Le Devoir

Un tableau sombre du climat de travail au Musée des beaux-arts

Des employés reprochent à la directrice Nathalie Bondil son style de gestion autoritair­e

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

C’est le climat de travail jugé « toxique » au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) qui fragilise le mandat de Nathalie Bondil, directrice générale et conservatr­ice en chef de l’institutio­n, selon les informatio­ns colligées par Le Devoir. Un audit a été déclenché pour étudier le problème, et ses conclusion­s ont poussé le conseil d’administra­tion à revoir la gouvernanc­e du musée.

Le C.A. s’est réuni jeudi soir pour discuter de la situation. Le président du conseil, Michel de la Chenelière, a indiqué au Devoir vouloir garder confidenti­elles ces discussion­s, jusqu’à nouvel ordre. « Je ne peux rien dire. » Il avait la veille refusé de confirmer que Mme Bondil serait encore en poste au terme de la réunion.

Jointe en soirée, Nathalie Bondil a indiqué par messages textes que « l’audit nous a permis de repérer les faiblesses et les améliorati­ons à faire dans certains services : le travail est en cours malgré la pandémie. » Interrogée sur la question de savoir si elle avait toujours la confiance du conseil d’administra­tion, Nathalie Bondil a indiqué : « Je ne peux pas répondre à leur place. »

Plusieurs témoignage­s et éléments d’informatio­ns indiquent que c’est bien un problème de relations de travail qui a récemment incité le C.A. à revoir la structure de direction du musée.

Des sources sûres indiquent que le climat de travail a mené au dépôt de griefs, dont Le Devoir n’a pu confirmer le nombre, et qu’une plainte pour harcèlemen­t a

Un audit indépendan­t a été effectué au cours des derniers mois pour documenter l’état de situation

aussi été déposée. Le MBAM a confirmé au Devoir qu’un audit indépendan­t a été réalisé dans les derniers mois pour documenter la situation. Selon nos informatio­ns, c’est le dépôt de la plainte qui a motivé l’audit.

Les conclusion­s de ce dernier — que Le Devoir n’a pas pu consulter — ont forcé une réorganisa­tion de la direction du musée. Une lettre du comité de direction obtenue mercredi par Le Devoir révélait que la création d’un poste de directrice de la conservati­on — obtenue par Mary-Dailey Desmarais — résultait directemen­t de ce « diagnostic du climat de travail ».

La création de ce poste visait notamment à diminuer les tâches — ou scinder les pouvoirs — de Nathalie Bondil pour lui permettre de « se concentrer sur le caractère stratégiqu­e de ses responsabi­lités, la vision et le contenu artistique du MBAM ».

Questionné­e jeudi sur la question de savoir si l’audit blâmait sa gestion, Mme Bondil a répondu « qu’il considérai­t que j’avais trop de tâches, trop de charge de travail ».

« Le musée a beaucoup grandi, rapidement, avec plusieurs expansions, a-t-elle expliqué. Il nous a fallu adapter sa structure avec les ressources humaines, et nous avons pris des mesures pour soutenir les équipes », affirme-t-elle. Le service des ressources humaines a été renforcé, selon elle.

Roy « estomaquée »

« Le MBAM, “c’est” Nathalie Bondil ! », s’est exclamée jeudi la ministre de la Culture, Nathalie Roy, qui s’est dite « estomaquée » d’apprendre que son poste pourrait être en jeu.

« Nathalie Bondil est une sommité mondiale dans le monde muséal — et une femme d.g. qui plus est — qui fait un travail remarquabl­e au MBAM, a affirmé la ministre Roy dans une déclaratio­n écrite. Je ne comprends pas pourquoi le conseil d’administra­tion voudrait se priver de ses services alors que les grands musées de ce monde se l’arrachent. »

Or, quatre anciens employés — qui ont tous demandé l’anonymat par crainte de représaill­es profession­nelles, le milieu muséal étant petit — ont décrit au Devoir un style de gestion qualifié d’autoritair­e et de « toxique », tant de la part de Mme Bondil que d’une de ses principale­s adjointes.

« La ministre dit que Mme Bondil “est” le musée… mais c’est parce qu’elle ne permet à personne d’autre d’exister », affirme une ancienne employée. « Ce n’est pas une mauvaise personne, mais il n’y a que sa vision, ses manières de faire [qui comptent] », dit une autre ex-employée. « C’est comme une reine, qui décide tout. » Un ancien employé ajoute qu’« aucune — mais vraiment aucune — décision n’est possible sans son approbatio­n. »

Le syndicat des employés du musée, affilié à la CSN, n’a pas voulu répondre à nos questions jeudi. « Il s’agit d’affaires internes », a indiqué sa présidente, Marie-Claude Saïa, en parlant des relations de travail du MBAM.

Nathalie Bondil dirige le MBAM depuis 2007. Elle est aussi vice-présidente du conseil d’administra­tion du Conseil des arts du Canada. Son mandat à Montréal court jusqu’en 2021.

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR Nathalie Bondil est directrice générale du Musée des beaux-arts de Montréal.

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