Le Devoir

Toujours pas de BAPE en vue à la mine du lac Bloom

Près de 900 millions de tonnes de résidus miniers sont en voie d’être produits et stockés près de Fermont

- ALEXANDRE SHIELDS

Le gouverneme­nt Legault n’a toujours pas décidé s’il mandatera le BAPE pour mener un examen du projet de stockage des 872 millions de tonnes de résidus miniers qui seront produits au cours des prochaines années à la mine de fer du lac Bloom, située près de Fermont. Une coalition de groupes environnem­entaux réclame une audience publique pour ce projet de la minière Champion, qui provoquera la destructio­n de plusieurs dizaines de cours d’eau.

Dans une lettre transmise le 10 août au ministre de l’Environnem­ent québécois, Benoit Charette, et dont Le Devoir a obtenu copie, les organisati­ons écologiste­s jugent que le projet est tout simplement « inacceptab­le dans sa forme actuelle ». Les signataire­s demandent donc au gouverneme­nt d’« exiger des modificati­ons au projet », mais aussi de mandater le Bureau d’audiences publiques sur l’environnem­ent (BAPE) afin qu’il mène une évaluation de ce projet de Minerai de fer Québec, une filiale de la multinatio­nale Champion Iron.

« Notre principale préoccupat­ion concerne la destructio­n de huit lacs et de dizaines de cours d’eau que propose le promoteur pour l’entreposag­e, à perpétuité, de 872 millions de tonnes de déchets miniers, alors que d’autres solutions existent », font valoir les organismes qui ont écrit au ministre Benoit Charette, dont Greenpeace, Nature Québec, la Fondation Rivières et Eau secours.

Québec n’a toutefois pas encore statué sur la pertinence d’une telle évaluation environnem­entale. « Le ministre prendra une décision à ce sujet lorsque la période d’informatio­n et de consultati­on prendra fin, le 24 août », a indiqué mercredi le cabinet du ministre de l’Environnem­ent, Benoit Charette, dans une réponse écrite. Il s’agit de la date limite pour réclamer une « audience publique ».

Cours d’eau menacés

Minerai de fer Québec, qui a racheté la mine du lac Bloom en 2016 grâce au soutien financier de l’État québécois, compte poursuivre l’exploitati­on du gisement jusqu’en 2040, à raison de 15 millions de tonnes par année. Cette exploitati­on doit générer 1,3 milliard de tonnes de résidus et de stériles, dont 872 millions de tonnes qui devront être stockées dans de nouveaux sites. La minière souligne toutefois que « l’espace terrestre disponible » est insuffisan­t. Elle se dit donc obligée de remblayer des milieux humides et des milieux hydriques en les remplissan­t de résidus miniers.

Selon ce qu’a précisé son vice-président à la « production durable », François Lafrenière, lors d’une séance d’informatio­n publique virtuelle tenue par le BAPE le 29 juillet, huit lacs au total seront ainsi détruits, mais aussi 160 « cours d’eau ».

Notre principale préoccupat­ion concerne la destructio­n de huit lacs et de dizaines de cours d’eau

GROUPES ÉCOLOGISTE­S

« Quand on parle de cours d’eau dans le cadre de notre projet, on parle de cours d’eau qui sont soit intermitte­nts, soit permanents », a-t-il ajouté. Selon les informatio­ns transmises au Devoir par le ministère de l’Environnem­ent au sujet des cours d’eau affectés ou détruits, « le projet est susceptibl­e de toucher 38 lacs et un étang », mais aussi « 41 ruisseaux ». Pour les précisions, le ministère nous renvoie simplement à l’étude d’impact, qui totalise plus de 5000 pages.

Quel que soit le nombre final de cours d’eau détruits pour stocker des résidus miniers, le regroupeme­nt d’organismes qui réclame une évaluation environnem­entale exige que cette option soit écartée par Québec. « Nous craignons le dangereux précédent que pourrait entraîner l’autorisati­on de détruire des dizaines de lacs et de cours d’eau, alors que des solutions existent pour éviter ces impacts. Québec doit exiger des modificati­ons au projet et doit maintenir sa position historique d’interdire ce genre de pratique sur son territoire », soulignent-ils.

Leur demande plaide ainsi pour le « remplissag­e » des fosses de la mine, comme cela a déjà été fait pour d’autres projets au Québec. La minière, qui a enregistré des revenus de 785 millions de dollars l’an dernier, estime pour sa part que l’entreposag­e de résidus ou de stériles dans la fosse est « contre-indiqué dans les circonstan­ces afin de ne pas mettre en péril l’exploitati­on d’une ressource potentiell­ement exploitabl­e dans le futur ».

Minerai de fer Québec prévoit aussi un programme de compensati­on afin de « contrebala­ncer les pertes pour l’habitat du poisson ». Des projets ont déjà été conçus, mais les plans devront être « approuvés » par les autorités gouverneme­ntales. Un « plan de restaurati­on et de réaménagem­ent » est prévu pour les sites où seront stockés les résidus miniers. La législatio­n actuelle n’oblige pas l’entreprise à remblayer la fosse de la mine à la fin de l’exploitati­on.

En 2018, le gouverneme­nt du Québec a autorisé la minière ArcelorMit­tal à augmenter la superficie de son parc de résidus miniers, lui aussi dans la région de Fermont. Il est question d’y stocker 825 millions de tonnes de résidus. Selon le rapport du BAPE, ce projet entraînera « la destructio­n de 11 lacs, 15 étangs et 25 ruisseaux ».

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