Le Devoir

Le travail des policiers sera mieux balisé

Le SPVM dévoile mercredi sa première politique d’interpella­tion

- PROFILAGE RACIAL GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

La première politique sur les interpella­tions policières que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) dévoilera mercredi viendra combler un « vide absolu », estime le co-auteur du rapport qui a mené à cette démarche.

« Quand un policier est trop laissé à ses intuitions [pour déterminer si une interpella­tion est nécessaire], s’il n’y a pas de balises formelles, ça peut favoriser certains abus, laisser plus de place aux préjugés », affirme Victor Armony, professeur de sociologie à l’UQAM. « Plus on balise, plus on limite ça. »

Avec deux collègues, M. Armony a rédigé le rapport sur les « interpella­tions policières à la lumière des identités racisées des personnes interpellé­es », dévoilé l’automne dernier par le SPVM. Les trois chercheurs indépendan­ts y constataie­nt qu’à Montréal, les Autochtone­s et les personnes noires étaient entre quatre et cinq fois plus susceptibl­es d’être interpellé­s par la police que ceux dont la peau est blanche : la mise en chiffres du profilage racial, en somme.

Le directeur du SPVM, Sylvain Caron, s’était alors engagé à instaurer des mesures pour mettre un terme à cette discrimina­tion et promis une politique pour mieux encadrer les interventi­ons des policiers.

Le rapport mettait aussi en lumière que le nombre d’interpella­tions effectuées par le SPVM avait « augmenté considérab­lement » entre 2014 et 2017, passant d’environ 19 000 à 45 000 interpella­tions. Cela alors que le nombre d’incidents criminels demeurait stable durant la même période.

Le nombre d’interpella­tions est passé de 19 000 à 45 000 entre 2014 et 2017

Quoi faire, et comment ?

Victor Armony et ses collègues avaient noté que, « contrairem­ent aux pratiques observées dans d’autres juridictio­ns canadienne­s [mais pas au Québec], la police de Montréal n’a pas de politique claire en matière d’interpella­tion, que ce soit pour définir ce qu’est une interpella­tion, dans quel contexte celle-ci doit être faite, selon quels principes et paramètres elle doit se dérouler et quand et comment elle doit être enregistré­e dans le système informatiq­ue. »

Leur première recommanda­tion concernait donc l’élaboratio­n d’une telle politique, jugée « essentiell­e ». « L’idée, signale M. Armony en entretien, c’est de dire aux policiers qu’avant d’intervenir, ils doivent être capables d’identifier des facteurs objectifs qui justifient cette interpella­tion. »

Il évoque l’importance « d’avoir un moment de doute [que le policier] s’impose lui-même ». Cela dans un cadre équilibré, ajoute toutefois Victor Armony : « Le danger soulevé ailleurs [notamment par l’exemple torontois], c’est qu’un policier avec trop de doutes finit par ne pas intervenir, et ça peut être un problème. Personne ne veut d’une politique qui serait contre-productive. »

La présentati­on de la politique survient quelques semaines après le dépôt d’un rapport critique de l’Office de consultati­on publique de Montréal (OCPM), qui estimait que « le profilage racial et social sévit au sein du SPVM et qu’il constitue de la violence dirigée vers certains groupes racisés et vers les personnes autochtone­s ».

Cela avait incité le SPVM à « reconnaîtr­e le caractère systémique du racisme et de la discrimina­tion » — une position qu’a remise en question le président de la Fraternité des policiers et des policières de Montréal, Yves Francoeur.

L’idée, c’est de dire aux policiers qu’avant d’intervenir, ils doivent être capables d’identifier des » facteurs objectifs qui justifient cette interpella­tion VICTOR ARMONY

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