Le Devoir

Les entreprise­s espèrent une fin de conflit rapide au Port de Montréal

L’incidence de la grève des débardeurs a des effets variables chez les compagnies, qui croisent les doigts pour une entente rapide

- FRANÇOIS DESJARDINS

En attendant l’issue des discussion­s au Port de Montréal, où le Syndicat des débardeurs (SCFP 375) a entamé lundi une grève générale illimitée, des entreprise­s québécoise­s habituées au commerce transfront­alier pour s’approvisio­nner et vendre leurs produits croisent les doigts de plus en plus fort pour que le conflit se règle rapidement.

Les négociatio­ns portant sur le renouvelle­ment de la convention collective des 1125 débardeurs ont débuté en 2018, mais achoppent entre autres sur des enjeux de conciliati­on travailfam­ille.

En début de semaine, des regroupeme­nts du milieu des affaires ont demandé l’interventi­on des gouverneme­nts pour trouver une solution et ont fait circuler une lettre qui a récolté des centaines de signatures.

« Pour l’instant, on n’a pas subi d’impact, mais si ça persiste, ça pourrait être dramatique », a dit en entrevue jeudi le p.-d.g. de Métal Perreault, Charles Carré. L’entreprise de Donnaconna, dont un vice-président figure parmi les signataire­s de la lettre, se spécialise dans la fabricatio­n de structures d’acier. « Si l’acier qu’on a commandé [auprès de distribute­urs] demeure bloqué dans le Port, il va y avoir des impacts majeurs en ce qui concerne nos délais de livraison. Ça ne fera pas notre affaire. » Autrement dit, a-t-il raconté, « si je n’ai pas d’acier, je ne transforme rien ».

Combien de jours de grève faudraitil pour occasionne­r un effet ? « Je n’en ai aucune idée, a dit M. Carré. L’acier dont on a besoin présenteme­nt, on l’a. » Il ignore également le niveau des stocks chez ses fournisseu­rs.

Le site Internet du Port de Montréal affichait toujours mercredi un état de la situation mis en ligne le 7 août. On y mentionne entre autres que la grève entraîne la « suspension des services d’amarrage ordinairem­ent fournis par les débardeurs et de la manutentio­n des marchandis­es dans les terminaux du port » et que « la manutentio­n de vrac liquide, le service Oceanex (terminal Bickerdike) et le terminal céréalier (Viterra) ne sont pas touchés ».

La partie patronale est représenté­e par l’Associatio­n des employeurs maritimes, qui a indiqué mardi à La Presse canadienne que des pourparler­s étaient prévus toute la semaine avec le Syndicat des débardeurs.

Logistique complexe

« En tant que tierce partie logistique, on est dans le milieu de la chaîne, on fait le lien entre l’importateu­r et la compagnie maritime », a expliqué Stéphane Alary, directeur général d’Eurofret Canada, spécialisé dans le courtage en douane et en logistique de transport. « Et on subit les effets collatérau­x de la situation, par le fait que nos clients refusent de payer les frais liés à l’entreposag­e, à la détention de conteneurs… On doit gérer tout le mécontente­ment occasionné par cette situation-là, on doit gérer tout le flot de mouvements de marchandis­es dérouté vers Halifax, SaintJohn, refaire toute la documentat­ion, refaire les entrées de douane… On travaille en double et en triple par rapport à un flot normal. »

L’arrêt des activités au Port a déjà des répercussi­ons, selon M. Alary. « Pour la clientèle dans l’alimentair­e, on a des clients qui importent des ingrédient­s pour leur chaîne de production. De leur côté, ils sont en rupture de stock. On a de la clientèle qui importe du film de plastique pour fabriquer des contenants destinés à l’industrie du yogourt ou de la margarine, par exemple, et ils sont en rupture de stock et réduisent leurs quarts de travail. »

La COVID a fait en sorte que de nombreuses entreprise­s ont délaissé le recours à l’avion pour commencer à effectuer leurs importatio­ns par navire, a-t-il précisé. « Ç’a créé un effet d’engorgemen­t dans le transport maritime. » Les compagnies ayant un faible niveau de stocks ou vivant des difficulté­s financière­s sont frappées « dans les genoux », a-t-il dit.

Pour Michel Pellerin, propriétai­re de Guitares Pellerin, à Thetford-Mines, le Port est un tremplin vers le monde. Les exportatio­ns représente­nt environ 50 % de ses commandes, a-t-il dit. « J’importe aussi un peu de matériel. Depuis que tout est fermé, on a essayé de trouver des alternativ­es. J’ai une guitare coincée aux douanes depuis presque deux semaines. On est pris par la gorge, et là en plus il y a une grève au Port. »

Si l’acier qu’on a commandé [auprès de distribute­urs] demeure bloqué dans le Port, il va y avoir des impacts majeurs en ce qui concerne nos délais de livraison. Ça ne fera pas notre affaire. Si je n’ai pas d’acier, je ne transforme rien. »

CHARLES CARRÉ

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RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE Les négociatio­ns portant sur le renouvelle­ment de la convention collective des 1125 débardeurs ont débuté en 2018, mais achoppent notamment sur des enjeux de conciliati­on travail-famille.

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