Pas sortis de l’auberge, l’éditorial de Robert Dutrisac
Tandis que Québec envisage de resserrer les exigences sanitaires pour les bars et à imposer des sanctions s’il le faut, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a annoncé que le port du masque sera obligatoire dans les tous les lieux publics fermés de la ville à compter du 27 juillet. Plusieurs détails ne sont pas connus, dont le montant des amendes, s’il y en a, en cas d’infraction, et le rôle de la police dans l’opération. Toronto et Ottawa viennent aussi de déclarer obligatoire le port du masque dans les lieux publics fermés. Mais pour l’heure, elles n’ont pas distribué d’amendes en cas de désobéissance.
Le premier ministre, François Legault, a appris la décision de la mairesse en même temps que tout le monde en fin de journée lundi. Mais il ne lui en tient pas rigueur. Du moins, c’est la posture qu’il a adoptée en conférence de presse, mardi. De fait, la position de la Direction nationale de la santé publique et du gouvernement caquiste n’est pas si éloignée de celle de Valérie Plante. Mardi, le Dr Horacio Arruda a même laissé entendre qu’il était sur le point de recommander la même obligation. La mairesse a décidé d’agir, à l’intérieur de ses prérogatives, d’ailleurs, au lieu d’attendre la fin des tergiversations.
Il ne fait aucun doute que le port du masque par des personnes qui se côtoient au sein d’un lieu fermé réduit considérablement les risques de contagion. En revanche, en faire une obligation peut avoir des effets pervers. On craint de braquer certains citoyens qui contesteraient l’injonction au nom d’une certaine conception égoïste de la liberté et, parce que, souvent, ils sont jeunes et croient, non sans inconscience, que contracter la COVID-19 ne les affecterait guère. Sanctionner n’est pas simple non plus.
François Legault a répété que son gouvernement privilégiait une approche graduelle. Après avoir recommandé fortement le port du masque dans les transports en commun, on en est venu à l’imposer. Maintenant, on recommande fortement le port du couvre-visage à l’intérieur des commerces, des restaurants, des bars et autres lieux publics. Nous connaîtrons bientôt la suite.
La décision de Valérie Plante survient au moment où dans un article publié dans la revue Clinical Infectious Diseases d’Oxford, plus de 200 scientifiques des quatre coins du monde réclament que l’OMS et la communauté médicale internationale reconnaissent le potentiel de transmission aérienne de la COVID-19. Non seulement on sait maintenant que des personnes asymptomatiques (ou présymptomatiques) peuvent transmettre la maladie, mais la simple respiration d’une personne atteinte, ou quelques mots échangés avec elle, projetteraient dans l’air des microgouttelettes infectieuses de coronavirus qui s’y maintiendraient un certain temps. Cette possibilité milite fortement pour le port du masque.
La Direction de la santé publique s’inquiète d’ailleurs du relâchement dont certains font preuve dans les bars ou lors de fêtes privées. Des rassemblements de dix, vingt ou cinquante connaissances, que ce soit sur la Rive-Sud ou dans Lanaudière, ont donné lieu à des éclosions. Il faut craindre au plus haut point les rassemblements de fêtards, aussi insouciants qu’éméchés, qui font bombance, comme dans ce bar de Brossard le 30 juin dernier.
Il est en effet difficile de retrouver toutes les personnes qui peuvent s’être retrouvées dans un bar à un moment donné. Aux États-Unis, nombre d’éclosions, qui ont nourri la grave contagion communautaire avec laquelle plusieurs États sont aux prises après avoir amorcé leur déconfinement, émanent des bars, affectant surtout des jeunes dans un premier temps. En Corée du Sud, c’est une discothèque qui fut à l’origine d’un retour de la contagion, heureusement maté.
Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a évoqué différentes options pour sévir contre les établissements délinquants, comme l’imposition d’amendes et le retrait du permis d’alcool. Le gouvernement Legault pourrait commencer par suivre la recommandation de la Nouvelle association des bars du Québec et forcer les bars à fermer à minuit plutôt qu’à trois heures du matin. Une fois ivres, les oiseaux de nuit sont souvent difficiles à raisonner.
Les éclosions que le Québec a connues ces derniers jours et qui ont visé surtout des jeunes nous rappellent que le coronavirus court toujours. Nous ne sommes pas sortis de l’auberge. Il faut à tout prix éviter le scénario catastrophe américain, ce qui conduirait à un nouveau confinement. Nous pouvons y arriver si les citoyens se montrent responsables, comme il n’y a pas si longtemps, portent un masque quand c’est nécessaire et respectent les règles de distanciation.