L’initiative de Montréal indispose d’autres villes
Le port du masque dans les lieux publics fermés devrait être imposé par Québec, dit-on, mais le gouvernement n’en a pas l’intention pour le moment
Le gouvernement de François Legault n’est pas prêt à rendre le masque obli- gatoire dans les lieux publics fermés comme entend le faire la Ville de Montréal, mais il y réfléchit. Les maires du Grand Montréal, eux, sont divi- sés sur la question. Plusieurs élus mu- nicipaux estiment que c’est au gouver- nement de légiférer dans ce dossier et non aux villes de modifier leur régle- mentation individuellement.
Pour le maire de Mascouche, Guillaume Tremblay, il est inconcevable que le masque soit obligatoire dans les commer- ces, les restaurants et les bars de la ville de Montréal sans l’être dans l’ensemble de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), qui regroupe 82 muni- cipalités de la région. « Si on veut que les citoyens adhèrent aux consignes, il faut que le message soit clair », avance-t-il.
Dans le dossier des masques dans les transports en commun et dans les écoles, Québec avait appliqué les rè- gles à l’échelle de la CMM. Le dossier du couvre-visage dans les lieux publics fermés ne devrait pas être géré différemment. « On ne doit pas laisser aux villes le fardeau d’adopter leur propre règlement. Chez nous, à cause des procédures, ça nous prenait jusqu’à un mois et demi pour le faire appliquer. Ça serait trop tard », explique-t-il.
Les Villes de Terrebonne et de SaintJérôme croient aussi que c’est au gouvernement de déterminer si le port du masque doit être obligatoire dans les lieux fermés. « Si chacun des maires des 1300 municipalités [du Québec] impose sa propre réglementation, je ne vois pas comment les citoyens vont s’y retrouver.
On va créer de la confusion. Les gens ne prendront plus ça au sérieux », avance le maire de Saint-Jérôme, Stéphane Maher. D’autres villes sondées par Le Devoir attendent les consignes de Québec. C’est le cas à Laval et à Longueuil.
L’étonnement
En point de presse mardi à Saint-Jérôme, le premier ministre, François Legault, a indiqué qu’il n’écartait pas l’idée d’exiger le port du masque dans les lieux publics fermés. « Il ne faut rien exclure. […] Je ne suis pas fermé à cette idée-là », a-t-il répété.
M. Legault a dit s’efforcer depuis le début de l’état d’urgence sanitaire d’agir « graduellement » afin de freiner autant que possible la propagation du virus sans perdre l’appui de la population. « Le défi, c’est toujours de maintenir l’adhésion », a-t-il expliqué.
Le premier ministre a appris avec étonnement lundi, sur les réseaux sociaux, la décision de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, concernant l’obligation du couvre-visage dans les lieux publics fermés à Montréal. « Je n’étais pas au courant. Je l’ai appris… Bon, ça fait partie des pouvoirs qu’elle a », a fait remarquer M. Legault.
Questions sans réponses
La décision de l’administration Plante suscite un certain nombre de questions auxquelles le gouvernement Legault attend des réponses. « Qui va appliquer la loi ? Est-ce que ça va être le SPVM ? Comment on va l’appliquer ? […] C’est le genre de choses que je vais vouloir discuter avec elle. » Cela dit, M. Legault s’est bien gardé de critiquer publiquement Mme Plante.
La semaine dernière, le premier ministre a annoncé que le port du couvrevisage serait obligatoire dans le transport collectif à compter du 13 juillet. Après une période transitoire de deux semaines, une personne qui refuse de porter le masque dans un transport en commun se verra refuser l’accès. Ce sont « les personnes à l’entrée » des autobus, des stations de métro, qui feront « finalement respecter le règlement », pas la police, a précisé M. Legault.
Par ailleurs, le premier ministre a dit trouver « malheureux » de voir les mesures de distanciation sociale « vraiment pas respectées » dans des bars et des restaurants. « Il commence à faire beau. Les gens voient leurs amis. Bon, après quelques verres, ça peut être le fun de s’approcher, mais il ne faut pas, il ne faut pas ! Il faut garder le deux mètres, sinon on va être obligé de confiner et personne ne souhaite ça », a-t-il insisté.
Selon ses informations, ces incartades ne se sont pas déjà traduites par une hausse des cas de personnes déclarés positives à la COVID-19. « Il y a moyen d’avoir du plaisir et de se parler à deux mètres », a-t-il conclu.
Le premier ministre a été accueilli au Théâtre Gilles-Vigneault, où il rencontrait des élus régionaux, par quelque 75 manifestants opposés aux mesures prises par le gouvernement afin de freiner
Je n’étais pas au courant. » Je l’ai appris… Bon, ça fait partie des pouvoirs qu’elle a. FRANÇOIS LEGAULT
la propagation de la COVID-19, qu’ils comparent à une grippe saisonnière. « On a eu 5700 décès. C’est vrai le virus, a rétorqué M. Legault. C’est pas pour le plaisir que je demande aux gens de porter un masque, c’est pour sauver des vies. »
Lundi, la mairesse Plante avait annoncé sur les médias sociaux son intention d’imposer le port du masque à Montréal où elle a le pouvoir de le faire. En coulisse, on précise que la Ville y songeait depuis des semaines, mais qu’en raison de la réticence du gouvernement à prendre une décision, la mairesse a pris le parti d’aller de l’avant, estimant que les mêmes règles devraient s’appliquer dans les transports en commun et dans des lieux fermés comme les restaurants et les commerces. « Pour moi, c’était essentiel de passer à l’action maintenant pour que tout le monde soit prêt à la même date, le 27 juillet », a-t-elle expliqué à Radio-Canada mardi.
Valérie Plante dit avoir été sensible aux propos des commerçants qu’elle a rencont rés au cours des dernières semaines. Elle a précisé que la Ville travaillait avec le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) pour l’application du règlement. Deux lectures par le conseil municipal seront nécessaires avant l’entrée en vigueur du règlement.