Le Devoir

La prime au travail a pris fin

La PIRTE devait contrecarr­er les effets négatifs de la PCU

- MARIE VASTEL CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA

François Legault s’était montré déçu qu’Ottawa prolonge sa Prestation canadienne d’urgence, déplorant que cela étire encore plus longtemps un « désincitat­if » au retour au travail des bas salariés. Mais Québec n’a pas prolongé son propre programme de primes salariales pour rivaliser avec la PCU, a constaté Le Devoir.

Justin Trudeau a confirmé le mois dernier que sa prestation d’urgence offerte aux travailleu­rs sans emploi en raison de la pandémie serait prolongée de huit semaines. Les prestatair­es qui s’en sont prévalus dès le début du programme, à la mi-mars, pourront donc continuer de toucher 2000 $ par mois jusqu’à la fin août.

Or, le Programme québécois incitatif pour la rétention des travailleu­rs essentiels (PIRTE) offert à ces derniers pour rivaliser avec la PCU — et ainsi les convaincre de retourner sur le marché du travail ou d’y rester — a pris fin le 4 juillet.

Le cabinet du ministre québécois des Finances, Eric Girard, a indiqué au Devoir que le gouverneme­nt n’a pas encore déterminé si le PIRTE sera prolongé à son tour. « Nous attendons de voir ce que le gouverneme­nt fédéral fera avec la PCU avant de nous positionne­r », a répondu l’attachée de presse du ministre, Fanny Beaudry-Campeau.

Pourtant, mi-juin, lorsque le fédéral a confirmé qu’il verserait sa PCU plus longtemps, le premier ministre François Legault avait dit songer à reconduire à son tour ses propres incitatifs à l’emploi afin de réduire l’attrait de la prestation fédérale pour les petits salariés essentiels. « Il ne faut pas que cette prestation-là soit le contraire d’un incitatif pour aller travailler », avait-il déploré le 16 juin au sujet de la PCU.

Le bureau de son ministre Girard n’a pas su préciser jeudi à quelle date il compte trancher l’avenir du PIRTE.

Ottawa a révélé, dans sa mise à jour économique mercredi, avoir versé jusqu’à trois milliards de dollars aux provinces afin de les aider à accorder des primes salariales à leurs travailleu­rs essentiels. Le Québec recevra 661 millions, selon le ministère des Finances québécois.

Ce programme verse aux travailleu­rs essentiels à bas salaire une prime de 100 $ par semaine, sur un maximum de 16 semaines pouvant être calculées de façon rétroactiv­e à compter du 15 mars. Mais bien que les demandes pour s’en prévaloir soient ouvertes jusqu’au mois de novembre,

la période de prestation­s est fixe : la prime ne peut être versée que pour bonifier des semaines travaillée­s du 15 mars au 4 juillet.

C’est donc dire que la PCU est de nouveau plus avantageus­e qu’un retour au travail pour ces travailleu­rs à moindre salaire qui auraient perdu leur emploi ou leurs heures de travail en raison de la COVID-19. Et ce, jusqu’à sa propre échéance du 29 août.

Après la PCU

Le gouverneme­nt québécois plaide qu’il attend de voir les détails de la prolongati­on de la PCU, mais le fédéral a déjà indiqué que le programme a été étendu de façon quasi identique. Ce qu’il reste à préciser, c’est l’avenir de la PCU au-delà de la fin août.

Ottawa semble se préparer à clore ce programme afin d’encourager les travailleu­rs à se rabattre cet automne sur la subvention salariale, qui finance jusqu’à 75 % des salaires des employés d’une entreprise et qui sera bientôt élargie. Le programme d’assurancee­mploi prendra quant à lui le relais pour ceux qui ne parviendro­nt toujours pas à trouver un emploi malgré la lente reprise économique.

François Legault et quelques autres premiers ministres provinciau­x ont maintes fois critiqué la PCU fédérale, car ils craignaien­t qu’elle ait un effet pervers en dissuadant certains citoyens de travailler alors qu’ils pourraient toucher une somme quasi équivalent­e en restant à la maison. Le gouverneme­nt québécois avait donc créé le PIRTE pour compenser.

Ce programme offre une prime imposable de 100 $ par semaine aux travailleu­rs essentiels qui gagnent 550 $ ou moins par semaine. Ce qui leur permet de faire passer un salaire qui aurait été tout au plus de 2200 $ par mois, à un salaire de 2600 $ par mois — comparativ­ement à la PCU de 2000 $ par mois.

En date du dimanche 5 juillet, 124 928 Québécois avaient demandé à se prévaloir du PIRTE. Plus de 95 % de ces demandes ont été acceptées, a rapporté Revenu Québec.

Le programme québécois s’est avéré peu populaire, depuis son lancement à la fin mai. Le Devoir révélait, il y a un mois, que seules 110 144 personnes avaient demandé à y avoir accès. Ce chiffre a peu augmenté depuis.

Nous attendons de voir ce que le gouverneme­nt fédéral fera avec la PCU avant de nous positionne­r

ERIC GIRARD

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RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR Le Programme québécois incitatif pour la rétention des travailleu­rs essentiels (PIRTE) offrait une prime imposable de 100 $ par semaine aux travailleu­rs essentiels qui gagnent 550 $ ou moins par semaine.

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