Le Devoir

Le non-succès du Grand Marché de Québec

- Christine Morency

Voilà un peu plus d’un an que nous avons perdu le marché du Vieux-Port à Québec au profit du Grand Marché, un grand espace ressemblan­t à un grand hall alimentair­e installé sur le site du centre Vidéotron. Nous étions plusieurs à l’époque à douter de la réussite du nouveau marché, pour plusieurs raisons. Mais nous, citoyens lambda, n’avons jamais raison et ne sommes jamais écoutés lors des grandes décisions… Pourtant, c’est nous qui vivons la ville, qui la sentons, qui la façonnons en y participan­t à plein !

Et voici donc la surprise : la direction du Grand Marché requiert l’aide financière de la Ville de Québec… Cette dernière lui versera donc 300 000 $ pour tenter de redresser sa situation ! […]

Après un an et de nombreux passages dans ce lieu qu’est le Grand Marché, il m’a été facile de comprendre le non-succès de l’endroit. Je constate aussi à peu près les mêmes commentair­es un peu partout sur les réseaux sociaux.

Voici les raisons qui entravent sa réussite.

1. Il est de froid, ce chaos sans âme, naturel il manque que nous retrouvion­s au marché du Vieux-Port et qu’il y a aussi dans tous les marchés typiques de beaucoup de grandes villes du monde. (Je voyage beaucoup !) Il a été conçu pour que tout soit épuré, parfait, pareil, avec un aspect de grandeur qui fait vide. Il a plus l’aspect d’un hall alimentair­e que d’un marché typique. Les gens ne retrouvent pas l’odeur, la vie d’un marché local.

2. L’emplacemen­t est mauvais. Il faut, pour qu’un marché fonctionne, que le bassin de gens vivant tout près en fasse son service de proximité numéro un, car il faut une clientèle de base qui s’y rende régulièrem­ent, non pas deux fois par été mais deux ou trois fois par semaine. C’est ce que nous faisions, moi et plusieurs autres résidents, en nous rendant régulièrem­ent au marché du Vieux-Port. C’était notre seul service de proximité ! C’est ce qui manque là-bas. Les gens des quartiers immédiats ont peut-être déjà leurs habitudes alimentair­es ou préfèrent les grandes surfaces, où tout est moins cher… Car, on va se le dire, un marché, c’est normal que ce soit plus cher. Il est impossible d’y payer 3,50 $ un pot de confiture, prix de l’offre commercial­e des supermarch­és ! Un marché, c’est une dame de l’île d’Orléans, par exemple, qui fait ses confitures à la main dans sa cuisine. Nous ne parlons pas du tout de la même sorte de production… Son pot coûte 7 $, et c’est parfait ainsi. 3.

En ce qui concerne l’emplacemen­t, encore ! C’est un mauvais choix, car il n’y a rien d’autre autour. Dans le VieuxQuébe­c, les gens venaient pour l’expérience, pour marcher autour, pour aller sur les quais, acheter des salades et utiliser le parc avec les tables de pique-nique. Ils allaient fouiner dans les boutiques autour et dans le quartier Petit Champlain et, oui, en profitaien­t pour aller au marché. Autour du Grand Marché, c’est désert. Nous ne nous y rendons que pour ça. Ce n’est donc pas une sortie maximisée, mais plutôt une simple course, une commission. 4.

Touristes manquants ! Les autorités rendent la COVID19 responsabl­e. Pourtant, les autobus censés amener les touristes du Vieux-Québec au Grand Marché étaient vides l’an passé. […] Mettez-vous à la place des touristes, qui n’ont pas besoin du service d’un marché, mais pour qui ce peut être une expérience à ajouter à leur voyage, si celui-ci est accessible… Par contre, de là à prendre une demi-journée pour attendre un bus qui va les mener voir des halls alimentair­es… Très peu vont le faire. COVID ou pas, je parie que ce sera pareil l’été prochain…

Bref, on n’a pas assez réfléchi à l’installati­on de ce marché. Et c’est sans compter la dévitalisa­tion du Vieux-Québec, car nous, les résidents, nous nous retrouvons avec rien. Un service de proximité accessible facilement nous a été enlevé. Avec ce qu’a coûté le neuf, l’équipe du maire Labeaume aurait très bien pu décontamin­er celui déjà en place. […]

L’équipe Labeaume avait promis aux résidents du Vieux-Québec un « marché satellite », reconnaiss­ant que nous avons perdu notre service de proximité numéro un. Nous attendons toujours. Récemment, nous avons appris qu’une partie des terrains servira à des jardins communauta­ires. Belle initiative, mais ça ne nous redonnera pas un marché.

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