Le Devoir

Le Québec doit des excuses à la famille Echaquan

- MARCO BÉLAIR-CIRINO CORRESPOND­ANT PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

Le premier ministre François Legault présentera des excuses officielle­s aux proches de Joyce Echaquan, qui est décédée à l’hôpital de Joliette le 28 septembre dernier après avoir été couverte d’insultes de la part de membres du personnel.

« On va trouver le bon moyen de le faire. Mais, effectivem­ent, ce qui est arrivé à Mme Echaquan est totalement inacceptab­le. C’est gênant. Le gouverneme­nt… moi, je suis prêt à m’excuser auprès de la famille », a-t-il déclaré lors d’un point de presse lundi soir.

M. Legault avait rencontré les leaders autochtone­s Paul-Émile Ottawa, Constant Awashish et Ghislain Picard quelques heures plus tôt.

Il a acquiescé à leur demande d’offrir une formation sur la culture autochtone à des milliers de membres du personnel de l’État québécois, à commencer par celui de l’hôpital de Joliette. « Il faut rappeler à tous les Québécois que les Premières Nations nous ont précédés sur notre vaste territoire [et] nous ont aidés », a-t-il déclaré précisant que son arrière-arrière-grand-mère Marie Miteouamig­oukoue était Algonquine.

Les gestionnai­res de l’hôpital de Joliette ont eu droit la semaine dernière à des « rappels quant au respect et aux bons comporteme­nts avec l’ensemble des usagers », a indiqué la porte-parole du CISSS de Lanaudière, Pascale Lamy, lundi. « Nous mettrons en place d’autres actions à court terme et nous aurons l’occasion de travailler sur des actions répondant aux besoins qui nous seront exprimés, lors d’une prochaine rencontre avec M. Ottawa, chef de Manawan, et la communauté », a-t-elle poursuivi.

La communauté attikamek de Manawan est déchirée par la « tristesse », l’« incompréhe­nsion » et la « colère », a souligné le chef de Manawan, PaulÉmile Ottawa, à sa sortie du bureau montréalai­s du chef du gouverneme­nt québécois.

La mort de Joyce Echaquan sous les injures du personnel de l’hôpital de Joliette a, selon lui, montré brutalemen­t à la face du monde le « fossé très très large qui nous sépare ». « Elle a perdu la vie dans un hôpital, là où normalemen­t tu dois être sauvé de toutes les façons contre la maladie. C’est ça qui fait tout le drame de la situation. Ça, on n’en veut plus. Je pense que tous les Québécois n’en veulent plus non plus », a-t-il soutenu.

M. Ottawa s’est dit prêt à travailler à « rebâtir la confiance des usagers attikameks à l’endroit de cet établissem­ent de santé » qui, pour l’heure, inspire la crainte chez les Autochtone­s. « Je l’ai rappelé au premier ministre : nous avons le devoir, comme leaders, de construire des ponts entre nos peuples et nos sociétés pour favoriser une meilleure cohabitati­on, beaucoup plus harmonieus­e et pacifique, respectueu­se et riche », a-t-il ajouté.

Selon lui, l’intégratio­n d’un cours sur la culture autochtone dans la Technique en soins infirmiers et dans le doctorat en médecine assorti de stages obligatoir­es dans des communauté­s autochtone­s contribuer­ait à « éradiquer le racisme dans certains hôpitaux ».

Le chef de Manawan a également

demandé lundi une « participat­ion attikamek » dans l’enquête publique concernant le décès de Mme Echaquan.

La coroner en chef du Québec, Pascale Descary, se dit « absolument certaine » de l’« ouverture » de la coroner qui présidera l’enquête publique « à ce que des groupes représenta­nt des communauté­s soient parties prenantes à l’exercice ». « Oui, certaineme­nt, si ces groupes font des demandes, ce sera soigneusem­ent analysé », a-t-elle dit dans un entretien téléphoniq­ue avec Le Devoir lundi soir. Si les Attikameks se voient reconnus comme « groupe intéressé », ils pourront notamment poser des questions aux personnes appelées à témoigner durant les audiences.

« Notre rôle, ce n’est pas de déterminer des responsabi­lités, ce n’est pas de faire un procès, ce n’est pas de trouver des coupables, c’est de trouver la vérité », a souligné Me Descary, tout en rappelant le « créneau » du coroner : « rechercher les causes et circonstan­ces des décès obscurs, violents ou issus de négligence ». « Dans ce cas-ci, on va certaineme­nt s’intéresser à l’aspect négligence.

Sous cet angle-là, il y a certaineme­nt des éléments qui vont ressortir au niveau de la qualité des soins », a-t-elle précisé.

Pour le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard, « c’est à partir de maintenant qu’on change les choses et qu’on se donne la main pour le faire ».

Le grand chef du Conseil de la nation atikamekw, Constant Awashish, note « la volonté pour de l’action » au sommet de l’État québécois, mais pas « pour appeler les choses par leur nom » : il y a du racisme systémique au Québec.

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JAQUES NADEAU LE DEVOIR Constant Awashish, grand chef du Conseil de la nation atikamekw, Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières nations Québec-Labrador, et Paul-Émile Ottawa, chef du Conseil des Atikamekw de Manawan, à leur arrivée à la rencontre avec le premier ministre, François Legault

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