Le Devoir

Une cinquantai­ne de festivals artistique­s unissent leurs forces

Ensemble, les membres du Regroupeme­nt des festivals régionaux artistique­s indépendan­ts se donnent les moyens de la reprise de leurs activités

- PHILIPPE PAPINEAU

À la fois ébranlés et stimulés par la pandémie, une cinquantai­ne d’événements artistique­s du Québec issus d’un peu partout sur le territoire ont décidé d’unir leurs forces en créant le Regroupeme­nt des festivals régionaux artistique­s indépendan­ts (REFRAIN). L’objectif de ces festivals de petite et de moyenne taille est notamment de pouvoir échanger idées et conseils en plus de veiller à se mettre en valeur pour un public qui pourrait se faire frileux.

« Au départ, le rôle du REFRAIN, c’est un rôle de partage », affirme le directeur général du festival Santa Teresa, Patrick Kearney, un des initiateur­s du regroupeme­nt avec, entre autres, Clément Turgeon, du dynamique Festif ! de Baie-Saint-Paul.

Au début de la pandémie, Kearney et Turgeon ont vite compris que leur événement respectif allait écoper. Les questions se sont multipliée­s dans leur tête, l’angoisse s’est montré le bout du nez, aussi, alors une poignée d’organisate­urs de festivals ont commencé à discuter en vidéoconfé­rence. « Chaque semaine, quelqu’un invitait un autre responsabl­e de festival qui, lui, invitait quelqu’un ensuite. On s’est réveillés et on était 45 ! », explique Kearney. Ils frôlent aujourd’hui la cinquantai­ne.

Le REFRAIN regroupe donc différents festivals issus de 15 régions du Québec, avec une tangente forte autour de la musique, mais pas que ça. Parmi eux se trouvent La Noce, à Chicoutimi, le FME, à Rouyn-Noranda, le Festival Musique du bout du monde, à Gaspé, Pop Montréal, LVL Up, à Laval, le Festival des arts de Saint-Sauveur, le Festival des clowns de Montréal et Mural.

« Il y a des gens qui disent depuis plusieurs années qu’on devrait avoir un regroupeme­nt de festivals et d’événements culturels, dit Patrick Kearney. Là, on dirait que tous les astres se sont alignés. L’avantage [de la pandémie], c’est que tout le monde avait un peu plus de temps. Normalemen­t, tout le mode est toujours dans le jus dans l’événementi­el. »

Le REFRAIN veut donc placer les festivals et les événements culturels indépendan­ts « en tant qu’acteurs incontourn­ables du développem­ent économique, touristiqu­e et culturel québécois », dit le communiqué d’envoi. Les membres ont tout de même paré au plus urgent : suivre l’évolution des décisions de la Santé publique, gérer les innombrabl­es questions, voir aux subvention­s et aux multiples détails administra­tifs et organisati­onnels. Mais au lieu de le faire chacun de leur côté, les festivals ont pu le faire en groupe.

« On a tous des canaux de communicat­ion différents, explique Clément Turgeon. Chaque joueur apportait des informatio­ns qui se complétaie­nt et ça permettait de se faire un meilleur portrait de la situation. On s’inspirait tous entre nous aussi. On se demandait : on fait quoi avec les employés, avec les contrats des artistes ? Ça nous permettait tous ensemble de savoir si on était dans le champ en prenant telle ou telle décision. Ça nous aidait à valider les points de vue et les décisions qu’on était sur le point de prendre. »

Cette force du nombre sera évidemment utile dans le futur, croit Patrick Kearney, qui souligne que la plupart des événements du REFRAIN fonctionne­nt avec très peu d’employés qui font presque tout.

Le REFRAIN ne veut pas miser sur une démarche revendicat­rice, préférant l’entraide et « des approches positives ». Mais l’associatio­n veut bien à l’occasion se faire le porte-voix de ses membres sur différente­s questions. « On l’a fait déjà pour mettre en lumière le fait que les petits festivals, ceux qui sont encore en démarrage, se trouvent dans une zone grise parce qu’ils n’ont pas un historique assez long pour se qualifier à la plupart des subvention­s », note Kearney.

Indépendan­t et artistique

Il existe déjà, au Québec, certaines organisati­ons qui chapeauten­t des festivals, comme Événements Attraction­s Québec, ou le Regroupeme­nt des événements majeurs internatio­naux. « Ce n’est pas parce qu’on est contre les autres regroupeme­nts, mais on avait besoin de jaser plus de culture, de ce qui se passe pour nos organisati­ons, de nos enjeux propres, de financemen­t », précise Patrick Kearney.

Le REFRAIN s’est imposé quelques règles pour déterminer qui peut y adhérer. Tous types de créations artistique­s y sont les bienvenus. « On a établi que ce devait être des joueurs qui recevaient des subvention­s d’un ministère ou d’un organisme artistique, précise Patrick Kearney, Un festival de la bière, au contraire, n’aura probableme­nt pas de subvention­s de la SODEC ou du Conseil des arts » et ne se qualifiera­it donc pas.

Quant à l’aspect indépendan­t des membres, le DG de Santa Teresa concède que la notion est « plus philosophi­que », mais que les festivals du REFRAIN partagent un « ADN ». « Prenez certains membres de gros groupes comme Gestev, Evenko, Live Nation… ils ont d’autres enjeux qu’on n’a pas. On n’est pas contre eux, au contraire, c’est juste que c’est souvent des machines avec parfois 100 employés, alors que nous, on est des festivals avec des fois un seul contractue­l. »

Ce ne sera pas « coupé au couteau », mais les membres REFRAIN devraient afficher un budget de moins de trois millions de dollars. L’argent ne fera pas foi de tout, donc, mais il permet de rassembler des événements aux enjeux similaires.

Mise en commun

Le partage d’idées entre la cinquantai­ne de membres pourrait bien se muter en mise en commun de certaines expertises et ressources, estime Clément Turgeon. Le dossier des assurances en est un complexe à analyser à plus long terme, mais il croit que différents événements pourraient par exemple utiliser les mêmes îlots de recyclage, d’autant plus que de nombreux festivals prennent une approche davantage écorespons­able.

« Au Festif !, par exemple, on a décidé que dans nos loges d’artistes la nourriture, c’est au vrac. Alors si d’autres membres veulent embarquer, je peux agir comme conseiller et dire comment on gère ça, comment on arrive à le faire », explique Clément Turgeon.

Un des autres objectifs de l’associatio­n est de valoriser les différents festivals membres quand la reprise se fera. « La force de notre regroupeme­nt, ce sera aussi de dire que c’est important d’encourager la musique, d’aller voir des événements, des spectacles, insiste Turgeon. Il faut montrer que chez les organisate­urs, on va être responsabl­es, que ce sera sécuritair­e. On va avoir une belle job à la reprise complète. »

Il y a des gens qui disent depuis plusieurs années qu’on devrait avoir un regroupeme­nt de festivals et d’événements culturels. Là, on dirait que tous les astres se sont alignés. L’avantage [de la pandémie], c’est que tout le monde avait un peu plus de temps.»

PATRICK KEARNEY

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JÉRÔME KEARNEY Le REFRAIN ne veut pas miser sur une démarche revendicat­rice, préférant l’entraide et « des approches positives ».

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