A-t-on pensé aux enfants en services de garde ?
Le plan du retour en classe comporte un autre angle mort
Lors de sa conférence de presse du 10 août, le ministre Jean-François Roberge a annoncé les grandes lignes du plan révisé de la rentrée scolaire. Au premier abord, ce plan semble satisfaire plusieurs associations scolaires, non seulement en raison de la nécessité pour le bien-être des jeunes de retourner sur les bancs d’école, mais aussi en raison de la volonté du gouvernement de fournir des directives claires pour assurer une rentrée scolaire réussie, notamment avec le port du couvre-visage à partir de la cinquième année du primaire et le remplacement de l’idée des bulles de six élèves par celle des bulles de groupe-classe.
Bien entendu, les partis d’opposition ont souligné à grands traits l’absence de mesures de rattrapage scolaire et le flou entourant le soutien pédagogique auprès des élèves vulnérables ou avec des difficultés d’apprentissage. Dans l’ensemble toutefois, plusieurs acteurs du réseau de l’éducation se disent satisfaits du plan proposé par le gouvernement pour la rentrée scolaire.
Dans les foyers, plusieurs parents ont sans doute poussé un long soupir de soulagement. Selon les données recueillies en mai par le Réseau pour un Québec Famille auprès de 3000 travailleurs québécois, près de 38 % des répondants ont trouvé difficile de concilier travail et famille, une proportion qui grimpe à 41 % chez les femmes et à 43 % chez les répondants âgés de 18 à 34 ans, plus susceptibles d’avoir de jeunes enfants. Bien des parents ont vite constaté que l’école n’est pas uniquement un lieu d’apprentissage, c’est aussi un lieu sécuritaire où est assurée la garde de leurs enfants, leur permettant ainsi de vaquer à leurs activités professionnelles.
Mais voilà : les heures de classe ne correspondent que rarement aux heures de travail des parents. C’est d’ailleurs pour permettre une conciliation travail-famille harmonieuse que le Québec s’est doté à la fin des années 1990 d’une politique de services de garde à la petite enfance et de services de garde en milieu scolaire offerts à faible coût.
Les parents peuvent ainsi amener leur enfant à l’école avant le début des classes, tout comme ils peuvent aller les chercher généralement jusqu’à 18 h, alors que les heures d’enseignement au primaire se terminent typiquement autour de 15 h 30. Rien n’oblige les parents à se conformer à un horaire préétabli. Un parent peut donc choisir d’aller chercher son enfant à 16 h le lundi et à 17 h 30 le lendemain.
Brouillard
Comment justifier l’absence d’explications en ce qui concerne l’offre de services de garde en milieu scolaire dans un contexte où plusieurs parents s’inquiètent tout autant d’envoyer leurs enfants à l’école que de les garder à la maison ? Bien que le concept de bulle de groupe-classe ne semble pas poser de défi majeur, les choses seront différentes en ce qui concerne les services de garde offerts à l’extérieur des heures d’enseignement. Autrement dit, si plusieurs efforts semblent vouloir être faits pour limiter les contacts entre les élèves de plusieurs classes et de différents niveaux, un brouillard épais plane au-dessus de l’organisation des groupes de services de garde.
Quels seront les ratios éducatrice-enfants ? Comment les écoles pourront-elles s’assurer de ne pas mettre en contact des élèves de deux classes différentes en dehors des heures d’enseignement, pendant lesquelles le jeu et les activités extérieures sont souvent privilégiés ? Les parents pourront-ils entrer dans l’école pour aller chercher leur enfant en fin de journée ? Demandera-ton aux parents de ramener leur enfant à la maison dès le son de la cloche ?
Depuis le début de la pandémie, plusieurs acteurs sociaux ont mis en relief l’importance d’offrir aux parents des services de garde sécuritaires, pour ne pas les contraindre à choisir entre leurs activités professionnelles et familiales. Aussi, la recherche nationale et internationale a montré à plusieurs reprises au cours des dernières semaines l’effet genré de la pandémie, les femmes ayant davantage diminué leur présence sur le marché de l’emploi que les hommes.
En dépit du ton rassurant du ministre, de l’effort de transparence qui semble sincère et des mesures d’hygiène supplémentaires annoncées, il ne faut donc pas perdre de vue que la vocation de l’école ne se limite pas à la transmission des apprentissages scolaires, bien qu’essentiels, il s’agit aussi de fournir un milieu de vie qui favorise l’épanouissement des élèves à l’extérieur des heures de classe et qui permet aux parents de poursuivre leurs activités professionnelles.
La relance économique n’est possible que dans un contexte où les parents, ce qui inclut évidemment les mères, souvent sacrifiées au nom du bien-être des enfants, peuvent compter sur un service de garde sécuritaire. Si des protocoles clairs sont déjà en place dans les services de garde à la petite enfance pour diminuer les risques de contagion, le temps presse pour mettre en place un plan de réouverture pour les services en milieu scolaire.
Bien que le concept de bulle de groupe-classe ne semble pas poser de défi majeur, les choses seront différentes en ce qui concerne les services de garde offerts à l’extérieur des heures d’enseignement