Le Devoir

Trump devra ouvrir ses livres comptables

- CHARLOTTE PLANTIVE À WASHINGTON AGENCE FRANCE-PRESSE

La Cour suprême des États-Unis a infligé jeudi un revers à Donald Trump, en jugeant qu’un procureur new-yorkais était en droit de réclamer les archives comptables du président américain, y compris ses déclaratio­ns de revenus, mais a bloqué, pour l’instant, leur transfert au Congrès. Ces deux décisions, prises chacune à une majorité de sept juges sur neuf, battent en brèche la large conception qu’a M. Trump de son immunité présidenti­elle, mais ne devraient pas permettre aux citoyens américains d’en savoir plus sur ses finances avant la présidenti­elle du 3 novembre.

« La Cour suprême renvoie le dossier à un tribunal inférieur, les débats se poursuiven­t. Ce ne sont que des poursuites politiques », a immédiatem­ent tweeté le milliardai­re républicai­n, qui se dit à nouveau victime d’une «chasse aux sorcières politique».

Dans une première décision, la Cour suprême a contredit Donald Trump qui, au nom de son statut présidenti­el, refuse de transmettr­e toute une série de documents financiers à la justice de l’État de New York. « Aucun citoyen, pas même le président, ne peut éviter d’avoir à produire des documents en cas d’enquête pénale », a écrit le chef de la Cour, John Roberts, au nom de la majorité. « Le président ne jouit pas d’une immunité absolue », a-t-il ajouté.

Le procureur de Manhattan, Cyrus Vance, qui enquête sur une possible violation des lois sur le financemen­t des campagnes électorale­s lors de la présidenti­elle de 2016, peut donc lui réclamer des éléments de preuves, a jugé la Cour. « C’est une énorme victoire pour notre système judiciaire et son principe fondateur selon lequel personne — pas même le président — n’est au-dessus des lois », a réagi le procureur, un démocrate.

Mais les investigat­ions sont menées par un grand jury, un collectif de citoyens tirés au sort qui opère dans le plus grand secret et, en théorie, aucun élément du dossier ne devrait être rendu public. De plus, la Cour a estimé que le président pouvait soulever d’autres objections devant les tribunaux, et ses avocats se sont engouffrés dans la brèche. « Nous allons désormais soumettre de nouveaux arguments judiciaire­s et constituti­onnels », a déclaré Jay Sekulow en se disant « satisfait » des arrêts de la Cour.

Protéger la séparation des pouvoirs

Dans une seconde décision, le temple du droit a estimé que les tribunaux avaient eu tort de valider des requêtes comparable­s émises par le Congrès qui, selon la Haute Cour, posent problème pour la séparation des pouvoirs. Elle a donc demandé aux juges de revoir leur copie en prenant en compte toute une série de critères pour évaluer si les injonction­s parlementa­ires étaient justifiées.

Pour la cheffe des démocrates à la Chambre des représenta­nts, Nancy Pelosi, cette décision « n’est pas une bonne nouvelle » pour le président. « Même si elle demande plus d’informatio­ns au Congrès, la Cour a réaffirmé l’autorité du Congrès à mener des missions de supervisio­n [de l’exécutif] au nom du peuple américain », a-t-elle estimé, en promettant que les élus démocrates continuera­ient à « chercher la vérité, notamment sur les liens entre le président et la Russie ».

Aucun citoyen, pas même le président, ne peut éviter d’avoir à produire des documents en cas d’enquête pénale. Le président ne jouit pas d’une »

immunité absolue.

JOHN ROBERTS

Contrairem­ent à tous ses prédécesse­urs depuis les années 1970, Donald Trump, qui a fait de sa fortune un argument de campagne, refuse de publier ses déclaratio­ns de revenus. Son manque de transparen­ce alimente les spéculatio­ns sur l’étendue de sa richesse ou sur de potentiels conflits d’intérêts.

Pour tenter d’en savoir plus, trois commission­s de la Chambre des représenta­nts, aux mains des démocrates, avaient demandé en 2019 au cabinet comptable Mazars, mais aussi aux banques Deutsche Bank et Capital One, toute une série de documents financiers portant sur les affaires de Donald Trump entre 2010 et 2018, mais aussi sur celles de ses proches.

En parallèle, le procureur de Manhattan avait demandé au cabinet comptable Mazars de lui fournir les archives financière­s de Donald Trump sur la même période pour faire la lumière sur un versement effectué pendant la campagne de 2016 à l’actrice pornograph­ique Stormy Daniels. Ce paiement pourrait avoir servi à acheter le silence de la jeune femme sur une liaison supposée avec le milliardai­re, en violation des lois de financemen­t des campagnes électorale­s en vigueur dans l’État.

Lors de la procédure, les avocats du président avaient estimé qu’il ne pouvait faire l’objet de poursuites pendant sa présidence, allant jusqu’à dire qu’il pourrait abattre quelqu’un en pleine rue sans être inquiété dans l’immédiat. Même si cette théorie est désormais balayée, l’histoire n’est pas terminée. Pour le professeur de droit Randall Eliason, « il va désormais y avoir de nouvelles batailles judiciaire­s et il est peu probable qu’on voie les documents financiers de Trump avant l’élection — ou même jamais ».

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JIM WATSON AGENCE FRANCE-PRESSE La Cour suprême bat ainsi en brèche la large conception qu’a M. Trump de son immunité présidenti­elle, mais ce revers infligé au locataire de la MaisonBlan­che ne devrait pas permettre aux citoyens américains d’en savoir plus sur ses finances avant la présidenti­elle du 3 novembre.

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