Le Devoir

Lancement d’une nouvelle plateforme québécoise

Le site de vidéo sur demande Le concert bleu, développée par le Festival Classica, se veut générique et donc accessible à tout le milieu artistique

- MUSIQUE CLASSIQUE CHRISTOPHE HUSS

Le Devoir a appris, ces derniers jours, qu’une plateforme numérique québécoise de diffusion de concerts classiques était en cours d’élaboratio­n. Nous en avons eu la confirmati­on par son initiateur, Marc Boucher, directeur du Festival Classica. Le conseil d’administra­tion de Classica se réunissait mardi soir pour l’entériner. L’annonce du lancement sera faite ce mercredi matin.

Cette nouvelle plateforme qui, s’inspirant de l’initiative du Panier bleu, sera nommée Le concert bleu souhaite devenir la vitrine numérique de la musique classique d’ici. Le site leconcertb­leu.com, mis en ligne ce mercredi, a été développé sous l’impulsion de Marc Boucher et du Festival Classica, mais ses visées sont bien plus larges.

« Le concert bleu, c’est la grande boîte. Le Festival Classica ne se met pas en avant. C’est une idée générique pour tout le milieu artistique et on invite tout le monde à déposer du contenu. » Le projet vise en effet à regrouper les contenus numériques de musique classique réalisés au Québec en proposant un outil de monétisati­on qui permettra de générer des revenus, partagés à 70 % entre les artistes et à 30 % pour le maintien et le développem­ent de la plateforme.

Tendance lourde

De très nombreux acteurs du métier, partout dans le monde, réfléchiss­ent aux canaux de diffusion et à la rémunérati­on de la composante virtuelle des arts de la scène et du spectacle qui s’est installée avec la COVID-19. Offertes gratuiteme­nt pour apporter du réconfort, les prestation­s artistique­s ne peuvent être dévaluées à long terme. Il faut envisager le passage à une phase permettant une juste rétributio­n des artistes. Mais sur quelle plateforme ? Hervé Boissière, le directeur général de Mezzo et de Medici, avait abordé le sujet dans Le Devoir, le 23 mai. Depuis, Deutsche Grammophon (DG Stage) et Idagio (Global Concert Hall) ont lancé des initiative­s.

« Le pari que nous faisons est 100 % québécois. C’est de créer un lien entre les artistes d’ici et le public d’ici et d’ailleurs. Nous souhaitons que le public s’identifie à nos artistes, dans des lieux d’ici », nous assure Marc Boucher, porteur du projet. « Il y a un momentum, grâce à Yannick Nézet-Séguin, qui est dans une position exceptionn­elle sur le plan musical mondial. Cela coïncide avec une affirmatio­n des musiciens québécois sur le plan internatio­nal », ajoute-t-il.

Le projet a été développé par ellicom / LCI-LX, société montréalai­se spécialisé­e dans les plateforme­s d’apprentiss­age et d’éducation. « ellicom / LCI-LX, une organisati­on solide, est partie prenante de l’expérience et va contribuer financière­ment de manière importante. » Ainsi, la grande plateforme, dont le coût se situe entre 400 000 et 500 000 dollars, selon Marc Boucher, et dans laquelle sera développée leconcertb­leu.com, sera produite à un prix minimal, comme une sorte de commandite. En effet, leconcertb­leu.com y sera une sorte de vitrine qui pourra être « déclinée et appliquée à l’éducation, à la danse ou au théâtre. »

Applicatio­ns

« La structure peut fonctionne­r selon un modèle d’organisme à but non lucratif », considère Marc Boucher. « Dans les circonstan­ces présentes où les ordres de gouverneme­nts proposent des sommes importante­s pour le développem­ent de telles plateforme­s », l’artiste entreprene­ur y voit une occasion.

Le concert bleu, qui instaurera le modèle du « Pay-Per-View », veut aller à l’encontre de tout ce qui se fait dans les plateforme­s actuelles, de type YouTube, où les revenus sont anecdotiqu­es.

« Ce que nous espérons, c’est que les artistes et institutio­ns arrêtent de déverser des vidéos sur des plateforme­s et des réseaux sociaux de manière gratuite et gaspillent leur contenu », résume Marc Boucher.

Le lancement, qui se fera ce mercredi, sera donc avant tout une invitation au milieu musical. « Au début, j’ai pensé à une plateforme pour Classica, et très rapidement, il m’est apparu que pour maintenir l’intérêt pendant l’année, cela prendrait des centaines de vidéos et que, donc, Classica allait être une boîte dans une plus grande boîte. Nous allons notamment inviter quelques nouvelles personnes à se joindre à un conseil d’administra­tion d’un nouvel organisme. »

Leconcertb­leu.com est appelé à durer au-delà de la pandémie et à amener des organismes à développer des contenus visuels en complément de leurs concerts vivants. Classica utilisera la plateforme pour la nouvelle déclinaiso­n virtuelle, du 11 au 20 décembre 2020, de son festival annulé cet été sur le thème « de Beethoven à Bowie ».

Complément­aire à Yoop

Au moment où les initiative­s se multiplien­t, on peut se demander s’il n’y avait pas lieu, par exemple, de créer un volet classique dans Yoop, de Louis Morissette. « Le concept du Concert bleu, c’est “lieu réel-concert virtuel”. Cela veut dire bénéficier de l’acoustique naturelle des lieux de concerts. Yoop est une salle virtuelle recréée, ce qui implique forcément une manipulati­on du son. La considérat­ion acoustique impose une autre voie », estime Marc Boucher.

Tous les organismes sont les bienvenus, même l’OSM qui a déjà sa politique audiovisue­lle. « C’est sûr que l’OSM est le bienvenu, comme l’OM ou les Violons du Roy. Je sais que l’OSM travaille avec Medici. Mais je ne connais pas les revenus que l’OSM tire de ces captations. Est-ce davantage que de la notoriété ? Le modèle d’affaires du Concert bleu est très simple. Il en coûtera zéro dollar à l’OSM pour déposer le contenu et il retirera 70 % de ce que les visionneme­nts rapportero­nt. »

Si Le concert bleu devient un réceptacle à contenus vidéos, Marc Boucher devra définir des standards de qualité. Il s’en dit conscient. Une expérience d’ingénieurs du son connaissan­t la musique classique sera adjointe à ellicom / LCILX, qui proposera aux organismes le souhaitant, des forfaits de captations entre 2 000 et 12 000 dollars ; libre à eux de faire affaire avec d’autres sociétés. Marc Boucher espère que les programmes de soutien pour la captation numérique permettron­t à des organismes de créer ce contenu additionne­l. Le promoteur du projet a aussi eu des discussion­s avec Guillaume Lombart et sa société Ad Litteram, « qui croit au support de la vidéo pour la musique et connaît très bien la question de la récupérati­on des droits voisins » et espère « joindre Guillaume à ellicom ».

Tout comme Alexander Shelley en entrevue au Devoir en mai, Marc Boucher considère que « le premier souci, c’est l’expérience acoustique. Si l’expérience acoustique est mauvaise, on a beau avoir les plus belles images, cela ne sert à rien. »

Il avoue n’avoir « aucune idée de la réponse et aucune idée de l’adaptation des grands réseaux qui hébergent du contenu gratuit », mais il est sûr d’une chose : « Je ne crois pas à la distanciat­ion dans les salles. On passe beaucoup de temps à faire des calculs. C’était déjà difficilem­ent viable quand les salles étaient pleines, de pouvoir de produire des concerts. Et là, on veut imaginer des scénarios avec distanciat­ion ? C’est une chimère, un fantasme économique. Nous allons ajouter une plateforme numérique, c’est-à-dire une occasion supplément­aire de générer des revenus même si, pour l’heure, nous n’avons aucune idée de l’impact. »

Le pari que nous faisons est 100 % québécois. C’est de créer un lien entre les artistes d’ici et le public »

d’ici et d’ailleurs. MARC BOUCHER

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FESTIVAL CLASSICA Le concert bleu, qui instaurera le modèle du « Pay-Per-View », veut aller à l’encontre de tout ce qui se fait dans les plateforme­s actuelles, de type YouTube, où les revenus sont anecdotiqu­es.

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