Le Devoir

Vacances réduites pour des milliers d’infirmière­s

Une majorité d’employés de première ligne, partout en province, voient leur congé d’été limité aux deux seules semaines promises par Québec

- ISABELLE PARÉ

Au moment où de nombreux Québécois amorcent leur congé d’été, beaucoup de profession­nels de la santé voient leurs vacances réduites comme peau de chagrin et certaines infirmière­s sont forcées d’effectuer des quarts de fin de semaine durant leur pause estivale.

C’est du moins le cas dans plusieurs CIUSSS du Québec où une majorité d’infirmière­s n’ont droit qu’aux deux semaines de vacances minimales, promises par la ministre Geneviève Guilbault fin mai pour donner un peu d’oxygène au personnel soignant. Deux semaines qui équivalent aux conditions minimales des normes du travail. Dans certains cas, certains employés ont pu obtenir à l’arraché une troisième, ou une quatrième semaine, mais à certaines conditions strictes.

Au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, par exemple, des notes de service envoyées au personnel invoquent « une situation qui demeure critique » pour annuler les 3e et 4e semaines de congé de son personnel infirmier et des préposés aux bénéficiai­res à l’hôpital Notre-Dame. À l’hôpital de Verdun, ces mêmes catégories d’employés souhaitant obtenir trois semaines doivent

revenir effectuer un quart de fin de semaine durant leur congé.

Pour le syndicat local de la Fédération des infirmière­s et infirmiers du Québec (FIQ-SPSS Centre-Sud-de-l’Îlede-Montréal), ces mesures draconienn­es ne sont pas justifiées dans le contexte actuel, alors qu’on ne compte plus que 5 patients atteints de la COVID hospitalis­és dans tout le CIUSSS du Centre-Sud.

« Il n’y a plus de patients positifs à l’hôpital de Verdun et des lits sont fermés pour l’été. On ne comprend pas cette décision. On utilise les arrêtés ministérie­ls pour pallier les problèmes d’effectifs qui existaient avant la COVID », avance Françoise Ramel, directrice par intérim du SPSS-FIQ du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.

Le CIUSSS du Centre-Sud, qui a hospitalis­é plus de 1200 patients victimes de la COVID et compté quelque 1500 infectés sur 21 000, a confirmé mercredi qu’il ne restait plus que cinq patients et quatre employés atteints, ainsi que cinq résidents infectés en CHSLD. Selon l’établissem­ent, ces mesures exceptionn­elles, qui n’affectent que 1,5 % de son personnel infirmier, ont été prises pour permettre à l’ensemble du personnel d’avoir un congé minimal de deux semaines cet été.

De plus, l’hôpital Notre-Dame est toujours désigné « COVID » et doit maintenir tout l’été sa capacité à recevoir des patients infectés, en plus de reprendre ses activités régulières, invoque-t-on. Malgré l’embauche de 466 infirmière­s depuis mars, le CIUSSS Centre-Sud s’estime encore en manque de 280 infirmière­s et de 75 auxiliaire­s.

Mais selon Françoise Ramel, cette gestion à la dure amplifie le problème de pénurie déjà existant, plutôt que de le régler. Jeudi, les horaires de travail de la mi-juillet à la mi-août n’avaient pas encore été communiqué­s aux infirmière­s. « Qui peut organiser des vacances avec sa famille à une semaine d’avis ? Certaines ont déjà annulé, car c’est trop tard. À cause de cela, il y a des départs à la retraite et des démissions, et on n’est même pas dans la deuxième vague », soupire-t-elle.

Même si les arrêtés ministérie­ls donnent le droit aux établissem­ents de santé d’annuler les vacances et les congés fériés de leurs employés, la plupart des syndicats ont réussi à s’entendre localement avec les employeurs pour limiter les répercussi­ons sur les employés du réseau, soutient Nathalie Lévesque, vice-présidente et coresponsa­ble des relations de travail à la FIQ. « Mais dans certains endroits, ça coince et les profession­nelles de la santé en paient le fort prix. »

Un tour d’horizon réalisé auprès de plusieurs infirmière­s démontre que la situation est très variable d’une région à l’autre, et parfois à l’intérieur d’une même région.

En Montérégie, plusieurs hôpitaux n’ont pas dérogé de la règle des deux semaines maximum et continuent d’exiger du temps plein obligatoir­e pour tous les employés à temps partiel.

Au CHUM, des infirmière­s ont obtenu 3 ou 4 semaines de vacances et la reprise du travail à temps partiel vient même d’y être autorisée.

Dans Lanaudière et les Laurentide­s, certains employés ont eu droit à trois semaines, d’autres à deux seulement.

À Québec, plusieurs ont obtenu de trois à quatre semaines, comme à l’habitude. À défaut de vacances prolongées, plusieurs infirmière­s choisissen­t de faire du « 7 / 7 » tout l’été, soit sept jours de travail en ligne, suivis d’une semaine de congé.

Même des CISSS situés dans des régions épargnées par la pandémie limitent à deux semaines maximum les vacances de leurs employés, déplore Nathalie Lévesque. « Si on a des démissions, on ne sera pas plus avancés », dit-elle.

Selon Hubert Forcier, conseiller à l’informatio­n à la Fédération de la Santé et des Services sociaux de la CSN, la situation est aussi inégale chez le personnel affilié à son syndicat (préposé aux bénéficiai­res, personnel auxiliaire et technique). « Ça dépend beaucoup des établissem­ents ; certains ont obtenu plus que d’autres. Pour annuler des vacances, il faudrait qu’on soit face à une deuxième vague. Or, la situation s’est stabilisée, les activités normales repartent », dit-il.

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VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR

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