Le Devoir

Des aires protégées bénéfiques pour la santé, révèle un rapport

Le Québec accuse néanmoins un retard important sur ses engagement­s en matière de protection des milieux naturels terrestres et marins

- ALEXANDRE SHIELDS

Le Québec aurait tout à gagner à bonifier son réseau d’aires protégées, puisque ces territoire­s naturels ont des répercussi­ons positives en matière de santé publique. C’est ce que conclut un nouveau rapport publié mardi par le regroupeme­nt « La Planète s’invite en santé ». Mais pour le moment, la province est toujours en retard sur ses engagement­s en matière de préservati­on des milieux naturels terrestres et marins.

Réduction de l’obésité et de l’hypertensi­on, lutte contre diverses maladies chroniques, dont le diabète et les maladies coronarien­nes, assainisse­ment de l’air et de l’eau… Au moment où les Québécois sont plus nombreux que jamais à passer leurs vacances estivales en profitant de la nature, le rapport piloté par des profession­nels du milieu de la santé, et qui s’appuie sur de nombreuses études, démontre que les effets positifs des aires protégées sur la santé des population­s sont multiples.

« Les bienfaits sur la santé mentale et le bien-être sont aussi significat­ifs, notamment en ce qui a trait à la réduction de l’anxiété, de la dépression et de l’irritabili­té », précise le document, intitulé « Des aires protégées essentiell­es pour la santé ». Les bénéfices pour la santé mentale sont à la fois directs, « lors de l’exposition aux aires protégées », et indirects, « par le biais notamment d’activités se produisant dans les aires protégées », comme la randonnée ou le camping.

« Durant une crise anxiogène comme celle que nous avons vécue, on remarque que les gens ressentent un fort besoin de se retrouver en nature. Donner un meilleur accès à la nature grâce aux aires protégées est une mesure de santé publique qui nous permettra de renforcer notre résilience », ajoute la directrice générale de Nature Québec, Alice-Anne Simard.

La protection du territoire est également un moyen de lutter contre les bouleverse­ments climatique­s. « Or, il a déjà été démontré dans le cadre de nombreuses recherches que l’effet des changement­s climatique­s sur la santé des Québécoise­s et des Québécois risque d’être majeur », souligne le rapport, en mentionnan­t la hausse attendue du nombre de canicules, de feux de forêts et d’inondation­s.

Prévention

Pour la Dre Sarah Bergeron, spécialist­e en médecine familiale et responsabl­e du rapport piloté par La Planète s’invite en santé, le fait de mieux protéger les milieux naturels revient donc à investir en « prévention », ce qui a aussi pour effet de réduire les coûts pour le système de santé.

« La santé est un poste de dépenses important pour le gouverneme­nt québécois. L’augmentati­on de la superficie des aires protégées pourrait permettre de réduire les coûts en raison de cobénéfice­s sur la santé », résume Mme Bergeron. « Le gouverneme­nt du Québec a donc tout intérêt à augmenter la superficie d’aires protégées sur son territoire en raison des nombreux bénéfices humains associés. »

Le directeur général de la Société pour la nature et les parcs du Québec, Alain Branchaud, souligne toutefois qu’il est primordial que la population puisse avoir un meilleur accès aux territoire­s protégés, ce qui impliquera­it notamment de préserver davantage de milieux naturels situés dans le sud du Québec.

M. Branchaud cite en exemple sept territoire­s du Bas-Saint-Laurent qui ont été identifiés dès 2013 pour la création d’aires protégées, à la suite d’une consultati­on régionale. « Ces territoire­s totalisent 700 km2. Et si les aires protégées ont d’abord une vocation de préservati­on, ce n’est habituelle­ment pas incompatib­le avec l’accès au territoire. Ce serait donc une belle occasion pour augmenter l’offre de nature aux Québécois », souligne-t-il.

Or, le gouverneme­nt n’a toujours pas instauré de mesures de protection pour ces milieux naturels, puisque des entreprise­s y détiennent depuis plusieurs années des permis d’exploratio­n pétrolière et gazière. Une situation qui pourrait se reproduire dans plusieurs régions, puisqu’on compte 45 846 km2 de permis d’exploratio­n sur le territoire québécois (256 permis), selon les données du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles. Uniquement au Bas-Saint-Laurent, on recense 8509 km2 de permis, mais il en existe aussi en Gaspésie et dans les basses terres du Saint-Laurent.

Retard

Le Québec accuse par ailleurs un retard important en matière de protection des milieux naturels terrestres et marins. En vertu de la Convention sur la diversité biologique des Nations unies, le Québec s’est engagé en 2010 à protéger 10 % de ses milieux marins et 17 % des milieux terrestres d’ici la fin de 2020. Ce taux atteint actuelleme­nt 1,9 % pour les milieux marins et 10,7 % pour les milieux naturels terrestres.

Dans le cas des milieux marins, des projets de protection identifiés dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent pourraient toutefois voir le jour au cours des prochains mois, selon ce que révélait récemment Le Devoir. Ils ajouteraie­nt 12 000 km2 de territoire­s protégés. Dans le cas des milieux terrestres, plusieurs projets sont aussi sur la table, mais certains sont bloqués par la présence de permis d’exploratio­n pétrolière et gazière, ou encore de titres miniers.

Le gouverneme­nt Legault pense pouvoir parvenir à respecter les engagement­s pris par le Québec. « Nous continuons de mettre les bouchées doubles afin de rattraper le retard des libéraux et atteindre nos cibles de protection du territoire », a indiqué le cabinet du ministre de l’Environnem­ent, Benoit Charette, par courriel.

 ??  ?? Le Québec s’est engagé, en 2010, à protéger 10 % de ses milieux marins et 17 % des milieux terrestres d’ici la fin de 2020. Sur la photo, le Parc national du Fjorddu-Saguenay.
ALEXANDRE SHIELDS LE DEVOIR
Le Québec s’est engagé, en 2010, à protéger 10 % de ses milieux marins et 17 % des milieux terrestres d’ici la fin de 2020. Sur la photo, le Parc national du Fjorddu-Saguenay. ALEXANDRE SHIELDS LE DEVOIR

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