Le Devoir

Québec adopte Alerte COVID

- CORONAVIRU­S ANNABELLE CAILLOU MYLÈNE CRÊTE

En plein coeur de la seconde vague de COVID-19, le gouverneme­nt Legault encourage finalement les Québécois à télécharge­r massivemen­t Alerte COVID, l’applicatio­n fédérale de suivi de contacts, qu’il avait mise de côté cet été.

« Le moment est propice à lancer cette applicatio­n, en espérant que la population va être sensibilis­ée au fait que cet outil […] peut avoir un impact important sur notre capacité à voir les chiffres diminuer », a déclaré lundi le ministre délégué à la Transforma­tion numérique gouverneme­ntale, Éric Caire.

C’est « un outil additionne­l », a précisé le premier ministre François Legault — également présent —, assurant que la Santé publique continuera de faire « le traçage à la main ».

En conférence de presse, il a lui-même téléchargé l’applicatio­n, invitant tous les Québécois à suivre son exemple. « Et essayez de convaincre vos amis aussi », a-t-il lancé, demandant notamment à Marie-Mai et à Julie Snyder de mobiliser leurs « admirateur­s et admiratric­es ».

Si l’utilisatio­n de l’applicatio­n fédérale reste optionnell­e, elle nécessite une adhésion importante de la population pour être efficace. Éric Caire a reconnu vouloir rejoindre davantage les jeunes, actuelleme­nt plus touchés par le virus : « 76 % des Québécois possèdent un téléphone intelligen­t et la proportion de jeunes [en] ayant un est extrêmemen­t significat­ive. Les jeunes pourraient avoir un intérêt supplémen

taire à télécharge­r cette applicatio­n. »

Le Québec devient la huitième province à adopter cette technologi­e lancée en Ontario le 31 juillet. À ce jour, 3,3 millions de Canadiens ont téléchargé Alerte COVID et 800 personnes infectées ont saisi leur code dans l’applicatio­n pour en informer leurs contacts récents.

Confidenti­alité

Cet été, Québec avait pourtant décidé ne pas aller de l’avant avec l’applicatio­n fédérale, redoutant qu’elle puisse porter atteinte à la vie privée des utilisateu­rs. La porte technologi­que n’était pas fermée pour autant, Québec envisagean­t même de se tourner vers une firme québécoise.

Mais après avoir regardé Alerte COVID « sous toutes ses coutures », le ministre Caire a conclu qu’elle était « fiable et sécuritair­e » et qu’elle n’avait pas été « hackée » une seule fois depuis juillet. « On dit souvent que le risque zéro n’existe pas, mais s’il existait, cette applicatio­n est probableme­nt ce qu’il s’en rapproche le plus. »

« Ni la Santé publique, ni le gouverneme­nt, ni vos contacts ne vont savoir où vous êtes ou qui vous avez rencontré dans les dernières semaines. […] Ni que c’est vous qui étiez positif », a renchéri M. Legault.

Alerte COVID envoie une notificati­on à l’utilisateu­r s’il a été en contact pendant au moins 15 minutes au cours des deux semaines précédente­s avec une personne ayant reçu un résultat positif à un test de COVID-19. La technologi­e Bluetooth est utilisée pour envoyer des codes aléatoires aux téléphones à proximité. L’applicatio­n utilise les données recueillie­s par les autorités de la santé publique des provinces participan­tes et l’identité de la personne infectée n’est jamais révélée.

La députée libérale Marwah Rizqy, qui craignait au départ pour la protection des données personnell­es des citoyens, s’est empressée de télécharge­r l’applicatio­n. Elle a été rassurée par l’analyse des experts. « Ma plus grande préoccupat­ion, c’est le risque de congestion, a-t-elle affirmé en faisant allusion aux ratés du dépistage. Je ne veux pas qu’il soit accentué. Le gouverneme­nt n’est pas prêt à recevoir davantage de personnes. »

L’applicatio­n pourrait inciter des gens qui n’ont pas réellement été en contact avec une personne infectée à aller se faire tester inutilemen­t. Par exemple, des gens qui travaillen­t à proximité les uns des autres, mais qui sont protégés par un panneau de Plexiglas.

Québec solidaire craint que l’applicatio­n n’allonge les délais de dépistage. « Les experts et les expérience­s internatio­nales pointent dans la même direction : même si l’applicatio­n est massivemen­t téléchargé­e, elle générera une telle quantité de faux positifs qu’elle alimentera une congestion dans les cliniques de dépistage, déjà débordées », a fait valoir son co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois. Le parti a déjà proposé au gouverneme­nt de réquisitio­nner les laboratoir­es privés pour réduire les délais.

Pour le député péquiste Martin Ouellet, deux questions demeurent en suspens : « On aurait aimé que le gouverneme­nt se fixe une cible [d’]à combien de pour cent [on a] un seuil d’acceptabil­ité pour dire que l’applicatio­n fonctionne. » Il craint notamment que des employeurs obligent leurs employés à utiliser l’applicatio­n.

En commission parlementa­ire au mois d’août, les experts invités avaient relevé l’efficacité encore non démontrée des applicatio­ns de recherche de contacts, car, entre autres, la technologi­e Bluetooth utilisée est imprécise.

Dans leur rapport final, les élus — dont quatre de la CAQ — avaient conclu que les lois québécoise­s ne protégeaie­nt pas suffisamme­nt les données et renseignem­ents personnels des citoyens, rendant périlleux le recours à ce genre d’applicatio­n.

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