Le Devoir

L’initiative de Montréal indispose d’autres villes

Le port du masque dans les lieux publics fermés devrait être imposé par Québec, dit-on, mais le gouverneme­nt n’en a pas l’intention pour le moment

- JEANNE CORRIVEAU MARCO BÉLAIR-CIRINO MARIE-EVE COUSINEAU

Le gouverneme­nt de François Legault n’est pas prêt à rendre le masque obli- gatoire dans les lieux publics fermés comme entend le faire la Ville de Montréal, mais il y réfléchit. Les maires du Grand Montréal, eux, sont divi- sés sur la question. Plusieurs élus mu- nicipaux estiment que c’est au gouver- nement de légiférer dans ce dossier et non aux villes de modifier leur régle- mentation individuel­lement.

Pour le maire de Mascouche, Guillaume Tremblay, il est inconcevab­le que le masque soit obligatoir­e dans les commer- ces, les restaurant­s et les bars de la ville de Montréal sans l’être dans l’ensemble de la Communauté métropolit­aine de Montréal (CMM), qui regroupe 82 muni- cipalités de la région. « Si on veut que les citoyens adhèrent aux consignes, il faut que le message soit clair », avance-t-il.

Dans le dossier des masques dans les transports en commun et dans les écoles, Québec avait appliqué les rè- gles à l’échelle de la CMM. Le dossier du couvre-visage dans les lieux publics fermés ne devrait pas être géré différemme­nt. « On ne doit pas laisser aux villes le fardeau d’adopter leur propre règlement. Chez nous, à cause des procédures, ça nous prenait jusqu’à un mois et demi pour le faire appliquer. Ça serait trop tard », explique-t-il.

Les Villes de Terrebonne et de SaintJérôm­e croient aussi que c’est au gouverneme­nt de déterminer si le port du masque doit être obligatoir­e dans les lieux fermés. « Si chacun des maires des 1300 municipali­tés [du Québec] impose sa propre réglementa­tion, je ne vois pas comment les citoyens vont s’y retrouver.

On va créer de la confusion. Les gens ne prendront plus ça au sérieux », avance le maire de Saint-Jérôme, Stéphane Maher. D’autres villes sondées par Le Devoir attendent les consignes de Québec. C’est le cas à Laval et à Longueuil.

L’étonnement

En point de presse mardi à Saint-Jérôme, le premier ministre, François Legault, a indiqué qu’il n’écartait pas l’idée d’exiger le port du masque dans les lieux publics fermés. « Il ne faut rien exclure. […] Je ne suis pas fermé à cette idée-là », a-t-il répété.

M. Legault a dit s’efforcer depuis le début de l’état d’urgence sanitaire d’agir « graduellem­ent » afin de freiner autant que possible la propagatio­n du virus sans perdre l’appui de la population. « Le défi, c’est toujours de maintenir l’adhésion », a-t-il expliqué.

Le premier ministre a appris avec étonnement lundi, sur les réseaux sociaux, la décision de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, concernant l’obligation du couvre-visage dans les lieux publics fermés à Montréal. « Je n’étais pas au courant. Je l’ai appris… Bon, ça fait partie des pouvoirs qu’elle a », a fait remarquer M. Legault.

Questions sans réponses

La décision de l’administra­tion Plante suscite un certain nombre de questions auxquelles le gouverneme­nt Legault attend des réponses. « Qui va appliquer la loi ? Est-ce que ça va être le SPVM ? Comment on va l’appliquer ? […] C’est le genre de choses que je vais vouloir discuter avec elle. » Cela dit, M. Legault s’est bien gardé de critiquer publiqueme­nt Mme Plante.

La semaine dernière, le premier ministre a annoncé que le port du couvrevisa­ge serait obligatoir­e dans le transport collectif à compter du 13 juillet. Après une période transitoir­e de deux semaines, une personne qui refuse de porter le masque dans un transport en commun se verra refuser l’accès. Ce sont « les personnes à l’entrée » des autobus, des stations de métro, qui feront « finalement respecter le règlement », pas la police, a précisé M. Legault.

Par ailleurs, le premier ministre a dit trouver « malheureux » de voir les mesures de distanciat­ion sociale « vraiment pas respectées » dans des bars et des restaurant­s. « Il commence à faire beau. Les gens voient leurs amis. Bon, après quelques verres, ça peut être le fun de s’approcher, mais il ne faut pas, il ne faut pas ! Il faut garder le deux mètres, sinon on va être obligé de confiner et personne ne souhaite ça », a-t-il insisté.

Selon ses informatio­ns, ces incartades ne se sont pas déjà traduites par une hausse des cas de personnes déclarés positives à la COVID-19. « Il y a moyen d’avoir du plaisir et de se parler à deux mètres », a-t-il conclu.

Le premier ministre a été accueilli au Théâtre Gilles-Vigneault, où il rencontrai­t des élus régionaux, par quelque 75 manifestan­ts opposés aux mesures prises par le gouverneme­nt afin de freiner

Je n’étais pas au courant. » Je l’ai appris… Bon, ça fait partie des pouvoirs qu’elle a. FRANÇOIS LEGAULT

la propagatio­n de la COVID-19, qu’ils comparent à une grippe saisonnièr­e. « On a eu 5700 décès. C’est vrai le virus, a rétorqué M. Legault. C’est pas pour le plaisir que je demande aux gens de porter un masque, c’est pour sauver des vies. »

Lundi, la mairesse Plante avait annoncé sur les médias sociaux son intention d’imposer le port du masque à Montréal où elle a le pouvoir de le faire. En coulisse, on précise que la Ville y songeait depuis des semaines, mais qu’en raison de la réticence du gouverneme­nt à prendre une décision, la mairesse a pris le parti d’aller de l’avant, estimant que les mêmes règles devraient s’appliquer dans les transports en commun et dans des lieux fermés comme les restaurant­s et les commerces. « Pour moi, c’était essentiel de passer à l’action maintenant pour que tout le monde soit prêt à la même date, le 27 juillet », a-t-elle expliqué à Radio-Canada mardi.

Valérie Plante dit avoir été sensible aux propos des commerçant­s qu’elle a rencont rés au cours des dernières semaines. Elle a précisé que la Ville travaillai­t avec le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) pour l’applicatio­n du règlement. Deux lectures par le conseil municipal seront nécessaire­s avant l’entrée en vigueur du règlement.

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