Fini l’alcool après minuit dans les bars
Québec écarte l’idée de confiner à nouveau ces établissements, mais serre la vis aux tenanciers
Après avoir envisagé plusieurs scénarios, Québec écarte la solution ultime de confiner à nouveau les bars, accordant aux propriétaires et aux fêtards une deuxième chance. Mais pour éviter de nouveaux débordements, il exige des tenanciers que la vente d’alcool cesse à minuit et de s’en tenir à la moitié de leur capacité d’accueil dès vendredi.
Les clients auront jusqu’à 1 h du matin pour quitter les lieux. Et pendant la soirée, ils doivent siroter leur verre assis : pas question de danser, a fait savoir jeudi le nouveau ministre de la Santé, Christian Dubé.
« Je sais que ça ne fait pas l’affaire des propriétaires », a-t-il reconnu du même souffle, relatant ses « discussions serrées » avec les associations de bars la veille. « L’alternative aurait été de fermer tous les bars, mais je pense qu’on a trouvé avec ces mesures un compromis, difficile, mais acceptable », a relevé celui qui préfère jouer de « prudence ».
Après avoir envisagé l’idée, Québec n’obligera pas les établissements à créer un registre de leurs visiteurs. Cela dit, il le recommande fortement, invitant du même coup les clients à laisser leur nom et leur numéro de téléphone pour être joignable en cas d’éclosion. Ces informations vont permettre aux autorités de santé publique de conduire leurs enquêtes « beaucoup plus rapidement », a fait valoir M. Dubé.
Le gouvernement entend par ailleurs accroître la présence policière à compter de vendredi dans les endroits achalandés, concédant que les « écarts de conduite » sont « souvent » venus de clients. Des inspecteurs de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) veilleront aussi au respect des consignes sanitaires.
La « solution facile » aurait été de confiner à nouveau le secteur, a reconnu le ministre Dubé, mais il veut d’abord se « fier à l’intelligence des gens ». La fin de semaine qui arrive revêt donc les allures d’un test à ses
L’alternative aurait été de fermer tous les bars, mais je pense qu’on a trouvé avec ces mesures un compromis, difficile, »
mais acceptable CHRISTIAN DUBÉ
yeux : à terme, les mesures pourraient tout aussi bien être allégées que renforcées. « J’ai très hâte de voir comment ça va se passer », a-t-il dit.
Le week-end dernier a été marqué par diverses transgressions dans plusieurs établissements. Des pistes de danse bondées, distanciation sociale non respectée : le party a levé ici et là. Un restaurant-bar de Brossard, le Mile Public House, s’est transformé en foyer de propagation le 30 juin.
Les bars sont des endroits « propices à la contagion », a reconnu le ministre Dubé, citant en exemple le cas des États-Unis. Devant la presse, il n’a pas caché son inquiétude à l’idée d’une nouvelle flambée de contamination. Le Québec a enregistré 137 nouveaux cas d’infection jeudi, un chiffre qui a doublé par rapport à ceux des derniers jours.
Des experts inquiets
La recrudescence des cas inquiète également l’épidémiologiste Nimâ Machouf. « Le jour où le Québec s’est confiné, il y avait 13 cas. Présentement, il y a environ la moitié des 56 000 personnes contaminées qui sont toujours malades. C’est sur ce bruit de fond énorme qu’on est en train de déconfiner », déplore-t-elle.
La médecin est d’ailleurs catégorique quant à l’ouverture « précipitée » des bars : « C’était une erreur », lâche-t-elle au bout du fil. « Ce sont des milieux fermés où la musique est forte, où l’on doit parler fort et se rapprocher pour s’entendre », ce qui augmente le risque de propager des gouttelettes, dit-elle. « Si une personne infectée s’y rend, tous les ingrédients sont réunis pour que le feu prenne. »
Si elle salue l’idée du registre, Mme Machouf juge que le gouvernement n’a pas suffisamment fait ses devoirs pour repenser ces lieux, contrairement à son système de « bulles » pour les écoles et les camps de jour. Selon elle, les bars devraient seulement miser sur leur terrasse pour limiter les risques de propagation.
Un avis partagé par Caroline Quach, microbiologiste-infectiologue au CHU Sainte-Justine. Réduire l’achalandage de 50 % comme l’a exigé Québec jeudi est un « bon début », mais un service exclusivement offert en terrasse est la solution idéale. « Même si la personne en face de moi est déclarée positive à la COVID-19, il n’en demeure pas moins que le virus se dilue davantage à l’extérieur », illustre-t-elle.