Le processus d’Oslo, une façade pour préparer l’annexion
De nombreux analystes et diplomates se sont élevés contre le plan israélien d’annexion d’une grande partie de la Cisjordanie et ont demandé à Israël d’abandonner ce plan et de revenir au processus dit « de paix » amorcé à Oslo.
Or, le processus de négociation entamé à Oslo en 1993 n’a été qu’une façade. Tout en négociant pour gagner du temps, Israël créait des faits accomplis sur le terrain, en préparation de l’annexion d’une grande partie de la Cisjordanie.
Le processus diplomatique d’Oslo avait été accueilli avec enthousiasme par la communauté internationale ainsi que par une partie du leadership palestinien. Même limitée et asymétrique, tout le monde espérait que cette reconnaissance ouvrirait une nouvelle ère de paix. À Montréal, à New York et ailleurs, une pièce de théâtre avait même été montée pour faire l’éloge du processus d’Oslo et pour souligner le courage moral de ses artisans.
Mais le processus diplomatique d’Oslo s’est avéré être un leurre, une fraude politique et morale. Ceux qui l’ont célébré ont contribué à légitimer cette fraude, tout en croyant qu’ils appuyaient un effort de paix louable. Voici pourquoi.
Tout d’abord, la reconnaissance entre Israël et les Palestiniens n’était pas mutuelle dans les accords d’Oslo. Ces accords stipulent clairement que les Palestiniens reconnaissent Israël en tant qu’État juif, mais le terme « État palestinien » est absent dans le texte des accords ainsi que dans les lettres et autres documents préparatoires. Il n’était pas dit non plus que la colonisation devait cesser ou que les colonies devaient être démantelées. Les Palestiniens reconnaissaient donc la légitimité d’Israël (et donc leur propre dépossession) comme prémisse aux accords d’Oslo, mais la reconnaissance de la légitimité d’un État palestinien éventuel par Israël ne devait venir qu’au bout du processus, après que les Palestiniens auraient accepté toutes les autres conditions qui leur étaient imposées. Le flou sur ces questions était justifié par l’idée qu’il fallait rétablir la confiance mutuelle avant d’aborder les questions de fond.
Un leurre
De fait, dès le début des négociations, Israël relançait la construction de logements réservés exclusivement à des colons juifs dans les territoires occupés et entreprenait la construction d’un vaste réseau de voies rapides reliant les colonies de Cisjordanie au territoire israélien en contournant les agglomérations palestiniennes. En même temps, certains quartiers arabes de Jérusalem-Est (la partie arabe de Jérusalem, conquise militairement en 1967) étaient détruits et un programme agressif de « judaïsation » de Jérusalem était lancé. Tout ceci a été amplement documenté par l’organisme israélien B’Tselem et par d’autres.
Les résultats de cette politique ont rapidement été visibles : entre 1993 et 2000, sous l’égide de ce supposé « processus de paix », le nombre de colons en Cisjordanie avait déjà été doublé, passant de 250 000 à près de 500 000. À la fin de l’année 2017, le nombre de colons est de l’ordre de 620 000. Ils sont répartis dans 131 colonies officielles, 110 colonies non officielles (outposts) qui reçoivent tout de même un appui du gouvernement israélien, ainsi que dans la partie occupée de Jérusalem.
Autre signe de l’annexion à venir : le tracé du « mur » ou « barrière de sécurité ». Ce mur ne suit pas la « ligne verte » qui sépare Israël de la Cisjordanie, mais pénètre dans le territoire palestinien, empêchant agriculteurs et commerçants de fonctionner normalement sur leurs propriétés, dont une partie se trouve désormais à l’ouest du mur.
Le mécanisme qui a permis cela, c’est la division de la Cisjordanie en trois zones, A, B et C, en vertu des accords de 1995 (Oslo II). Les zones A et B n’incluent que des Palestiniens. Dans la zone A, ils ont l’équivalent de pouvoirs municipaux, dont celui de policer les habitants et de les surveiller en collaboration avec la puissance occupante. Dans la zone B, ce pouvoir est partagé avec la puissance occupante, Israël. Dans la zone C, territoire palestinien occupé représentant près de 62 % de la Cisjordanie, c’est Israël qui a le contrôle total et c’est là que se déroule l’activité intense de colonisation.
Les 460 points de contrôle (environ) et les voies de contournement établies en vertu des accords d’Oslo avaient divisé le minuscule territoire de la Cisjordanie en 64 morceaux séparés par les contrôles israéliens. Cela rendait le passage des Palestiniens d’une section à l’autre pénible, humiliant et très lent. Une des conséquences de cet état de fait a été de mettre fin au rôle de Jérusalem comme centre de l’économie palestinienne. De telle sorte que, sous le régime des accords dits « de paix », la situation économique et politique des Palestiniens était bien pire que ce qu’elle était avant la paix. […]
Ce n’est certainement pas à Oslo qu’il faut revenir. C’est plutôt à une politique de sanctions sévères pour forcer Israël à se conformer au droit international. Mais ce n’est pas cela qui se dessine. À un moment historique de remise en question des effets de la colonisation et de l’esclavage, le gouvernement canadien et la plupart des puissances de l’OTAN continuent à appuyer une politique coloniale d’apartheid héritée du XIXe siècle.