Le Devoir

Le Royaume-Uni vit une récession record

Au cours des six premiers mois de 2020, le pays a vécu sa pire contractio­n jamais enregistré­e

- PAULINE FROISSART

Le Royaume-Uni, frappé par la crise du coronaviru­s, a subi au deuxième trimestre une chute record de 20,4 % de son économie et, sur les six premiers mois de l’année, sa pire récession jamais enregistré­e.

Le pays signe la plus mauvaise performanc­e au deuxième trimestre en Europe, devant l’Espagne (–18,5 %) et bien pire que la France (–13,8 %).

Selon l’Office national des statistiqu­es, qui a publié ces chiffres mercredi, il s’agit de la première récession technique — à savoir deux trimestres consécutif­s de contractio­n du produit intérieur brut (PIB) — depuis 2009 et la crise financière.

L’essentiel de la contractio­n, qui a commencé à se faire sentir en mars, est survenu en avril, mois entier de confinemen­t, pendant lequel la production s’est effondrée de 20 %.

Avec un tout début de reprise des chantiers de constructi­on et de l’activité manufactur­ière, le PIB a rebondi en mai de 2,4 %, suivi d’une accélérati­on en juin (+8,7 %) grâce notamment à la réouvertur­e de tous les commerces, précise l’ONS.

La contractio­n vertigineu­se de l’économie reflète « les restrictio­ns » de déplacemen­t et d’activité qui ont eu lieu à partir de l’entrée en vigueur du confinemen­t dans le pays, le 23 mars.

« J’ai dit auparavant que des temps difficiles nous attendaien­t, les chiffres d’aujourd’hui le confirment. Des centaines de milliers de personnes ont déjà perdu leur emploi et, malheureus­ement, dans les mois à venir, beaucoup d’autres vont faire de même », a commenté le ministre des Finances, Rishi Sunak.

Sur les deux trimestres de récession, l’organisme de statistiqu­es relève que l’économie britanniqu­e s’est contractée de 22,1 %, « un peu moins que les 22,7 % observés en Espagne mais plus du double qu’aux États-Unis » sur la même période.

Contre-performanc­e

« La performanc­e du Royaume-Uni est pire que celle de ses pairs à un degré extraordin­aire », relèvent les analystes de Pantheon Macro.

Le pays, entré en confinemen­t plus tardivemen­t que les autres nations européenne­s, a enregistré le plus grand nombre de décès en Europe liés à la

COVID-19, ce qui a incité le gouverneme­nt de Boris Johnson à une réouvertur­e lente de l’économie.

Rishi Sunak a justifié ce redémarrag­e tardif par « la nécessité de sauver des vies ».

Mettant en avant les mesures sanitaires imposées — comme l’obligation de porter un masque dans les magasins ou les transports —, le ministre a assuré que « les gens vont voir des changement­s très tangibles et devraient maintenant avoir confiance dans le fait que leur environnem­ent est sûr », tout en martelant : « Nous devons relancer notre économie. »

Fustigeant la pire récession en Europe après le pire bilan sanitaire, la travaillis­te Anneliese Dodds a parlé de « tragédie pour notre pays ».

Outre la durée du confinemen­t, l’ampleur du choc économique outreManch­e peut aussi être attribuée à la forte dépendance aux services et aux dépenses de consommati­on, qui ont plongé pendant le confinemen­t.

La fermeture des écoles a également forcé beaucoup de parents à quitter leur travail pour s’occuper de leurs enfants, poursuit Pantheon Macro.

« Sur une base trimestrie­lle, c’est un plongeon plus brutal que pendant la Grande Dépression ou la Seconde Guerre mondiale, mais cette récession devrait durer moins longtemps », relativise toutefois Josie Dent, économiste du centre de réflexion CEBR.

L’impact de la pandémie et de l’immobilisa­tion forcée des entreprise­s n’a qu’à peine été amorti par les dizaines de milliards de livres injectées par le gouverneme­nt grâce à des prêts ou à des aides au maintien de l’emploi, ou par la Banque d’Angleterre avec des rachats d’actifs et un taux d’intérêt à son plus bas historique.

La récession fait déjà de très lourds dégâts sociaux, avec une baisse de 730 000 du nombre de personnes employées entre mars et juillet.

Les annonces de suppressio­ns d’emploi par milliers se succèdent et les entreprise­s s’inquiètent de la fin programmée en octobre du dispositif de chômage partiel.

Le taux de chômage devrait flamber, tout comme la précarité, avec des millions de Britanniqu­es dépendant des minimas sociaux.

D’autant que l’ombre d’un Brexit sans accord qui paralyse les décisions d’investisse­ment se rapproche, avec des négociatio­ns au point mort entre Londres et Bruxelles.

« Par conséquent, la reprise britanniqu­e sera sans doute plus lente que celle des États-Unis et de l’eurozone », prévoit Capital Economics, qui s’attend à ce que la politique budgétaire reste « accommodan­te » et à de nouvelles mesures d’assoupliss­ement quantitati­f de la Banque d’Angleterre.

Pour l’ensemble de 2020, la Banque d’Angleterre anticipe une baisse de 9,5 % du PIB et prévoit que l’économie ne retrouvera son niveau d’avant la pandémie qu’en 2022.

 ?? PAUL ELLIS AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Outre la durée du confinemen­t, l’ampleur du choc économique du pays peut aussi être attribuée à la forte dépendance aux services et aux dépenses de consommati­on, qui ont plongé pendant le confinemen­t.
PAUL ELLIS AGENCE FRANCE-PRESSE Outre la durée du confinemen­t, l’ampleur du choc économique du pays peut aussi être attribuée à la forte dépendance aux services et aux dépenses de consommati­on, qui ont plongé pendant le confinemen­t.

Newspapers in French

Newspapers from Canada