Le Devoir

Un audit interne pointe des décisions « problémati­ques » de Facebook

Le réseau social s’engage à embaucher un spécialist­e des droits civiques

- GLENN CHAPMAN JULIETTE MICHEL RESPECTIVE­MENT À SAN FRANCISCO ET À NEW YORK AGENCE FRANCE-PRESSE

Facebook a pris des décisions « problémati­ques » et « déchirante­s » en matière de droits civiques, en particulie­r concernant des messages du président américain, conclut mercredi un audit indépendan­t mené à la demande du premier réseau social du monde.

Lorsque le locataire de la MaisonBlan­che a posté en mai des publicatio­ns pouvant décourager le vote ou incitant à la violence contre des citoyens manifestan­t contre le racisme, le réseau les a laissés tels quels, assurant qu’ils n’enfreignai­ent pas ses règles. Mais ils « transgress­aient clairement » les conditions d’utilisatio­n de Facebook, assurent les autrices du rapport qui affirment avoir « vigoureuse­ment » fait part au groupe de leurs objections.

Prises au plus haut niveau, ces décisions « ont révélé une déficience majeure dans la compréhens­ion et l’applicatio­n des droits civiques par Facebook » . Le groupe « n’a pas cherché à recueillir l’expertise de spécialist­es des droits civiques et à l’appliquer comme elle aurait dû l’être », déplorent-elles.

Twitter, au contraire, avait choisi de signaler ces tweets présidenti­els et de mettre en garde ses abonnés qu’ils violaient ses règles.

Efforts insuffisan­ts

Facebook a bien pris « des mesures positives et importante­s » contre l’intoléranc­e ou la falsificat­ion des résultats des élections, concède le document commandé par Facebook il y a deux ans. Mais les efforts sont jugés insuffisan­ts. « À ce stade de l’histoire, les auditeurs craignent que ces gains ne soient masqués par les décisions problémati­ques et déchirante­s que Facebook a prises, ce qui représente des revers importants pour les droits civiques » , note le document.

Facebook gère les problémati­ques autour des droits civiques encore trop souvent « en réaction » à un événement et « au coup par coup ». « De nombreux membres de la communauté des droits civiques sont découragés, frustrés et en colère après des années à implorer l’entreprise de faire davantage pour faire progresser l’égalité et lutter contre la discrimina­tion, tout en préservant la liberté d’expression », ajoute le rapport.

Plusieurs organisati­ons de défense des droits civiques, sur fond de manifestat­ions contre le racisme et les violences policières dans le pays, font actuelleme­nt pression pour que Facebook lutte plus activement contre les contenus problémati­ques et la désinforma­tion. Mais des associatio­ns à l’origine d’un boycottage publicitai­re contre le réseau social Facebook se sont dites « déçues » mardi à la sortie d’une réunion avec Mark Zuckerberg, le fondateur et PDG du groupe, et sa numéro deux Sheryl Sandberg.

Un début

Le rapport publié mercredi recommande entre autres au groupe de mettre en place des structures spécifique­ment consacrées aux droits civiques plus solides avec des experts sur des sujets clés comme les élections ou les propos haineux, le tout sous la houlette d’un « vice-président en charge des droits civiques » au sein de l’entreprise. Le document appelle aussi Facebook à avoir une interpréta­tion plus stricte de ses règles destinées à interdire les messages pouvant altérer les résultats des élections, comme celui du président américain remettant en cause l’intégrité du vote par correspond­ance.

Facebook n’a pas consacré suffisamme­nt de ressources ou réagi assez rapidement à tous les défis posés par la problémati­que des droits civiques sur ses plateforme­s, estime le rapport dirigée par une ancienne membre de la puissante associatio­n de défense des droits civiques ACLU, Laura Murphy, et une équipe de juristes du cabinet Relman Colfax supervisés par Megan Cacace. Il avait été initié sous la pression d’organisati­ons de défense des droits civiques et de parlementa­ires pour s’assurer que « les lois et principes sur les droits civiques sont respectés, reconnus et solidement intégrés dans le travail de Facebook » .

Le groupe a, dans un billet de blogue, reconnu que le rapport mettait en avant des progrès et des lacunes et a reconnu qu’il devait faire plus. « Ce travail sur deux ans a eu une incidence profonde sur la façon dont nous envisageon­s notre impact sur le monde » , y écrit la numéro deux du groupe, Sheryl Sandberg. « Nous avons fait des progrès réels au fil des ans, mais ce travail n’est jamais fini et nous savons que Facebook doit améliorer la façon dont le réseau repère et élimine les contenus haineux. »

Le groupe va mettre en oeuvre certaines des recommanda­tions du rapport et s’est particuliè­rement engagé à embaucher un spécialist­e des droits civiques « qui continuera à nous pousser sur ces problémati­ques en interne ».

Nous savons que Facebook doit améliorer la façon dont le réseau repère et élimine les contenus haineux

SHERYL SANDBERG

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