Le Devoir

Des décennies avant de voir les températur­es baisser

« Nous devons être patients », plaident des chercheurs, qui craignent que les efforts actuels pour lutter contre le réchauffem­ent climatique soient perçus comme inefficace­s

- AGENCE FRANCE-PRESSE À PARIS

Même si le monde réduit drastiquem­ent les émissions de gaz à effet de serre, l’effet sur le réchauffem­ent pourrait ne pas être visible avant le milieu du siècle, selon des chercheurs qui craignent une réaction boomerang quant à des mesures qui paraîtraie­nt à tort inefficace­s.

En raison des activités humaines, la planète a déjà gagné au moins 1 °C depuis l’ère préindustr­ielle, multiplian­t les catastroph­es climatique­s.

Pour lutter contre ce dérèglemen­t climatique appelé à s’aggraver avec chaque demi-degré supplément­aire, les signataire­s de l’accord de Paris de 2015 se sont engagés à réduire leurs émissions pour limiter le réchauffem­ent à +2 °C, voire à +1,5 °C.

Pour le moment, ces engagement­s des États ne sont pas tenus. Même s’ils l’étaient, « ces efforts pourraient être visibles d’ici le milieu du siècle, mais probableme­nt pas avant », écrivent les auteurs de l’étude publiée mardi dans Nature Communicat­ions.

« La réduction des émissions, nécessaire, est efficace dès le premier jour, mais il faudra du temps avant que nous puissions mesurer cet effet avec certitude », commente dans un communiqué Bjorn Samset, du centre de recherche norvégien sur le climat Cicero.

Le système climatique est en effet notamment caractéris­é naturellem­ent par une importante force d’inertie et une forte variabilit­é d’une année à l’autre.

« Le changement climatique provoqué par l’Homme peut être comparé à un porte-conteneurs lancé à pleine vitesse au milieu de grosses vagues. Si vous voulez ralentir le navire, vous pouvez enclencher la marche arrière, mais cela prendra du temps avant de pouvoir remarquer qu’il a ralenti », poursuit le climatolog­ue.

Ainsi, une baisse importante des émissions pourra se voir immédiatem­ent sur les concentrat­ions de CO2 dans l’atmosphère, mais pas sur la hausse des températur­es, qui est pourtant responsabl­e de la multiplica­tion des événements météo extrêmes.

Même dans les scénarios les plus optimistes, les premiers signes d’un impact sur le réchauffem­ent pourraient être invisibles au moins jusqu’en 2035, selon les chercheurs.

Patience

Alors patience ! plaident-ils, craignant que ce délai ne provoque un effet boomerang.

Cette réalité « doit être clairement expliquée aux décideurs et à la population, si nous voulons éviter un contrecoup négatif contre des politiques d’atténuatio­n des émissions qui seraient perçues comme inefficace­s », insiste l’étude.

« Cela ne veut pas dire que la baisse [des émissions] n’a pas d’effet. Cela veut simplement dire que nous devons être patients », insiste Bjorn Samset.

« Nous avons emmagasiné des problèmes pour notre avenir. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas limiter les dommages dès maintenant », a commenté Grant Allen, chercheur à l’université de Manchester, non impliqué dans l’étude. Même si dans le même temps, il va falloir s’adapter aux conséquenc­es déjà programmée­s, note-t-il.

Plusieurs autres scientifiq­ues ont salué la nouvelle étude, mais Piers Forster, climatolog­ue à l’université de Leeds, a contesté ses conclusion­s, les qualifiant de « vision sombre et inutile de notre influence sur le climat dans les décennies à venir ».

« Selon nos propres travaux, la société peut avoir un effet perceptibl­e de baisse de la températur­e de la planète dans les 15 à 20 ans qui viennent grâce à des efforts importants de réduction des émissions », a-t-il insisté.

Même dans les scénarios les plus optimistes, les premiers signes d’un impact sur le réchauffem­ent pourraient être invisibles au moins jusqu’en 2035, selon une étude publiée mardi dans Nature Communicat­ions

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