rapide des activités après un déclin passager des ventes, contrairement à 2007-2009 où les entreprises anticipaient une faiblesse persistante des ventes ».
Perspectives en baisse
N’empêche, près de la moitié des répondants font état d’une nette diminution des ventes ces 12 derniers mois. Et plus de la moitié prévoient que leurs ventes totales des 12 prochains mois seront inférieures à celles des 12 derniers. Les attentes à l’égard des ventes sont faibles surtout parmi les entreprises qui dépendent du tourisme, les entreprises des domaines de la finance et de l’immobilier et celles liées aux produits de base, particulièrement l’énergie, ajoute l’institution. Aussi, la moitié des exportateurs anticipent une baisse de leurs ventes à l’étranger dans les 12 prochains mois.
À l’inverse, environ 40 % des répondants disent que leurs ventes devraient se rétablir complètement d’ici un an ou que la COVID-19 n’a pas nui à leurs ventes. Ces entreprises prévoient aussi de ramener leurs effectifs près de ce qu’ils étaient avant la pandémie d’ici un an. Environ 15 % des entreprises, surtout manufacturières, s’attendent à un redressement quasi complet de leurs ventes dans les 12 prochains mois.
Des répercussions se feront sentir sur les investissements, les répondants évoquant une réduction considérable à ce chapitre. « Les entreprises invoquent des raisons liées à la pandémie, soit la baisse de la demande intérieure, les restrictions visant les exportations et des inquiétudes quant à leur bilan […]. Celles qui planifient de hausser leurs investissements disent notamment vouloir soutenir leur stratégie de numérisation ou améliorer la productivité, citant parfois le passage au télétravail. »
La pandémie aura également un effet sur l’embauche. Ainsi, plus de la moitié des entreprises qui ont récemment fait des mises à pied parlent de rouvrir certains des postes concernés dans les 12 prochains mois. Mais bon nombre n’envisagent pas d’augmenter leurs effectifs, souvent du fait qu’elles redoutent de faibles ventes. « La proportion d’entreprises faisant état de pénuries de main-d’oeuvre qui limitent leur aptitude à répondre à la demande a fortement reculé […]. Ces résultats laissent supposer un accroissement généralisé de la marge de ressources inutilisées. Plusieurs répondants ont fait valoir qu’ils n’auraient pas de mal à pourvoir des postes au besoin vu l’élargissement du bassin de maind’oeuvre disponible depuis le début de la pandémie. »
D’autant que les pressions exercées sur les capacités de production demeurent bien présentes. « La majorité des entreprises disent ne pas tourner à plein régime en raison de l’effondrement de la demande causé par la pandémie. La plupart affirment qu’elles seraient en mesure de revenir à une production normale dans le mois suivant la fin du déconfinement. »
Et si le tiers des répondants ont fait valoir que la Subvention salariale d’urgence du Canada les a aidés à limiter ou à éviter les mises à pied, quelquesuns ont cependant noté que la Prestation canadienne d’urgence leur compliquait la tâche pour garder leurs employés ou en embaucher de nouveaux, poursuit l’Enquête.
Consommateurs inquiets
Cette grande hésitation se reflète également chez les travailleurs. Dans une étude distincte portant sur les attentes des consommateurs au deuxième trimestre, réalisée entre le 11 mai et le 1er juin, leurs opinions quant aux conditions sur le marché du travail se sont dégradées par rapport à celles du trimestre précédent. La probabilité de perte d’emploi indiquée par les répondants « a atteint un sommet sans précédent dans l’histoire de l’enquête ». Celle d’en trouver un en cas de perte de l’emploi principal est passée de 50 à 40 %, « soit le taux le plus bas depuis le choc des cours du pétrole en 2015 ».
S’ensuit un fléchissement des attentes à l’égard de la progression des salaires au cours des 12 prochains mois, la croissance anticipée s’établissant à 1,9 %. Celles concernant la croissance du revenu des ménages ont touché un creux historique. Et les réponses reçues « semblent indiquer une détérioration de l’accès au crédit au deuxième trimestre ».
Les consommateurs joueront de prudence. L’enquête trimestrielle fait ressortir une réduction attendue de plus de 30 % des dépenses en hébergement de voyage et en transport, de plus de 25 % en dépenses de repas au restaurant, au cinéma et dans d’autres activités récréatives et sociales, et de près de 20 % en biens durables. À l’opposé, les répondants s’attendent à dépenser davantage en santé et en soins personnels, en frais de logement et en épicerie.
Bon nombre d’entreprises n’envisagent pas d’augmenter leurs effectifs, souvent du fait qu’elles redoutent de faibles ventes.