Toujours pas de BAPE en vue à la mine du lac Bloom
Près de 900 millions de tonnes de résidus miniers sont en voie d’être produits et stockés près de Fermont
Le gouvernement Legault n’a toujours pas décidé s’il mandatera le BAPE pour mener un examen du projet de stockage des 872 millions de tonnes de résidus miniers qui seront produits au cours des prochaines années à la mine de fer du lac Bloom, située près de Fermont. Une coalition de groupes environnementaux réclame une audience publique pour ce projet de la minière Champion, qui provoquera la destruction de plusieurs dizaines de cours d’eau.
Dans une lettre transmise le 10 août au ministre de l’Environnement québécois, Benoit Charette, et dont Le Devoir a obtenu copie, les organisations écologistes jugent que le projet est tout simplement « inacceptable dans sa forme actuelle ». Les signataires demandent donc au gouvernement d’« exiger des modifications au projet », mais aussi de mandater le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) afin qu’il mène une évaluation de ce projet de Minerai de fer Québec, une filiale de la multinationale Champion Iron.
« Notre principale préoccupation concerne la destruction de huit lacs et de dizaines de cours d’eau que propose le promoteur pour l’entreposage, à perpétuité, de 872 millions de tonnes de déchets miniers, alors que d’autres solutions existent », font valoir les organismes qui ont écrit au ministre Benoit Charette, dont Greenpeace, Nature Québec, la Fondation Rivières et Eau secours.
Québec n’a toutefois pas encore statué sur la pertinence d’une telle évaluation environnementale. « Le ministre prendra une décision à ce sujet lorsque la période d’information et de consultation prendra fin, le 24 août », a indiqué mercredi le cabinet du ministre de l’Environnement, Benoit Charette, dans une réponse écrite. Il s’agit de la date limite pour réclamer une « audience publique ».
Cours d’eau menacés
Minerai de fer Québec, qui a racheté la mine du lac Bloom en 2016 grâce au soutien financier de l’État québécois, compte poursuivre l’exploitation du gisement jusqu’en 2040, à raison de 15 millions de tonnes par année. Cette exploitation doit générer 1,3 milliard de tonnes de résidus et de stériles, dont 872 millions de tonnes qui devront être stockées dans de nouveaux sites. La minière souligne toutefois que « l’espace terrestre disponible » est insuffisant. Elle se dit donc obligée de remblayer des milieux humides et des milieux hydriques en les remplissant de résidus miniers.
Selon ce qu’a précisé son vice-président à la « production durable », François Lafrenière, lors d’une séance d’information publique virtuelle tenue par le BAPE le 29 juillet, huit lacs au total seront ainsi détruits, mais aussi 160 « cours d’eau ».
Notre principale préoccupation concerne la destruction de huit lacs et de dizaines de cours d’eau
GROUPES ÉCOLOGISTES
« Quand on parle de cours d’eau dans le cadre de notre projet, on parle de cours d’eau qui sont soit intermittents, soit permanents », a-t-il ajouté. Selon les informations transmises au Devoir par le ministère de l’Environnement au sujet des cours d’eau affectés ou détruits, « le projet est susceptible de toucher 38 lacs et un étang », mais aussi « 41 ruisseaux ». Pour les précisions, le ministère nous renvoie simplement à l’étude d’impact, qui totalise plus de 5000 pages.
Quel que soit le nombre final de cours d’eau détruits pour stocker des résidus miniers, le regroupement d’organismes qui réclame une évaluation environnementale exige que cette option soit écartée par Québec. « Nous craignons le dangereux précédent que pourrait entraîner l’autorisation de détruire des dizaines de lacs et de cours d’eau, alors que des solutions existent pour éviter ces impacts. Québec doit exiger des modifications au projet et doit maintenir sa position historique d’interdire ce genre de pratique sur son territoire », soulignent-ils.
Leur demande plaide ainsi pour le « remplissage » des fosses de la mine, comme cela a déjà été fait pour d’autres projets au Québec. La minière, qui a enregistré des revenus de 785 millions de dollars l’an dernier, estime pour sa part que l’entreposage de résidus ou de stériles dans la fosse est « contre-indiqué dans les circonstances afin de ne pas mettre en péril l’exploitation d’une ressource potentiellement exploitable dans le futur ».
Minerai de fer Québec prévoit aussi un programme de compensation afin de « contrebalancer les pertes pour l’habitat du poisson ». Des projets ont déjà été conçus, mais les plans devront être « approuvés » par les autorités gouvernementales. Un « plan de restauration et de réaménagement » est prévu pour les sites où seront stockés les résidus miniers. La législation actuelle n’oblige pas l’entreprise à remblayer la fosse de la mine à la fin de l’exploitation.
En 2018, le gouvernement du Québec a autorisé la minière ArcelorMittal à augmenter la superficie de son parc de résidus miniers, lui aussi dans la région de Fermont. Il est question d’y stocker 825 millions de tonnes de résidus. Selon le rapport du BAPE, ce projet entraînera « la destruction de 11 lacs, 15 étangs et 25 ruisseaux ».